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Le long des pyramides de Gizeh, une branche oubliée du Nil ressurgit du passé

AFP , Samedi, 18 mai 2024

Pyramide
Pyramide de Menkaourê (Menkheres), pyramide de Khafré (Chephren) et grande pyramide de Khéops (Khéops) dans la nécropole des pyramides de Gizeh, à la périphérie de la ville jumelle de la capitale égyptienne, le Caire. Photo : AFP

Des scientifiques ont découvert un ancien bras du Nil  asséché qui s'écoulait le long d'une trentaine de pyramides de l'Egypte ancienne, dont celles de Gizeh, et aurait permis d'acheminer les matériaux pour ces constructions monumentales, il y a plus de 4.000 ans.

Cette rivière longue de 64 km, baptisée Ahramat ("pyramides" en arabe), fut longtemps enfouie sous les terres agricoles et le sable du désert, selon une étude parue jeudi dans la revue Communications Earth & Environnement.

Son existence expliquerait pourquoi autant de pyramides ont été construites à cet endroit, une bande aujourd'hui désertique située à l'ouest de la vallée du Nil, près de l'ancienne capitale égyptienne Memphis.

Cette vaste zone s'étend des pyramides de Licht, au sud, à la célèbre nécropole de Gizeh, au nord, où se trouvent les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Soit 31 pyramides au total - la plus grosse concentration du pays - construites sous l'Ancien et le Moyen Empire, il y a entre 4.700 ans et 3.700 ans environ.

Les spécialistes de l'Egypte ancienne savaient que les populations de l'époque avaient utilisé une voie d'eau proche pour réussir à bâtir d'aussi gigantesques complexes, distants de plusieurs kilomètres du cours principal du Nil.

"Mais personne n'était certain de l'emplacement, de la forme et de la taille de cette +méga+ voie d'eau", dit à l'AFP Eman Ghoneim, de l'Université de Caroline du Nord à Wilmington (Etats-Unis), principale autrice de l'étude.

Pour la cartographier, son équipe de chercheurs a fait appel à l'imagerie satellitaire radar. "Contrairement aux photos aériennes ou aux capteurs satellitaires optiques qui fournissent des images de la surface du sol, les capteurs radar ont cette capacité unique de décaper la couche de sable pour révéler des structures anciennes ou des rivières enfouies", explique cette spécialiste de géomorphologie.

Des analyses sur le terrain, notamment des carottages profonds du sol, ont confirmé les données satellitaires et dévoilé la rivière cachée. Elle s'écoulait sur 64 km, avec une largeur comprise entre 200 et 700 mètres, équivalente au cours actuel du Nil.

- Ports fluviaux -

Le niveau du Nil étant alors beaucoup plus haut qu'aujourd'hui, il possédait de multiples branches traversant la plaine inondable, dont il est difficile de retrouver la trace tant le paysage a été transformé par la construction du barrage d'Assouan dans les années 1960.

Les pyramides se trouvaient à seulement 1 km en moyenne des rives de la branche Ahramat, bâties plus ou moins en surplomb de la plaine inondable - celles de Gizeh étant même juchées sur un plateau. "Nos recherches ont révélé que beaucoup de ces pyramides possédaient une passerelle surélevée menant à des temples plus bas dans la vallée, qui servaient de ports fluviaux", précise Eman Ghoneim.

Autant de preuves, selon elle, que la branche Ahramat a joué un rôle d'autoroute pour transporter les quantités massives de matériaux et d'ouvriers nécessaires à la construction des pyramides.

"Ces matériaux, pour la plupart en provenance de régions plus au sud, étaient lourds et de grande taille, donc plus faciles à faire flotter sur un fleuve qu'à acheminer par voie terrestre", remarque Suzanne Onstine du département d'histoire de l'Université de Memphis (Etats-Unis), l'une des autrices des travaux.

Selon l'historienne, les temples des bords de l'Ahramat auraient servi de quais destinés à recevoir l'entourage funéraire pour l'enterrement du pharaon. "C'est là que se déroulaient les rites avant que le corps ne soit transporté vers sa sépulture définitive à l'intérieur de la pyramide", suggère-t-elle.

L'étude détaillée des différentes tronçons de la rivière "nous montre comment chaque pyramide a été construite en fonction du contact avec la voie d'eau", ajoute Suzanne Onstine. Elle permettra selon elle de mieux comprendre "pourquoi les rois de la période, de la 4e à la 12e dynastie, ont choisi de construire à tel ou tel endroit".

"Cette découverte rappelle à quel point les choix en matière de construction, d'habitat, d'agriculture, ont été fortement influencés par les changements naturels", conclut-elle.

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