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La garde-robe des pharaons

Nasma Réda, Lundi, 01 février 2016

Depuis la préhistoire, l'industrie du textile en Egypte a connu des progrès remarquables. Le musée du Textile, situé au Caire fatimide, retrace l'histoire exceptionnelle de ce matériau.

La garde-robe des pharaons
Pièce de tissu colorée où sont écrits quelques lettres du nom de Thoutmosis III. (Photo : Mohamad Moustapha)

Membre de la famille royale, prêtre, vizir ou paysan, chacun avait son mode vestimentaire. « Ce sont les pharaons de l’Egypte Ancienne qui ont appris aux différentes générations le tissage, la teinture, la broderie et tout ce qui est en relation avec le mode vestimentaire », explique Mohamad Saleh, directeur du musée du Textile. Composé de 11 pavillons, le musée est situé dans le quartier d’Al-Nahassine, dans la rue d’Al-Moez. Avec ses 250 pièces, il dispose d’une riche collection qui retrace la longue et exceptionnelle histoire de l’art du textile. Les tissus pharaoniques, coptes et gréco-romains se trouvent au rez-de-chaussée, alors que les époques ommeyade, abbasside, toulonide, fatimide, ayyoubide, mamelouke et ottomane se trouvent au premier étage. Depuis l’inauguration du musée en août dernier, les conservateurs travaillent nuit et jour pour faire de cet établissement une attraction touristique. Selon Mohamad Saleh, ce musée est le troisième de son genre dans le monde et le premier dans l’art du textile égyptien. Le musée multiplie les expositions.

La dernière en date vient de s’achever. Elle portait sur le mode vestimentaire des pharaons à travers les siècles. Une autre exposition sur l’art de la tapisserie à travers l’histoire de l’Egypte est prévue dans les mois à venir. « Pour que les visiteurs en profitent mieux, nous avons ajouté de nouvelles pancartes explicatives sur les habits des différentes classes sociales de l’Egypte antique », explique un conservateur du musée.

Une mode à l’égyptienne

La garde-robe des pharaons
Pièce de tissu colorée où sont écrits quelques lettres du nom de Thoutmosis III. (Photo : Mohamad Moustapha)

A l’entrée du musée, on se retrouve face à une vitrine dans laquelle est exposée une robe plissée et de longs gants pharaoniques en lin, des écharpes ainsi que des tissus colorés. Commence alors une visite dans l’histoire du textile. Ainsi, on découvre que les reines et les rois portaient des vêtements à la fois très habillés et pudiques, surtout pendant les fêtes religieuses. Les ouvriers et les paysans, quant à eux, avaient des habits plus modestes, courts et amples, parfois même indécents, et ce, pour pouvoir bouger aisément et exécuter facilement leurs travaux dans les champs. « Chaque occasion avait des vêtements spéciaux. Ces détails vestimentaires nous sont parvenus à travers les inscriptions gravées sur les murs des temples et à l’intérieur des tombeaux, et même sur les sarcophages », explique Mohamad Saleh. On apprend alors que lors des événements officiels, les nobles de l’Ancien Empire couvraient leurs corps d’un tissu attaché par une ceinture à noeud. Ce mode vestimentaire était fréquent, puisque presque toutes les statues et les sculptures de cette époque avaient ce genre de vêtements. Au Nouvel Empire, la mode a évolué. Un nouveau style vestimentaire est apparu. Les nobles, hommes et femmes, sont désormais vêtus de longs habits à manches.

C’est à cette époque que le plissé est apparu et a dominé la mode, surtout pour les robes des reines. Parfois, ce plissé se trouvait seulement sur les manches. On appelait alors « kalasiris » tout vêtement plissé, robe ou même tablier. Ce style était exceptionnel dans le sens où il était porté par les reines les plus célèbres d’Egypte, entre autres, Nefertiti, cette reine connue pour sa beauté, et Karomama, adoratrice d’Amon. Il n’y avait que les femmes. Plusieurs gravures montrent le roi Merenptah portant également ce style vestimentaire.

La garde-robe des pharaons
Un couvre-sarcophage coloré de Pépi, le montrant en robe plissée avec un kilt (XVIIIe et XIXe dynastie). (Photo : Mohamad Moustapha)

A part le plissé, il y avait aussi le kilt pour les hommes, qui était beaucoup utilisé. C’était une pièce de tissu de forme triangulaire qui couvrait le ventre et les hanches. Ce style de vêtement était porté par les hauts fonctionnaires sous l’Ancien Empire et a évolué au cours des siècles. Ainsi, à partir du Nouvel Empire, les hauts responsables portaient soit une longue tunique qui arrive aux chevilles, soit un kilt plissé, ou encore un kilt recouvert d’un tablier. « On a ainsi retrouvé la statue d’un homme du Moyen Empire (1975-1640 av. J.-C.) appelé Inet, le montrant portant un kilt blanc, attaché à un morceau de lin. On peut voir comment ce kilt est attaché », explique Racha Chahine, archéologue et assistante du directeur du musée. Chaque vêtement était conçu de façon à convenir aux activités des personnes qui le portent.

Les enfants avaient ainsi un mode vestimentaire propre à eux. Ils portaient des robes larges et simples pour faciliter leur mouvement. Et il y avait même à l’époque des couches pour bébés. Quant aux prêtres, ils portaient un type de tissu semblable au sari indien. Une longue écharpe en plus d’un tissu qui entoure le corps et attaché à une seule épaule. « Les guerriers, pour leur part, portaient des robes courtes pour ne pas gêner leurs mouvements pendant les combats », ajoute Chahine. Les Anciens Egyptiens ont même pensé à vêtir leurs dieux, surtout durant le Nouvel Empire. C’est le cas de la robe « Osirienne », un type de robe funéraire entourant les momies pharaoniques. Les déesses aussi portaient un type de « tunique ».

Les maîtres du monde

La garde-robe des pharaons
Statue d'Inet, portant le kilt en lin blanc. (Photo : Mohamad Moustapha)

Ainsi, une tournée dans le musée confirme clairement que le Nouvel Empire était l’époque de la mode, des vêtements chic et des styles recherchés, autrement dit, de l’évolution par excellence du textile dans l’Egypte Ancienne. On découvre aussi que le lin était le principal tissu utilisé. Fabriqué à partir d’une plante portant le même nom, les Anciens Egyptiens ont perfectionné sa fabrication. Les fibres étaient lavées et séchées avant d’être tissées. « Les Anciens Egyptiens étaient les maîtres du monde dans cette industrie. Etant donné la sécheresse dans les tombes, on a pu découvrir des milliers de morceaux de textiles anciens en bon état », souligne Saleh. On apprend également, grâce aux gravures qui se trouvent sur les murs des tombes, les techniques et les modes de production. En ce qui concerne les décorations des vêtements, les Anciens Egyptiens étaient également des experts dans ce domaine.

Les tissus peints, brodés ou ornés de pierres sont tout simplement éblouissants. La fleur de lotus reste le motif le plus répandu sur les vêtements, mais il y a aussi des animaux comme le faucon ou le scarabée qu’on retrouve également sur certains tissus. Les Anciens Egyptiens ont eu recours à des plantes pour colorer leurs vêtements, généralement de couleur rouge, verte ou noire. C’est d’ailleurs cette méthode de coloration qui, selon Saleh, a permis la conservation des couleurs sur les vêtements. Quant à l’utilisation des perles et des bijoux, pour décorer les tissus, elle est apparue aussi à l’époque du Nouvel Empire pour les vêtements de la royauté. On a ainsi retrouvé des momies qui portaient des cols et des ceintures brodés de perles en faïence bleu et verte, et incrustés de bijoux. « Un véritable trésor a été retrouvé dans les tombes pharaoniques, mais l’exemple des vêtements parfaitement conservés reste ceux du jeune pharaon Toutankhamon, gardés précieusement dans les entrepôts du nouveau Grand Musée du Caire », conclut Saleh.

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