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Partis religieux, vers une dissolution ?

Aliaa Al-Korachi, Mardi, 16 juillet 2013

Al-Wassat, la Construction et le développement, Al-Assala et Al-Fadila, quatre partis de l’islam politique, risquent la dissolution s’ils refusent le jeu politique et incitent à la violence. Perdus dans les rebondissements politiques, ils ne savent plus quelle ligne adopter.

A l’exception du parti salafiste Al-Nour qui a choisi de jouer pragmatique dans le conflit politique, les autres partis politiques portant l’étiquette de l’islam politique ont fortement soutenu les Frères musulmans. Rien d’étonnant : ces partis ont en effet choisi dès le départ de jouer le rôle de support pour la confrérie et Mohamad Morsi, qui leur a donné quelques contreparties : nominations au Conseil consultatif, à l’assemblée constituante et poste de gouverneur.

Les dirigeants de ces partis religieux sont aujourd’hui pointés du doigt : recours à la violence et collaboration obscure avec des pays étrangers. Une question se pose : quel sera l’avenir de ces partis prônant toujours un retour de Morsi ? Selon beaucoup d’analystes, l’avenir politique de ces partis est sombre. Leur alliance avec les Frères musulmans risque de leur coûter cher.

Al-Wassat : d’un dissident de la confrérie à un parti frériste

Le grand perdant est le parti Al-Wassat. Des démissions en masse au sein de ses membres — à cause de ce qu’ils ont appelé « la stupidité politique » de leurs dirigeants — secouent le parti. Al-Wassat, qui a passé 15 ans en quête d’une autorisation officielle sous le régime de Moubarak, s’est toujours affiché comme un parti dissident de la confrérie, adoptant un programme centriste et voulant traduire les principes de l’islam dans un système démocratique libéral.

Le 19 février 2011, quelques jours à peine après la chute de Moubarak, Al-Wassat devient officiellement le premier parti du courant de l’islam politique. « Une fois l’un des membres de la confrérie élu président, le masque d’Al-Wassat est tombé et le vrai visage de ce parti est apparu : un parti frériste », estime Achraf Al-Chérif, professeur de sciences politiques à l’AUC.

Ce parti s’est en effet toujours aligné sur les politiques du régime de Morsi. Son alliance avec les Frères musulmans a fait de lui une entité creuse sans vision politique propre. « Aujourd’hui, ce parti n’a aucune présence dans la rue. Depuis sa création, son existence en tant que parti politique indépendant est loin d’être évidente. On ne connaît que quelques noms faisant des apparitions médiatiques comme Essam Soltan, Aboul-Ela Madi ou Mohamad Mahsoub. Mais ils n’ont fait que récolter, avec le temps, le mépris d’un large public », soutient Al-Chérif.

Les petits partis islamiques pourraient disparaître

La situation est plus compliquée pour les « groupes islamiques » représentés par leur bras politique, comme le Parti de la construction et du développement. Ce parti se trouve actuellement sur le devant de la scène avec certaines voix incitant à l’option « du sang » pour faire revenir Morsi au pouvoir.

Le Parti de la construction et du développement fut fondé en mars 2011 par Tareq Al-Zomor, libéré avec Aboud Al-Zomor après trente ans passés en prison pour avoir planifié l’assassinat du président Anouar Al-Sadate en 1981.

En prison, les groupes islamiques avaient renoncé à la violence et se sont convertis à la politique suite à la révolution de 2011. Ils ont remporté une dizaine de sièges aux législatives de 2011-2012.

« Ce parti des groupes islamiques, avec qui les Egyptiens ont cru entamer une réconciliation après une longue histoire d’attentats terroristes, devient aujourd’hui un épouvantail », avance Abdallah Al-Sénawi, rédacteur en chef d’Al-Arabi Al-Nasseri (nassérien). Selon lui, « ce parti n’aura plus la chance d’avoir la capacité de gagner de nouveaux partisans. Le chemin lui est coupé. Ces groupes ne pourront pas retourner à la prédication puisque leurs leaders sont devenus, pour beaucoup d’Egyptiens, des terroristes. Aujourd’hui, voilà que le monstre de l’emprisonnement les poursuit de nouveau ».

Les partis Al-Assala (l’authenticité) et Al-Fadila (la vertu), deux partis salafistes, campent toujours à Rabea Al-Adawiya. « Ces partis sont de petits partis qui n’ont jamais eu de poids dans le jeu politique. Ils ont un large public mais restent sous-organisés et ne savent plus où se situer. Le régime de Morsi s’est toujours servi des partisans de ces partis comme force de mobilisation lors des manifestations. Leur seul choix serait peut-être de se retirer de la scène politique pour laisser la place au parti salafiste Al-Nour », poursuit Al-Sénawi.

Le destin de ces partis reste d’une façon générale étroitement lié à celui des Frères musulmans. Ils devront choisir entre entrer de nouveau dans la vie politique ou opter pour le choix de la violence. « L’alliance avec la confrérie est une urgence pour ces partis religieux. Non pour soutenir Morsi mais pour défendre la présence du courant islamique, de peur qu’il ne soit de nouveau éloigné de la scène politique », estime Al-Chérif.

De nombreuses plaintes réclament aujourd’hui la dissolution de tout parti à référence religieuse. Du point de vue juridique, comme assure le juriste Abdallah Magazi, il est probable que ces partis subissent le même sort que le PND.

On peut en effet s’y attendre si ces partis ou certains de leurs cadres appellent à commettre des actes de violence. La loi concernant la création des partis politiques stipule que tout parti politique doit être pacifique et contribuer à l’amélioration du paysage politique.

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