
Le ministre français de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, lors de sa rencontre, dimanche,
avec le président Abdel-Fattah Al-Sissi.
Al-Ahram hebdo : La France et l’Egypte sont des partenaires stratégiques. Et la prochaine visite du président français, Emmanuel Macron, devrait marquer une phase importante pour relancer les relations bilatérales. Quelle est l’importance de cette visite ?
Bruno Le Maire: Je me réjouis de me rendre en Egypte, pays chargé d’Histoire avec lequel la France entretient depuis longtemps des relations amicales et qui prendra cette année la présidence de l’Union Africaine (UA). L’Egypte est un pays majeur pour la stabilité de la région. Plutôt que de « relancer » nos relations bilatérales, je dirais surtout que nous allons approfondir et accélérer le rythme de nos échanges. Dans le domaine économique, nous devons absolument intensifier les contacts pour renforcer et diversifier notre coopération économique. Ma présence au Caire a deux objectifs. Je réponds d’abord à l’invitation formulée par le président Abdel-Fattah Al-Sissi en octobre 2017, lorsqu’il s’était rendu dans mon ministère à Paris. Je suis ensuite chargé de préparer le volet économique de la visite du président Emmanuel Macron dans votre pays à la fin du mois. La France est un soutien fidèle de l’Egypte. Dans les moments difficiles que vous avez traversés ces dernières années, que ce soit durant les révolutions ou lors de la récente crise qui vous a obligés à faire appel au Fonds Monétaire International (FMI), la France a été l’un des rares pays à avoir toujours répondu présent. J’ajoute que nos plus grandes entreprises sont présentes depuis de longues années en Egypte. Beaucoup d’entre elles ont des unités de production, aucune n’a quitté le pays. Toutes continuent à y investir et à s’y développer. Nous croyons en l’Egypte, qui offre des perspectives de développement remarquables. Le président Macron sera d’ailleurs accompagné de dirigeants d’entreprises de très haut niveau.
— La coopération économique n’est pas au même niveau de la coopération politique. La balance commerciale et le volume des investissements sont faibles. Pourquoi ?
— Je suis au contraire frappé par la diversité de la présence de nos entreprises dans votre pays: tous les secteurs y sont représentés. Plus de 40000 emplois ont été créés. Cette présence est ancienne, durable et en constante croissance. Selon les informations dont je dispose, en totalisant les investissements des entreprises françaises en Egypte, quelle que soit la provenance des flux financiers qui ont servi à les financer, on est proche de 5 milliards d’euros investis. Sur les deux dernières années, alors que l’Egypte sortait à peine de la crise économique et financière, ce sont 2 milliards d’euros qui ont été investis par des entreprises françaises ou qui sont programmés. Ainsi, pour ne citer que les plus importants, Orange a investi dans les énergies renouvelables, Lactalis prévoit un investissement important, Crédit Agricole a renforcé ses fonds propres. Dans la zone économique du Canal de Suez, dont nous connaissons l’importance pour l’Egypte, des investissements importants seront annoncés durant la visite du président de la République.
Contrairement aux idées reçues, vous voyez que nos entreprises croient en l’avenir et aux perspectives qu’offre l’Egypte. Elles le manifestent par des projets concrets. Mais nous pouvons faire beaucoup plus. Les Français ont acquis une vraie légitimité dans la construction du métro du Caire depuis les années 1980. Les trois lignes existantes ou en construction ont été construites par des entreprises de mon pays (Vinci, Bouygues, Colas rail, ETF, TSO, Thalès, Alstom, Systra), et la France a apporté son soutien financier dès l’origine du projet. Nous continuons de soutenir les projets d’extension du réseau du métro du Caire. Nous voulons également diversifier notre offre.
En tant que ministre de l’Economie et des Finances de la France, c’est le message principal que je veux porter à mes amis égyptiens. Dans l’énergie, dans la santé, dans la construction, dans l’automobile, dans les cosmétiques, nous pouvons et devons faire plus.
— L’Egypte a traversé une crise économique difficile, mais le gouvernement a entrepris une série de réformes économiques, symbolisées par le flottement de la L.E., la baisse des subventions à l’énergie et l’imposition de la TVA. Comment jugez-vous ces réformes ?
— En tant que ministre étranger, il ne m’appartient pas de juger les réformes menées par le gouvernement d’un autre Etat. Je peux simplement dire qu’elles me semblent avoir été très courageuses. Nous croyons en l’Egypte, qui offre des perspectives de développement remarquables. Les efforts égyptiens pour se réformer avec le soutien de la communauté internationale sont payants.
— Quels sont les secteurs d’investissement auxquels s’intéressent actuellement les entreprises françaises ?
— Il y a de nombreux secteurs où les entreprises françaises investissent: les énergies renouvelables, l’agroalimentaire, la santé. J’ajouterais à cette liste un secteur où les investissements sont moins visibles mais importants car porteurs d’innovation et de valeurajoutée: l’économie digitale. Ce secteur intéresse beaucoup d’entreprises françaises. La ville durable est aussi à inclure dans ces secteurs où il me semble qu’il existe des opportunités nouvelles importantes pour les entreprises françaises: transport urbain, matériaux de constructions durables, ville connectée, solutions d’efficacité énergétique, eau, etc. Les entreprises françaises sont souvent déjà présentes et ont des atouts à faire valoir.
— Les projets de la Nouvelle Capitale administrative et de la nouvelle zone du Canal de Suez intéressent-ils les Français ?
— Biensûr! La Nouvelle Capitale et les projets de villes nouvelles intéressent la France. Nous avons une expertise sur ces sujets que nous voulons partager avec l’Egypte. Permettez-moi de vous dire à quel point je suis impressionné par ce projet enthousiasmant de Nouvelle Capitale. Ces villes nouvelles, si elles veulent devenir des villes durables et agréables à vivre, doivent se doter de réseaux de transport en commun et ne pas dépendre uniquement de la voiture. Nos entreprises ont beaucoup de solutions à apporter en matière de ville intelligente. S’agissant du Canal de Suez, vous savez le lien historique— et laissez-moi dire affectif— , qui lie la France à cet ouvrage qui fête les 150 ans de son inauguration cette année. Les premiers investissements français dans la zone économique du canal vont bientôt se concrétiser. Je suis persuadé que la visite du président Emmanuel Macron dans votre pays marquera une grande étape dans le renforcement de l’amitié entre nos deux peuples .
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