Le IIIe volume de la collection « Palais et Maisons du Caire » publié par l’IFAO présente en détail 11 bâtiments de différentes fonctions construits dans Le Caire historique. Entre maisons, sièges, palais et salles, le lecteur se trouve face à un ouvrage retraçant plusieurs formes architecturales qui ont prévalu pendant les différentes époques islamiques. En grand format, l’ouvrage documente ces constructions non seulement à travers les textes descriptifs et les témoignages des historiens, mais aussi via les photos et les cartes. Le IIIe tome fournit au lecteur le plan général de chaque édifice et ses étages, présente de belles illustrations qui décrivent la beauté architecturale et la fonction de chaque édifice, reflétant ainsi les raisons sociales et politiques de leur construction.
Le lecteur peut déduire à travers sa lecture les raisons pour lesquelles chaque fondateur a sélectionné l’emplacement de ses complexes architecturaux. Voilà le grand fondateur, le sultan Qaïtbay, qui « plutôt que de choisir à cette intention le centre de la capitale, (il) préfère grouper ses bâtiments au nord-est de la ville qui n’en comprend pas moins nombre de bâtiments dus à l’initiative de ce célèbre bâtisseur. Hors des remparts, l’endroit retenu par le sultan est désertique avant de devenir la vaste nécropole que l’on connaît aujourd’hui », retrace le livre informant aussi le lecteur que le Maqaad (le siège) de Qaïtbay, est le premier Maqaad fermé édifié de l’histoire.
Quant au sultan Qansowa Al-Ghouri, il a érigé au centre de la ville son complexe architectural, y compris le Maqaad. Ce dernier est connu actuellement par Qobbet Al-Ghouri (coupole d’Al-Ghouri), qui se dresse majestueusement dans la rue Al-Azhar. « Le Maqaad Al-Ghouri se rattache à un ensemble de monuments religieux et civils édifiés à la fin de la période mamelouke », lit-on dans le livre. En effet, les deux Maqaad, celui de Qaïtbay et d’Al-Ghouri, ont été soumis à des travaux de restauration et sont actuellement réutilisés à des fins culturelles. Pendant que le Maqaad de Qaïtbay est transformé depuis 2014 en un centre culturel qui organise des expositions, des ateliers et des conférences, celui d’Al-Ghouri présente des récitals musicaux, des cérémonies de derviches tourneurs et autres.
Intérêt officiel
Le livre met un point d’orgue sur l’intérêt accordé par les autorités au développement, au réaménagement et à la réutilisation de certaines de ces 11 constructions présentées dont Beit Al-Séheimi. Située au sein de l’allée Al-Darb Al-Asfar, dans la rue Al-Moez, principale artère du Caire, capitale fondée par la dynastie fatimide (969-1171), cette vaste maison est construite au XVIIe siècle à l’époque ottomane et érigée en deux sections. Tandis que la première est édifiée par cheikh Zeineddine Abdel-Hay Al-Tablawi en 1648, la deuxième est construite 150 ans plus tard, en 1796, par hadj Ismaïl Al-Halabi qui a relié les deux sections tout en les restaurant. La maison a acquis son nom actuel du dernier propriétaire, cheikh Ahmad Al-Séheimi, l’un des oulémas de la mosquée d’Al-Azhar. « Les descendants du cheikh ont vendu la maison en 1931 au Comité de la Conservation des monuments », lit-on dans le livre. L’architecture de cette maison suit le style ottoman en vogue à l’époque de sa construction. Elle se compose de plusieurs bâtiments, ornés de moucharabiehs qui s’ouvrent sur une vaste cour et un beau jardin. Beit El-Séheimi est l’une des maisons complètes, vu ses éléments architecturaux. Néanmoins, au fil du temps, ce joyau a subi une grande détérioration et les autorités ont dû le soumettre à des travaux de restauration globale pour le sauver et le préserver. Actuellement, elle est transformée en musée de beaux-arts et un centre créatif où sont organisées plusieurs manifestations culturelles.
Maison Moustapha Gaafar de l’angle de la rue Al-Moez et de l’allée Al-Asfar.
Le livre met l’accent également sur les deux maisons formant le Musée de Gayer Anderson, celles d’Amna Bint Salem érigée en 1545 et d’Al-Kiridliya construite en 1631 près de la mosquée d’Ibn Touloun. Reliées l’une à l’autre par un pont installé par le médecin et général anglais Gayer Anderson, ces deux maisons abritent la collection qu’il avait achetée au cours de ses diverses tournées en Turquie, en Perse, en Inde, en Egypte et en bien d’autres pays. Notons que le livre a mis en annexe la description des deux maisons à travers les plans de chaque étage y compris le pont de liaison.
Le livre n’a pas oublié les bâtiments partiellement ruinés mais à valeur architecturale et historique. C’est l’exemple de Beit Al-Molla, dressée dans les dédales ouest de la rue Al-Moez. De même, l’ouvrage rappelle les constructions gravement détruites comme le palais Al-Moussafer Khana qui a perdu sa beauté architecturale suite à un incendie en 1998. Aujourd’hui, il n’en reste que des vestiges. Le IIIe tome de la collection « Palais et Maisons du Caire » l’a documenté avec des plans et des illustrations. Vu l’importance de ce palais, l’IFAO a sélectionné la photo de sa cour nord-est comme couverture de ce tome. « Al-Moussafer Khana peut être considéré comme un monument d’intérêt historique national, car il fut le berceau du grand khédive Ismaïl, le réformateur de l’Egypte moderne. Il appartenait jadis à un membre influent de la corporation des commerçants du Caire, Mahmoud Moharram », lit-on dans le livre. Sa construction a pris une dizaine d’années (1779-1789) et son style architectural appartient au XVIIIe siècle. Il est composé d’une grande cour, d’un rez-de-chaussée et de deux étages. Tous les plafonds des pièces du palais sont en bois et minutieusement ornés de motifs floraux et géométriques. « Acheté au commencement du XIXe siècle par la famille du grand Mohamad Ali, il fut destiné à la réception des hôtes de marque : ambassadeurs, personnages et missions étrangères », raconte le livre.
La totalité de la collection « Palais et Maisons du Caire », en 4 volumes, est rédigée par l’archéologue et l’historien Jacques Revault et l’architecte Bernard Maury avec la collaboration de l’urbaniste Mona Zakariya. Le IVe volume devrait sortir prochainement. La première édition de cette collection a été publiée entre 1970 et 1983 et avait documenté la totalité des 29 palais et maisons islamiques encore existants parmi les 600 bâtiments que décrivait le livre monumental de l’Expédition française « Description de l’Egypte ». « Cette collection est épuisée depuis plus de 30 ans. C’est pour cette raison, et surtout grâce au regain d’intérêt accordé actuellement par l’Egypte à son patrimoine islamique en général, et à ce type d’architecture en particulier, ainsi qu’aux nombreuses demandes d’un public intéressé, que l’IFAO a décidé de rééditer cette série d’ouvrages », affirme l’IFAO. Le livre est d’une valeur importante vu la documentation réalisée non seulement sur les anciens bâtiments conservés et réutilisés, mais surtout sur ceux qui sont à moitié démolis. Le livre fait parcourir le lecteur dans une époque riche en architecture toute en beauté.
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