Pour les militants de Tamarrod, le 30 juin est « le début de la fin » du régime. (Photo : Reuters)
A une semaine avant le jour J, l’opposition a commencé à ébaucher une «
feuille de route » pour la gestion de «
l’après-Morsi ».
Lors d’une conférence de presse dimanche, la Coalition des forces révolutionnaires, qui regroupe des partis politiques, des mouvements d’opposition et des personnalités publiques, a révélé son « manifeste » pour cette « période transitoire ».
Après la chute de Mohamad Morsi, d’après ce document qui se veut un « cadre constitutionnel régissant les rapports entre les institutions de l’Etat et les pouvoirs », c’est le président de la Haute Cour constitutionnelle qui sera investi du poste de président de la République. Ce magistrat qui « incarnera la souveraineté de l’Etat » devra former le gouvernement et le « Parlement de la transition ». Celui-ci comptera 100 membres choisis parmi les ouvriers, les paysans, les professionnels tout en respectant la diversité géographique, religieuse et culturelle. Toujours d’après le document, la Constitution, aujourd’hui abolie, de 1971 servira de référence en attendant la rédaction d’une nouvelle Constitution par une assemblée de 30 personnes comptant des juristes et des politologues.
Il ne s’agit pas de l’unique initiative du genre. Outre la Coalition des forces révolutionnaires, il y a aussi le Front national du salut et le « Comité de coordination pour le 30 juin » qui ont avancé leurs propres plans. Des personnalités politiques ont aussi mis leur grain de sel. Ce fut le cas de Mohamed ElBaradei, de Khaled Ali et de Hamdine Sabbahi, les deux derniers candidats malheureux de la présidentielle de 2012, qui ont participé à une conférence de deux jours le week-end dernier où il s’agissait de discuter des programmes détaillés pour le développement de l’économie, de l’enseignement, et la réorientation de la politique étrangère après le départ du régime des Frères.
« Les membres du mouvement Tamarrod (les initiateurs des manifestations du 30 juin) sont le fil conducteur de toutes ces initiatives. C’est eux qui orchestrent le travail de l’opposition », affirme Tareq Al-Kholi, du mouvement de contestation du 6 Avril. « Les diverses forces sont plus ou moins d’accord sur les points du manifeste. Cela dit, certains activistes préfèrent intégrer le Conseil national de défense (organe à forte composante militaire) dans la gestion de la transition, alors que d’autres refusent d’impliquer l’armée, afin d’éviter une reproduction du scénario post-Moubarak », ajoute Al-Kholi.
Tous sont néanmoins déterminés à « protéger la révolution » en profitant des erreurs du passé, afin d’éviter de troquer un régime totalitaire contre un autre non moins despotique.
S’agit-il de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ? Pour beaucoup d’analystes, ces initiatives de bonne volonté sont loin d’être déterminantes pour le mouvement révolutionnaire.
« Il existe trois acteurs sur la scène : l’ancien régime, les islamistes et l’opposition avec leurs composantes respectives. Aucun d’eux ne peut imposer unilatéralement les règles du jeu », constate Khaled Fahmi, professeur d’histoire à l’Université américaine au Caire. « Nous ne pouvons pas blâmer l’opposition pour sa faiblesse. C’est le résultat de plusieurs décennies de privation de vie politique », ajoute-t-il.
« Comme nous le dit l’histoire des révolutions, le conflit reste le maître-mot pendant des années, et parfois des dizaines d’années, jusqu’à l’émergence d’une personne ou d’une formation susceptible de refonder le régime sur de nouvelles bases, (…) si l’on exclut la guerre civile, l’intervention étrangère ou le coup militaire », ajoute Fahmi.
Bien que membre du Front national du salut, le président du parti de l’Alliance socialiste, Abdel-Ghaffar Chokr, est d’accord avec l’historien. Mais pour lui, il n’est pas question d’attendre qu’une force politique sorte du lot. « Oui, il faut du temps et beaucoup d’effort, mais la solution n’est pas de donner une chance à Morsi et aux Frères musulmans », pense-t-il. « Dans un laps de temps très court, la confrérie a pu s’introduire dans les rouages de l’Etat. Attendre plus c’est risquer de ne plus pouvoir les déloger du pouvoir », met-il en garde.
Poursuivre la lutte donc coûte que coûte. « Pendant 60 ans, les Egyptiens ont été dépourvus de leur droit de créer des formations politiques et il n’est pas possible d’improviser une vraie opposition en l’espace de deux ans. La seule solution c’est de poursuivre la révolution, non en comptant sur l’opposition, mais plutôt sur le peuple, son courage et sa persévérance », appelle de son côté Saber Barakat, un leader du mouvement ouvrier.
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