La génération Z est plus organisée dans la gestion de son budget que ses aînés de la génération Y. Un principe qui renverse l’idée établie de la frivolité des jeunes qui n’ont pas conscience de la valeur de l’argent. Les différentes recherches intergénérationnelles menées aux Etats-Unis, en Europe, dans des pays de l’Amérique du Sud et en Asie sont arrivées à la même conclusion. En l’absence d’études similaires, cet article tentera de déterminer si la même tendance peut s’appliquer aux jeunes Egyptiens de la génération Z.
Le mode de consommation des jeunes a ses justifications. Les différentes recherches associent le rapport à l’argent des groupes d’âge avec l’ère économique dans laquelle ils ont grandi. Durant l’époque de troubles économiques qui a accompagné la crise financière de 2008, le budget de leurs familles a été impacté par ces variations. Les jeunes de la génération Z en ont conçu des craintes d’instabilité financière.
Le rapport prix-qualité, un facteur-clé
L’un des facteurs caractéristiques du mode de consommation de la génération Z est qu’ils privilégient les produits qui leur offrent le meilleur rapport qualité-prix. Appelée aussi « True Generation », la majorité des jeunes semble plus préoccupée par la qualité que la marque. L’aspect pratique qu’ils ont développé a été constaté par les spécialistes de marketing, les incitant à adopter de nouvelles stratégies. « Les publicités qui visent la génération Z sont plus pertinentes et vont à l’essentiel. Les messages basés sur l’affectif n’ont pas d’influence ». Il faut leur démontrer pourquoi ils doivent acheter le produit. Utilité du produit, offres commerciales et soldes sont devenus leurs critères d’achat. Par ailleurs, « cette génération est plus éclectique et moins axée sur les marques prestigieuses », explique Ahmed Eraki, président du département commercial auprès de la compagnie Buseet pour le transport et ancien directeur général à Swvl, Otlob et OLX. « Bien sûr, certains sont attirés par les marques, mais je constate qu’un grand nombre préfère le côté pratique du produit plutôt que son prestige », dit Mark Magdi, directeur de création dans des agences de marketing digitales. Il ajoute que la variété des articles offre plus de choix aux jeunes. « A titre d’exemple, s’agissant du prêt-à-porter, le marché offre des vêtements au style moderne fabriqués en Asie et en Turquie qui sont plus abordables. Ainsi, beaucoup préfèrent porter un t-shirt arborant un slogan ou un motif intéressant plutôt qu’une marque », explique Mark Magdi.
Farah Galal, 22 ans, a débuté dans son premier emploi en janvier, 6 mois après l’obtention de son diplôme du département d'anthropologie de l’Université américaine du Caire. Elle affirme qu’elle pourra acheter des snickers, des bottes ou un sac à dos plus cher, si elle constate que ces produits sont confortables, durables et pratiques. « Quant aux vêtements, je cherche des modèles qui me plaisent mais qui soient bon marché », dit Farah.
Les marques perdent leur attractivité
Les jeunes interviewés par l’Hebdo, en majorité, affirment que les marques ne constituent pas une priorité, même s’ils ont les moyens de se les procurer. « D’abord, je détermine le style qui doit aller de pair avec ma personnalité, puis j’évalue l’article, car je préfère ne pas acheter des vêtements qui s’abîment vite. Je me moque de la mode, je préfère m’habiller, manger et écouter de la musique qui me ressemble », raconte Shahd Abdel-Shafi, étudiante en 4e année de la section française de loi, Université de Aïn-Chams. Cette génération cherche aussi à se distinguer : nombreux sont ceux qui préfèrent porter des vêtements qui sont représentatifs de leur personnalité. « La génération Z est beaucoup plus nuancée dans ses choix que notre génération (y). Auparavant, on pouvait classer les jeunes en quelque 4 ou 5 types de comportement. Désormais, ils affichent leur diversité et leurs styles variés. Cela peut être également relevé parmi les jeunes des classes les plus démunies qui adoptent aujourd’hui des goûts trop originaux pour être acceptés par notre génération », souligne Mark Magdi. Magdi et Eraki notent l’usage d’un langage nouveau dans la publicité qui n’était pas possible il y a quelques années. « Nous utilisons aujourd’hui des termes comme le franco-arabe que nous ne pouvions pas du tout exprimer il y a trois ou quatre ans lorsque nous nous servions strictement du langage formel », dit Eraki.
Acheter en magasin est plus rassurant

Conscients de leur budget, ils veulent s’assurer
de la qualité.
Autre aspect paradoxal du mode de consommation de la génération Z : malgré leur connexion permanente à la technologie, les jeunes zoomers préfèrent faire des achats en magasin alors que leurs aînés (génération Y) apprécient particulièrement les achats en ligne. Une nouvelle étude d’Accenture, société spécialisée dans la recherche présente dans plus que 50 pays, a révélé que 60 % des consommateurs de la génération Z préfèrent encore se fournir en magasin, tandis que 46 % viennent dans les commerces, afin de se renseigner sur les prix pour mieux commander en ligne. Aux Etats-Unis, 77 % des représentants de la génération Z ont déclaré préférer l’achat physique. « Le commerce en ligne ne me convient pas car j’aime essayer les vêtements avant de les acheter pour m’assurer qu’ils m’iront bien. De même, avant de m’offrir des cosmétiques et des articles de soin pour les cheveux, je demande à mes amies si elles possèdent le produit, afin de l’essayer avant de dépenser », dit Habiba Walid, étudiante en troisième secondaire. Ali Tamer, 15 ans, dit qu’il privilégie les achats en ligne. « Maintenant que je connais les magasins que je préfère et je sais ma taille, j’effectue mes achats en ligne, car c’est plus économique que de faire le tour des commerces pour trouver ce que je veux », raconte Ali. Habiba Hesham, 15 ans, utilise les deux méthodes mais elle préfère les magasins. « J’aime évaluer concrètement les produits et leur qualité avant de les acquérir », dit-elle.
Conscients de leur budget, les jeunes de la génération Z ne vont pas s’engager avant de s’assurer que ce qu’ils veulent se procurer ou le restaurant dans lequel ils vont dîner vaut l’argent qu’ils dépenseront. La plupart des jeunes interviewés par l’Hebdo vont consulter des sites en ligne avant de se décider. « Les jeunes se renseignent sur le net avant de choisir un restaurant. Malheureusement, nous ne disposons pas en Egypte de sites spécialisés tel Yelp, mais plutôt des applications comme Otlob ou elmenus qui offrent quand même un choix », dit Mark Magdi. « Il faut que les avis soient excellents et qu’on soit sûrs que les plats qu’on nous servira seront de bonne qualité avant de décider où aller », assure Omar Abdel-Shafi, étudiant en deuxième année d’odontologie.
Faire des économies
Plusieurs membres de la génération Z interviewés par l’Hebdo affirment qu’ils budgétisent une partie de leur argent de poche. A l’âge de 15 ans, Ali Tamer économise en moyenne 50 % de pécule. « Je divise mon argent de poche mensuel en deux : une moitié pour couvrir les dépenses courantes et l’autre que j’épargne. Cette formule peut varier d’un mois à l’autre, selon mes besoins », raconte Ali. Mohamed Ahmed, lycéen, économise 20 % de son argent de poche, mais l’épargne la plus importante vient de l’argent que ses proches lui offrent pour son anniversaire ou à l’occasion de fêtes. « J’économise, car parfois je réalise que je n’ai pas de besoins immédiats, mais qu’en accédant à l’université, j’aurais besoin d’un budget. Aujourd’hui, mes dépenses vont au strict nécessaire, mais il m’arrive d’exagérer sur les jeux électroniques », détaille Mohamed.
Shahd Abdel-Shafi n’est pas si intéressée dans l’épargne, sauf si elle a un plan défini. Par exemple, si elle veut sortir avec ses amis dans un endroit chic, tous s’organisent un ou deux mois par avance, afin d’économiser en conséquence. « Nous avons parfois le sentiment que nos dépenses représentent un fardeau pour nos parents. Alors, pour les soulager, je cherche de petits boulots », explique Shahd. Elle s’est essayée à plusieurs emplois depuis son jeune âge : faire par exemple des traductions, donner des leçons de français pour les enfants ou accompagner une jeune fille qui souffre d’autisme. Ces petits boulots ne servent pas uniquement de gagne-pain, mais aussi sont souvent liés à ma passion de travailler avec des enfants. Shahd est en formation afin de se diplômer avec un premier master. Omar Abdel-Shafi envisage d’étudier le marketing pour pouvoir promouvoir son futur d’emploi de dentiste. Pour cela, il a déjà suivi un premier cours en ligne de digital marketing.
Malgré l’absence d’études ciblées, les spécialistes dans le domaine du marketing en Egypte ont décelé certains caractères particuliers à cette génération. « Le désintérêt pour les marques prestigieuses ne se limite pas au prêt-à-porter, il touche d’autres domaines », souligne Mohamed Nour, conseiller de marketing numérique. « Il existe des start-up qui visent les jeunes dans le domaine du tourisme. Les jeunes, pour la plupart, ne vont pas se diriger vers des géants pour organiser un voyage, mais plutôt vers de petites structures qui offrent des expériences différentes et plus variées. Ce nouveau système économique basé sur les start-up commence à émerger. Cette génération aime beaucoup la recherche, et je trouve que ces jeunes sont conscients de sujets dont ma génération ne se préoccupait pas à leur âge », ajoute Nour. Pour capter l’attention de cette jeunesse, les spécialistes du marketing vont vers de nouvelles plateformes, tels Instagram, Snapchat, TikTok ainsi que les jeux en lignes où ils peuvent faire de la pub. « Il y a quatre ou cinq ans, les filles n’étaient pas intéressées par les jeux en ligne, désormais, on en rencontre beaucoup plus, c’est très caractéristique de cette génération », conclut-il.
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