Des manifestants utilisent des gaz lacrymogènes lors d’une manifestation organisée à la suite d’une manifestation meurtrière nationale contre un projet de loi fiscal controversé qui a fait plus de 20 morts au centre-ville de Nairobi. Photo : AFP
Quelles options se présentent au Kenya après le retrait cette semaine par le président William Ruto de son projet de budget incluant de nouvelles hausses d'impôts à la suite de manifestations de la jeunesse du pays qui ont tourné au bain de sang mardi?
Mercredi, Ruto avait indiqué qu'il "écouterait les gens" et a refusé de promulguer le nouveau budget, le renvoyant au Parlement.
Cette décision a été une victoire pour la plupart des jeunes manifestants. Mais au Kenya, l'une des économies les plus dynamiques d'Afrique de l'Est, quid de la question du poids de la dette et de l'inflation?
Ce qui a déclenché les manifestations
Le gouvernement a été pris par surprise après des manifestations qui ont pris peu à peu de l'ampleur la semaine dernière, contre le projet de budget annuel qui prévoyait de nouvelles hausses d'impôts.
La tension entre les manifestants et les forces de l'ordre a culminé mardi avec la mort de 22 personnes, dont 19 à Nairobi, et plus de 300 blessés. La manifestation dans la capitale a dégénéré aux abords du Parlement. Certains bâtiments ont été incendiés et saccagés.
Mercredi, Ruto a retiré son projet de budget en s'adressant au pays d'un ton conciliateur.
Quelles mesures dans le projet?
L'ambitieux budget 2024-25 tablant sur 4.000 milliards de shillings (29 milliards d'euros) de dépenses, un record, prévoyait des hausses d'impôts, notamment sur le pain et les carburants.
Les manifestants estimaient que ces mesures toucheraient avant tout les kényans pauvres et la classe ouvrière, qui se débattent déjà avec la chereté de la vie.
Le gouvernement justifie les nouvelles taxes par le poids de la dette.
L'ampleur de la dette kényane?
La dette publique du Kenya s'élève à environ 10.000 milliards de shillings (71 milliards d'euros), soit environ 70% du PIB.
Le service de la dette pèse sur les dépenses de l'Etat. Selon des chiffres du Trésor, l'administration de Ruto y a consacré quelque 1.200 milliards de shillings entre juillet 2023 et mars 2024, contre 1.100 milliards sur les salaires et les projets de développement, comme les routes, la santé ou encore l'éducation.
Selon des chiffres de l'ONU de 2021, le Kenya a dépensé 4,4% de son PIB dans l'éducation et seulement 1,9% dans la santé.
L'essentiel de la dette est entre des mains étrangères et les organisations fincières internationales dont le Fonds monétaire international appellent Nairobi à engager des réformes.
Que faire maintenant?
Selon l'institut Oxford Economics, le gouvernement kényan "devra désormais trouver un moyen de pacifier deux forces opposées : une population prête à recourir à la violence pour protéger ses moyens de subsistance, et une trajectoire macroéconomique qui, en l'absence d'un soutien multilatéral considérable, se dirige vers le précipice".
Ken Gichinga, économiste à Mentoria Economics, a dit à l'AFP que le Kenya a dépensé une somme record de 1.860 milliards de shillings pour le service de la dette cette année.
Pour le gouvernement s'ouvre désormais un casse-tête pour trouver des sources alternatives de revenus. Il s'agit de stimuler l'activité économique tout en réalisant des économies budgétaires et en essayant de juguler l'inflation élevée.
Qu'a proposé Ruto?
Peu de détails ont filtré sur ce qui pourrait remplacer le projet de budget.
Dans son discours mercredi, M. Ruto a souligné que des mesures d'austérité seraient nécessaires, estimant notamment qu'il y aurait moins de fonds pour les enseignants et les programmes de développement.
Mais, il a également promis de faire des économies dans les dépenses, afin de "vivre dans nos moyens".
Cette annonce pourrait calmer les critiques portant notamment sur la somme de 10 millions de shillings déboursée pour les rideaux du bureau du vice-président Rigathi Gachagua.
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