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La petite métamorphose d’Al-Fawakhir

Doaa Elhami, Mardi, 22 juin 2021

Un projet de réaménagement et de développement du célèbre village de poterie Al-Fawakhir est en cours. Tournée dans ce haut lieu de l’artisanat et l’un des joyaux du quartier de Fostat, au Vieux Caire.

La petite métamorphose d’Al-Fawakhir
(Photo : Doaa Elhami)

C’est à quelques centaines de mètres du Musée national de la civilisation égyptienne (NMEC), sur une superficie de 2 500 m2, que se situe le village de poterie Al-Fawakhir. Le village se dévoile clair par ses coupoles qui paraissent derrière les murailles décorées de différentes couleurs. L’entrée principale en forme d’une grande arche reçoit le visiteur. Un style architectural qui convient à l’aspect monumental dominant toute la région. « L’emplacement du village de poterie est sélectionné avec habileté. C’est un endroit stratégique par excellence, puisqu’il est près de plusieurs sites touristiques », souligne Gihane Abdel-Moneim, adjointe du gouverneur du Caire pour la région sud. Une région riche qui renferme le complexe religieux, connu par ses églises, notamment celle de la grotte, l’une des stations de la Sainte Famille, le Musée copte, la mosquée de Amr Ibn Al-As et la synagogue de Ben Ezra. Dans la même rue d’Al-Fawakhir se dresse majestueusement le Nouveau musée de la civilisation.

L’art de la fabrication de poterie, considéré comme un patrimoine immatériel à préserver, vient ainsi s’ajouter à la liste des sites qui se trouvent dans la région. En fait, l’Egypte est connue par la fabrication de la poterie depuis les époques pharaoniques, et ce métier artisanal est hérité d’une génération à l’autre. « La méthode de la fabrication de la poterie n’a pas changé depuis des milliers d’années », affirme l’artisan Ahmad Abdou, dont les oeuvres occupent une place considérable dans le village, ajoutant que la fabrication de la poterie est un patrimoine immatériel encore vivant.

Cette ambiance patrimoniale qui domine toute la région, notamment Al-Fawakhir, attend un flux touristique sans pareil. Pour ce faire, et vu l’importance considérable d’Al-Fawakhir, un projet de réaménagement, suspendu depuis quelques années, a repris dernièrement. « Elever l’efficacité des bâtiments, planter des arbres et installer un système d’éclairage pour ajouter une beauté au village sont des étapes indispensables à effectuer », annonce Gihane Abdel-Moneim, soulignant qu’une exposition permanente des oeuvres artisanales sera organisée. « En parallèle, on coopère avec le ministère du Tourisme et des Antiquités pour mettre Al-Fawakhir sur la carte des visites touristiques de la région », reprend-elle.

Plus d’ateliers, moins de pollution

La petite métamorphose d’Al-Fawakhir
Les artisans créent habilement de belles oeuvres. (Photo : Doaa Elhami)

Dès que le visiteur franchit le seuil du village, il se trouve dans une vaste cour remplie de produits de divers volumes et couleurs. A droite, une série de vases de couleurs vives, à gauche, de petits récipients façonnés en argile, plus loin, des bouteilles d’eau et des gargoulettes toujours en argile, au fond, des lanternes et des chandeliers. Ce ne sont que des exemplaires des oeuvres artisanales d’Al-Fawakhir. De chaque côté de la cour se dresse une série de bâtiments de style islamique surmontés de coupoles. Chaque groupe d’édifices est attaché l’un à l’autre, formant ainsi un corridor couvert d’arches, pour une meilleure aération. Composé de deux étages, ce style architectural fait rappel au modèle créé par l’urbaniste égyptien de renom Hassan Fathi. « Le gouvernement a choisi de construire Al-Fawakhir dans ce style pour convenir à l’ambiance patrimoniale des monuments qui entourent le village », souligne Gihane Abdel-Moneim. « Ces constructions des deux côtés sont les nouveaux ateliers édifiés par le gouvernement dans le cadre du projet de réaménagement et de développement d’Al-Fawakhir. Elles ont remplacé les anciens ateliers qui n’étaient que de simples huttes primitives. On compte aujourd’hui 152 nouveaux ateliers », explique-t-elle. « L’Union européenne avait présenté un don de 60 millions de L.E. pour le projet de réaménagement du village, auquel le gouvernement égyptien a ajouté la somme de 31 millions », souligne Ali Darwich, directeur de la société Fokhar we khazaf Al-Hadara où travaillent les artisans du village Al-Fawakhir. « Nous avons aussi clôturé le village par une muraille surmontée d’une arche, nous avons pavé les routes internes et dallé la cour principale du village », reprend Darwich.

Au village, l’amalgame des sons des instruments, des fours et de la poterie roulée salue le visiteur, ainsi que l’odeur de la boue humide qui règne dans tout l’endroit. « Le projet a fourni aux artisans des fours à gaz naturel pour éviter l’émanation des cendres et de la fumée nuisible polluante et rendre la fabrication de la poterie un métier ami de l’environnement », explique également Ali Darwich. En effet, auparavant, les artisans brûlaient leurs produits fabriqués avec la brique crue afin de les transformer en production d’argile. Cette méthode primitive dégageait des cendres et de la fumée noire dense très polluantes. « Néanmoins, la capacité de ces nouveaux fours ne supporte que les petites pièces, alors que les grandes pièces comme les grandes jarres et les vases ne rentrent pas dans ces nouveaux fours », souligne Ahmad Abdou. Une difficulté majeure qui entrave l’accomplissement de tout genre de travail.

Doigts de fée et yeux d’aigle

La petite métamorphose d’Al-Fawakhir
Les lanternes, l'un des produits demandés avec densité. (Photo : Doaa Elhami)

Malgré cela, les artisans insistent sur le fait de transmettre le métier à leurs enfants. Ainsi on voit de petits enfants qui amènent les plateaux de récipients et de vases, fraîchement réalisés et encore mous, sous le soleil pour les sécher. « Les artisans du village apprennent aux enfants le métier dès leur jeune âge. Ainsi, lorsqu’ils deviennent adultes, ils perfectionneront leurs oeuvres avec aisance », commente Ahmad Abdou, ajoutant que ces artisans ont aussi la capacité de créer chaque jour des oeuvres originales et de nouvelles formes. Chaque atelier abrite certains artisans qui façonnent facilement plusieurs genres d’oeuvres. Mais le plus surprenant, c’est que les artisans ajustent leurs articles sans se servir du moindre instrument géométrique. La taille et la finesse de toutes les jarres par exemple sont les mêmes. « Mes mains sont devenues sensibles à l’argile. J’arrive à perfectionner mes produits avec les mêmes dimensions sans la moindre fatigue », assure l’artisan Ossama Darwich.

D’autres artisans se servent des moules pour avoir les formes des récipients voulues. « Je dois suivre un long processus, des démarches claires. Je commence avec la boue brute avec ses mélanges, ensuite je la verse dans les moules. Il faut attendre jusqu’au sèchement de la boue pour avoir enfin l’oeuvre en main », raconte Jean Nabil qui, parfois, brûle l’oeuvre et la couvre avec de la glaise. Toutes des étapes fascinantes à voir. Jean Nabil espère que le projet encouragera les touristes à visiter son atelier pour voir cette chaîne ininterrompue de créativité.

Les habitants de ce village, qui abrite l’un des métiers les plus anciens et méritant d’être préservé, espèrent inscrire la fabrication de la poterie en Egypte sur les registres du patrimoine immatériel de l’Unesco.

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