
Amina est 4e au classement des joueurs de tennis de moins de 18 ans.
(Mohamad Moustapha)
Deux semaines avant le jour J. Moaz Nabil, élève au baccalauréat, a rejoint l’équipe nationale de taekwondo qui se prépare pour le Championnat d’Afrique. A quelques jours de l’examen, ce jeune champion a participé à un événement sportif important. Du stress ? Bien sûr, car ce jeune de 18 ans devait terminer sa dernière révision de langue arabe et ce fut la course contre la montre pour terminer tout ce qui lui reste à faire. Moaz souhaite également remporter une médaille pour bénéficier de quelques points supplémentaires qui s’ajouteront à son pourcentage de notes au bac. Il aura ainsi peut-être la possibilité de s’inscrire dans une faculté prestigieuse. « L’examen du bac est une épreuve difficile pour un sportif. L’emploi du temps est surchargé et on est confronté à deux choix difficiles : arrêter le sport pour se consacrer aux études ou prendre le risque de faire les deux ensemble. J’ai opté pour le second choix. Aujourd’hui, je suis fier d’avoir amélioré mon classement mondial en tant que joueur de taekwondo dans la catégorie des moins de 54 kg. Je suis passé de la 16e à la 6e place. Par ailleurs, j’ai pu m’inscrire à la faculté de pharmacie après avoir obtenu un pourcentage de 97,5 % au bac », explique Moaz qui a remporté la médaille d’or lors de la dernière compétition et la première place aux Jeux africains qui se sont déroulés à Brazzaville, en République démocratique du Congo, en septembre 2015, une date qui coïncidait avec la rentrée scolaire.
Le cas de Moaz Nabil n’est pas unique. Cette année, environ 1 700 élèves au bac ont bénéficié de notes supplémentaires grâce à leurs performances sportives. Ces notes sont attribuées aux élèves en fonction de leurs résultats sportifs obtenus à l’échelle locale, régionale ou internationale, ainsi que leur classement. L’élève qui remporte la première place dans une compétition internationale bénéficie de 40 points. Il obtient 33 points pour une deuxième place, 26,5 points pour une troisième place, 20 points pour la quatrième, 13 points pour la cinquième, et 6,5 pour la sixième. Pour les compétitions régionales (Jeux africains ou méditerranéens), l’élève obtient entre 5 et 32 points selon son classement (entre 1 et 6). Pour les compétitions arabes, l’élève obtient entre 3 et 20 points. Enfin, dans les compétitions locales, le champion reçoit un total de 16 points, s’il occupe la première place, 13 pour la seconde, 10,5 points pour la troisième, 8 pour la quatrième, 5 pour la cinquième et 2,5 points pour la sixième place.
La bonne gestion du temps est l’élément le plus difficile car concilier sport et études n’est pas une chose facile. Ces champions doivent braver bien des défis.
Doha Hani, 19 ans, confie qu’un sportif doit jongler toute l’année pour parvenir à gérer son temps. Cette championne d’Afrique de badminton a dû se rendre à l’autre bout du monde pour participer à des compétitions à Hong Kong, en Chine, puis en Ethiopie et ensuite à l’Île Maurice. « Chaque mois, je devais participer à un match. Et en même temps, il fallait déployer beaucoup d’efforts pour ne pas rater mes cours. Parfois, je ne devais compter que sur moi-même pour assimiler mes leçons surtout en biologie et en géologie. Il m’est arrivé aussi de faire le tour des centres de cours particuliers pour chercher quelqu’un qui puisse m’expliquer une leçon donnée en mon absence », relate Doha qui veut faire de kinésithérapie.
Un véritable challenge pour les jeunes, car rares sont les professeurs en Egypte qui apprécient le sport. Pour eux, seuls les résultats scolaires comptent, comme le pense Moaz. Il raconte qu’un professeur l’a renvoyé de son centre de cours particuliers quelques semaines avant l’examen à cause de ses absences répétées. « Les professeurs ont peur pour leur réputation. Car, au cas où je n’obtiendrais pas de bonnes notes, cela risque de porter atteinte à leur notoriété sur le marché des leçons particulières. Au lieu de m’aider ou me soutenir, le professeur m’a mis dans une situation difficile », confie Moaz, qui a dû ramener des professeurs à domicile pour combler cette lacune.
Un agenda chargé

Doha, championne de badminton, ne veut pas quitter le sport. Elle pense faire des études de kinésithérapie.
Et ce n’est pas tout. La journée de ces sportifs est très chargée. Amina Omar, quatrième au classement de tennis en Egypte, assure que ses journées étaient réparties entre les cours, les exercices et les révisions. « Je devais m’entraîner quatre fois par semaine, durant quatre heures, dont deux pour le fitness et deux pour le tennis, puis me rendre rapidement au centre pour être à l’heure et suivre les cours qui duraient entre 4 et 5 heures, avant de rentrer le soir pour réviser mes leçons. Le jeudi, l’entraînement pouvait se prolonger jusqu’à minuit, alors que je devais le lendemain me réveiller à 6h pour assister à un autre cours particulier qui avait lieu à 7h30 du matin. Je profitais des jours où je n’avais ni cours ni entraînement pour rester à la maison et réviser mes leçons 12 heures d’affilée, surtout les derniers jours avant l’examen », dit Amina Omar qui s’est inscrite à la faculté de polytechnique. Mariam Saleh, championne d’Egypte en ping-pong, a connu le même calvaire. Elève studieuse, elle s’est inscrite à la faculté de chirurgie dentaire. « Bien que je pratique le tennis de table depuis une dizaine d’années, cette année, j’ai déployé beaucoup d’efforts et travaillé énormément pour concilier sport et études. Je me levais à 5h du matin pour réviser mes leçons avant d’aller à l’entraînement qui durait 4 heures et demie, puis me rendre au cours et rentrer épuisée le soir pour étudier afin de me préparer aux examens du centre et entre-temps, faire des exercices de fitness et sauter à la corde pour garder la forme. Parfois je profitais du temps consacré à mes déplacements pour terminer quelques devoirs ou avaler rapidement un sandwich », confie Mariam qui a refusé de se retirer de la compétition, elle qui a commencé à jouer au ping-pong dès l’âge de 9 ans.
Sport et leçons particulières

Moaz a remporté la médaille d’or au Championnat d’Afrique et la première place aux Jeux africains
Du point de vue financier, concilier sport de haut niveau et études est également compliqué. En effet, outre la facture salée des leçons particulières, celle du sport pèse lourd sur le budget de la famille. « Mes parents devaient verser chaque mois la somme de 2 400 L.E. pour financer les leçons particulières et une somme identique pour le taekwondo », avance Moaz, tout en ajoutant que ses parents assumaient d’autres frais : lui payer des professeurs à domicile pour rattraper les retards dus à son absence et certains voyages pour participer aux compétitions. Et la situation se complique quand il s’agit d’un sport coûteux, surtout pour des familles comme celles d’Amina ou de Mariam qui ont dû verser des sommes exorbitantes pour l’année du bac pour que leurs enfants réalisent des résultats. « Les équipements de tennis coûtent très cher. Une raquette vaut 3 000 L.E. et un joueur a besoin de trois raquettes au moins lors d’une compétition, les chaussures de sport coûtent 2 000 L.E., sans compter les prix des vêtements et les cours privés de tennis qui coûtent 150 L.E. l’heure », confie Amina Omar. Mariam Saleh estime que pour pratiquer correctement son sport, il lui faut du bon cuir pour couvrir le manche de sa raquette, et cela coûte 950 L.E. Une somme qui doit être versée à chaque compétition car le renouvellement du cuir est essentiel et ce, sans compter le prix des raquettes qui coûtent 1 200 L.E. et les balles. Sur la même longueur d’onde, Doha ajoute : « La situation devient plus compliquée, lorsque l’activité sportive, à l’exemple du badminton, ne bénéficie ni d’une large popularité ni d’aucune aide de l’Etat. Il suffit de citer qu’un fil de raquette vaut 60 L.E. Celui-ci risque de se casser à chaque entraînement, sans compter le prix des plumes qui coûtent entre 100 et 150 L.E. ». Ce sont donc les parents qui assument la plus grande partie de ces dépenses. Et la famille est le seul soutien pour les enfants afin de leur permettre de maintenir cet équilibre difficile entre sport et études. Or, cela coûte énormément d’argent et d’effort. Et les mamans sont aux petits soins. Les mets que prépare Maha Moustapha, la maman de Mariam, sont élaborés selon les besoins de sa petite sportive. Elle tient à lui fournir une alimentation saine. Fidèle lectrice dans le domaine de la nourriture aux sportifs, elle a établi à sa fille un régime alimentaire quotidien qui répond à ses besoins et qui est adapté aux horaires des matchs ou ceux des cours particuliers.

Mariam, championne de ping-pong, est classée première de son école.
(Photo:Mohamad Moustapha)
« Avant l’entraînement, je lui donne deux bananes car le magnésium fournit de l’énergie et par la suite, elle a besoin de protéines pour se relaxer et dormir afin de se réveiller le lendemain en forme et être capable de se concentrer pendant les cours », explique Maha. Amani Salah, la maman d’Amina Omar, suit le même procédé. Celle-ci semble avoir une cuisine ambulante. Elle confie : « Le jour où Amina a un match, je lui sers, deux heures avant, un repas riche en amidon pour lui donner l’énergie nécessaire, et après le match je lui donne un verre de lait et des protéines, surtout du poisson, et au cours du match, je luis fais boire du jus de fruits frais et une solution pour la réhydrater, surtout qu’elle joue parfois sous une température de 40 degrés ». Quant à son père, Omar Al-Chérif, avocat, il a établi son agenda selon les horaires d’Amina. Il n’hésite pas à parcourir une centaine de km pour l’accompagner à un match à Alexandrie, Mansoura ou 6 Octobre. Il sait que pour former un champion ou une championne, cela nécessite de grands efforts mais aussi des concessions de la part de la famille. « Parfois, quand je perds un set, il me suffit d’observer les visages de mes parents pour me souvenir des grands efforts qu’ils font pour moi. Ils m’attendent sous un froid de canard pour m’accompagner à une leçon particulière et supportent les moments de grande chaleur pour me suivre dans une compétition, et cela suffit pour me donner une volonté de fer et gagner mon match », poursuit Amina .
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