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Le mystère des « deux frères » élucidé

Dalia Farouq, Mardi, 20 février 2018

Des analyses d'ADN effectuées à l'Université de Manchester ont confirmé que les momies des « deux frères », découvertes en 1907 et dont le lien de parenté n’avait jamais été établi avec certitude, sont bel et bien celles de deux frères. Les égyptologues espèrent que cette technique permettra d’élucider encore bien d’autres mystères.

Le mystère des « deux frères » élucidé
Suite aux analyses, Khnum-Nakht et Nakht-Ankh sont deux frères de la même mère.

Des scientifiques de l’Université de Manchester (Angleterre) sont parvenus à prouver le lien de parenté entre les 2 célèbres momies égyptiennes appelées « les deux frères ». Ils ont ainsi mis fin à un casse-tête qui a embarrassé les archéologues depuis la découverte des deux momies, en 1907, par l’archéologue anglais Pétri Flanders et ses collègues.

Les momies de Khnum-Nakht et Nakht-Ankh sont celles de deux frères de l’élite égyptienne, qui ont vécu pendant la XIIe dynastie (1991- 1802 av. J.-C.). Les archéologues se sont longtemps demandé s’ils étaient vraiment des frères ou non, surtout qu’ils étaient enterrés dans le même tombeau, dans la région de Gabal Al-Rifah, dans le gouvernorat d’Assiout en Haute-Egypte. Les inscriptions trouvées sur leurs sarcophages mentionnent qu’ils étaient les fils d’un gouverneur de la région et qu’ils avaient des mères différentes qui portaient le même nom, Khnum-Aa.

Après avoir trouvé les deux momies, Pétri avait donné, en 1908, tout le contenu de la tombe au musée de Manchester. C’est la première égyptologue femme d’Angleterre, Marguerite Murray, qui y a analysé la morphologie et le squelette des momies. Ces analyses ont amené l’égyptologue à conclure que les deux momies n’étaient pas celles de frères, et à supposer que l’un des deux, Khnum-Nakht, était probablement un enfant adopté. Il a en outre été établi par des scientifiques que l’un des deux « frères » avait 20 ans de moins que l’autre.

En 2015, des scientifiques de l’Institut de biotechnologie de Manchester ont décidé de clore définitivement le débat en procédant à une analyse d’ADN. Ils ont, pour ce faire, prélevé de petits morceaux des dents des momies qui n’avaient pas été affectées par des bactéries ou des traces d’ADN d’archéologues. Leurs analyses sont venues contredire celles de Murray et ont permis de confirmer que Khnum-Nakht et Nakht-Ankh étaient bel et bien deux frères issus de la même mère. Selon l’étude, ils présentent à peu près les mêmes petites mutations dans le génome mitochondrial.

Analyse d’ADN, une révolution

Le mystère des « deux frères » élucidé

« Le chemin a été long et épuisant, mais nous y sommes finalement arrivés », a déclaré Dr Constantina Druso, de l’Ecole des sciences de la terre et de l’environnement de l’Université de Manchester, dans un communiqué publié sur le site Internet de l’université. Et d’ajouter : « Je suis très fière que nous ayons pu élucider une petite partie, mais une partie très importante, du grand mystère historique ». Pour sa part, Campbell Price, curateur du département de l’Egypte et du Soudan au musée de Manchester, indique que l’Université de Manchester et, en particulier, le musée de Manchester, ont une longue expérience pour ce qui est de l’analyse de restes humains d’Anciens Egyptiens. « Nous construisons l’histoire. Et le fait de montrer la relation entre les deux hommes de cette façon pour la première fois, c’est quelque chose de vraiment fantastique », s’est réjoui Price. Les scientifiques pensent que les deux frères avaient des pères différents, ce qui expliquerait les sérieuses discordances dans la structure des fragments individuels du chromosome Y, dont la structure n’a pas été entièrement reconstituée. Dr Salima Ikram, professeure d’égyptologie à l’Université Américaine du Caire et experte en momies, indique que l’analyse d’ADN effectuée à Manchester indique une solution logique quant à la relation entre les deux momies. « Cette étude semble très précise, et nous pouvons surtout adopter ses résultats en l’absence de preuve textuelle claire comme des inscriptions ou des gravures », commente Ikram, qui ajoute que l’analyse de l’ADN constitue une véritable révolution pour l’égyptologie, et qu’elle devrait permettre d’élucider de nombreux mystères autour de la civilisation égyptienne, en particulier en ce qui concerne les origines des Egyptiens, les migrations et la diffusion et l’évolution de maladies génétiques, ainsi que les relations familiales.

« Les analyses d’ADN peuvent nous amener à modifier des théories antérieures ou des faits historiques qui n’ont pas été avérés par une inscription ou une écriture ancienne jusqu’à présent », reprend Ikram. Dans le même contexte, l’égyptologue Ahmad Saleh salue les résultats des analyses effectuées à Manchester, qui s’inscrivent dans le cadre du projet de l’Université de Manchester relatif à l’étude des momies égyptiennes, entamé en 1975. Il assure que l’analyse de l’ADN des momies comble de nombreuses lacunes dans l’histoire égyptienne et que la science moderne nous permet de mieux comprendre la civilisation égyptienne, toujours énigmatique à de nombreux égards. La technique consistant à analyser l’ADN de momies a notamment été utilisée en Egypte lors du projet des momies royales en 2007. « C’est ce projet, une coopération entre le Conseil suprême des antiquités et la faculté de médecine de Qasr Al-Aïni, qui a confirmé que le roi Toutankhamon était le fils d’Akhénaton, le propriétaire de la tombe 35 dans la vallée des Rois à Louqsor », souligne Saleh. L’égyptologue ajoute que la technique a considérablement évolué au cours des dernières années. Il espère ainsi qu’elle permettra de répondre à plusieurs questions non élucidées jusqu’à présent, comme l’identité d’une momie conservée au musée d’Atlanta depuis des années. Appartient-elle au roi Ramsès Ier, le fondateur de la XIXe dynastie, qui a gouverné l’Egypte pendant une courte période entre 1292 et 1290 av. J.-C.?

Si l’équipe de l’Université de Manchester a réussi à trancher la question de la relation entre les deux momies frères, il est certain qu’il reste encore beaucoup à découvrir grâce à la technologie moderne.

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