
La baisse des prix internationaux ne modifiera pas les prix à la pompe, déjà subventionnée, en Egypte.
(Photo:Mohamed Adel)
La chutedes cours internationaux du pétrole pousse les gouvernements et investisseurs, où qu’ils soient, à réviser leurs budgets et comptes. Et l’Egypte ne fait pas exception. Mais l’impact devrait y être diversifié vu que le pays exporte et importe à la fois du pétrole.
Pour la première fois depuis douze ans, les cours du pétrole sont tombés la semaine dernière à moins de 30 dollars le baril à New York. « L’impact de la chute des cours internationaux du pétrole sur l’Egypte n’a pas un effet unique puisque le pays exporte mais aussi importe du pétrole. La facture des subventions sera réduite tout comme les revenus de l’Organisme du pétrole baisseront », affirme Mohamad Abou-Basha, analyste économique auprès de la Banque d’investissement EFG-Hermes.
L’effet positif le plus évident sera observé sur la facture des subventions étatiques. Le ministre du Pétrole, Tareq Al-Molla, a déclaré, quelques jours après la dernière chute des prix, que les subventions à l’énergie pour l’année en cours (2015/16) seront réduites de 7 milliards de L.E. pour enregistrer 55 milliards de L.E. contre 67,1 milliards de L.E prévus initialement dans le budget. La chute initiale des cours en 2014/15 avait conduit les subventions à l’énergie à moins de 70 milliards de L.E. contre 100 milliards sans que le gouvernement ait recours à une hausse des prix, dont une première phase avait été appliquée en 2014.
Mais le déficit budgétaire ne baissera pas d’une somme équivalente, car il subira d’autres impacts. L’Organisme du pétrole économisera quelques milliards de L.E. en conséquence de la baisse de sa facture d’importations, et va aussi connaître une baisse des recettes d’exportations, surtout que l’Egypte exporte du pétrole brut et importe des dérivés pétroliers plus chers.
« Les revenus de l’impôt et des taxes payés par les sociétés pétrolières vont diminuer, ce qui réduira l’effet positif de la baisse des importations sur le budget », estime Abou-Basha. La balance commerciale devrait, aussi, être positivement affectée vu que l’Egypte est importatrice de pétrole. La balance des paiements, qui mesure l’ensemble des flux entre un pays et le reste du monde, reflétera mieux la baisse des prix, car elle renferme aussi les cours du pétrole achetés aux entreprises pétrolières étrangères opérant en Egypte, aux prix internationaux. « La chute initiale des cours en dessous de 60 dollars le baril a ramené la facture mensuelle des importations des produits pétroliers, en addition des achats des partenaires étrangers, de 1,1 milliard de dollars à 750 millions en 2015 », relate Abou-Basha.
D’après les chiffres de la Banque Centrale (BC), les revenus des exportations du secteur pétrolier sont estimés à 12,4 milliards de dollars en 2013/14, alors que pour les importations ils sont de 13,2 milliards de dollars.
Experts économiques et opérateurs du secteur pétrolier assurent que les investissements dans le secteur seront bien sûr affectés en Egypte, comme ailleurs. « Les investissements vont nécessairement être négativement affectés, les compagnies pétrolières pourraient réduire leurs investissements simplement en conséquence de la baisse de leurs revenus à l’étranger », dit Abou-Basha.
En ajoutant que cependant les projets de gaz naturel ne seront pas touchés vu que les formules de fixation des prix dans le secteur ne sont pas étroitement liées aux prix du pétrole. Ahmad Ebeid, directeur dans le secteur pétrolier et gazier, prévoit que les compagnies pétrolières, à l’exception de British Petroleum (BP), réduiront leurs investissements ainsi que le personnel. « Cela s’appliquera aussi aux entreprises des services d’énergie comme Halliburton et Schlumberger qui ont réduit leur personnel en Egypte ces dernières années », précise-t-il.
Courbe ascendante de l’inflation
L’effet positif de la baisse des cours sera cependant mitigé par la dévaluation de la livre égyptienne qui a perdu 12 % de sa valeur face au dollar en 2015. C’est aussi la raison pour laquelle la baisse des prix internationaux des denrées agricoles l’année passée ne s’est pas positivement reflétée sur les prix en Egypte, et l’inflation a continué sur la courbe ascendante. Le taux d’inflation annuel a connu une hausse depuis le mois de juillet dernier achevant l’année avec un taux élevé de 11,9 %.
En gros, la baisse des prix du pétrole ne modifiera pas les budgets des familles égyptiennes contrairement aux pays où les prix du pétrole sont libres, étant donné que les prix à la pompe sont subventionnés et fixés par le gouvernement. Mais les citoyens pourront reprendre leur souffle, car le gouvernement va, semble-t-il, reporter pour la deuxième année consécutive son plan de hausse graduelle des prix des carburants, entamé en juillet 2014. Il est prévu que les cours du pétrole poursuivront leur chute libre à cause de l’abondance de l’offre, surtout avec la levée des sanctions sur l’Iran et le ralentissement de la croissance économique, surtout en Chine.
La banque américaine Morgan&Stanley a par ailleurs estimé que le cours du baril de Brent, qui sert de référence internationale, pourrait chuter à 20 dollars le baril. L’Organisation des Pays Exportateurs du Pétrole (OPEP) semble, malgré la baisse des prix, déterminée à maintenir le niveau de la production actuelle. Le ministre de l’Energie des Emirats arabes unis vient de souligner qu’une baisse de la production des membres de l’OPEP serait inefficace, car elle serait compensée par une hausse de la production par d’autres producteurs, hors OPEP. La crise actuelle est surtout provoquée par une hausse de l’offre mondiale plutôt qu’une baisse de la demande. Les pays exportateurs du pétrole s’attendent à une réunion extraordinaire, début mars, si les prix continuent à la baisse .
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