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Une baisse qui ne doit pas inquiéter

Marwa Hussein, Mardi, 15 janvier 2019

Les réserves en devises de l'Egypte ont diminué d'environ 2 milliards de dollars en décembre pour la première fois depuis deux ans. Une baisse temporaire, selon les économistes. Analyse.

Les réserves couvrent plus de 8 mois d
Les réserves couvrent plus de 8 mois d'importations (Photo: Reuters)

Les réserves en devises de l’Egypte ont baissé pour la première fois depuis la libéralisation de la livre égyptienne en novembre 2016. Elles se sont établies à 42,551 milliards de dollars en décembre, contre 44,513 milliards en novembre, comme l’a annoncé la Banque Centrale d’Egypte (BCE) la semaine passée. La dernière baisse des réserves en devises du pays avait eu lieu, il y a 25 mois, mais depuis la signature de l’accord de financement de 12 mil­liards de dollars avec le Fonds Monétaire international (FMI), les réserves étaient en hausse continue.

La signature de l’accord avec le FMI a été directement suivie par la déci­sion de libéraliser la livre égyp­tienne, une étape qui fait partie d’un vaste programme de réforme écono­mique visant à réduire le déficit budgétaire et à attirer les investisse­ments étrangers. « La Banque Centrale a indiqué que cette baisse était due au paiement des dettes de certaines entités gouvernemen­tales », dit Iman Négm, analyste économiste auprès de Prime, tout en ajoutant qu’elle considère cette baisse comme un bon signe. « L’objectif de garder les réserves en hausse pendant une longue période était remis en question. Je trouve ce mouvement des réserves sain, c’est un signe de flexibilité de la part des autorités monétaires », explique-t-elle. En fait, après la baisse, les réserves de change couvrent 8,2 mois d’importations, un niveau élevé et satisfaisant. « La moyenne inter­nationale est de couvrir 3 mois d’im­portations. Nous optons pour 6 mois pour être plus sûrs », explique Négm.

La baisse ne concerne pas seule­ment les réserves officielles, mais aussi les réserves non officielles, que les économistes appellent « la poche secrète de la Banque Centrale ». Selon les chiffres de la BCE, les dépôts non inclus dans les réserves officielles affichaient 5,5 milliards de dollars en décembre, contre 7,6 milliards en novembre, soit une baisse de 2,1 milliards. « Cette somme est sortie des investissements de portefeuille dans le contexte du mouvement qui a touché les marchés émergents, il s’agit principalement d’investissements de portefeuille », clarifie Iman Négm. « Les investis­sements de portefeuille des étran­gers sont d’environ 9 milliards de dollars actuellement, contre 23 mil­liards en avril. A supposer qu’ils sortent tous du pays, les réserves officielles baisseraient de quelque 3 milliards de dollars. Mais vu que les dépôts non inclus dans les réserves non officielles sont de 5,5 milliards, le niveau des réserves resterait tou­jours élevé », dit de plus l’écono­miste, tout en ajoutant que les inves­tissements de portefeuille sont une des raisons principales de la hausse des taux d’intérêt. « Leur baisse signale une baisse proche des taux d’intérêt », ajoute l'économiste.

La BCE a gardé les taux d’intérêt inchangés depuis plus d’un an, et ce, principalement pour contrer l’infla­tion, qui avait atteint un niveau record de 35% en juillet 2017, suite à la baisse des subventions à l’éner­gie, qui avait été précédée par la libéralisation de la livre égyptienne et l’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée. La baisse des taux d’intérêt serait nécessaire pour dimi­nuer le coût de l’emprunt et encoura­ger l’investissement. Or, lors de sa dernière réunion, en décembre 2018, le comité des politiques monétaires de la BCE a décidé de maintenir les taux de dépôt et de prêt à 16,75% et 17,75 % respectivement, pour le cin­quième trimestre consécutif. Le FMI prévoit que l’inflation en Egypte atteindra 14% en 2019 et 7% en 2023.

Pas de raison de s’alarmer

De manière générale, les écono­mistes ne considèrent pas cette baisse des réserves comme alar­mante. D’abord parce que les réserves ne constituent pas un but en soi, mais peuvent servir à satisfaire la demande en devises étrangères en cas de besoin. « Les investissements étrangers directs ont baissé ainsi que les exportations non pétrolières malgré la hausse globale des expor­tations. En plus, des milliards de dollars sont récemment sortis des banques commerciales. Il ne serait pas logique, dans ce contexte, que la priorité des autorités monétaires soit de garder les réserves à un niveau aussi élevé », commente Iman Négm. Elle rappelle que les actifs étrangers nets du secteur bancaire égyptien étaient de 4,8 milliards de dollars en avril, alors qu’il a enregis­tré un déficit de 5,5 milliards de dollars en décembre. « Cette flexibi­lité de la politique monétaire signifie que les autorités vont viser la hausse des exportations non pétrolières et des investissements », estime Négm. Les réserves ont pu rester à un niveau élevé grâce à la hausse des revenus du tourisme, des transferts des Egyptiens à l’étranger ainsi qu’à l’emprunt.

En outre, il est prévu que les réserves remontent bientôt, vu que l’Egypte s’attend à recevoir la 5e tranche de son prêt du FMI, d’un montant de 2 milliards de dollars, en janvier. Cette tranche compensera la baisse de décembre. Cette 5e tranche était attendue pour décembre et le retard a probablement contribué à la baisse des réserves. En plus, l’Egypte envisage d’émettre entre 3 et 7 mil­liards de dollars d’obligations inter­nationales au cours du premier tri­mestre de l’année, comme l’a décla­ré le ministre des Finances, Mohamad Maeit, dimanche 13 jan­vier.

« Le niveau actuel des réserves ne couvre pas seulement les importa­tions, mais aussi les dettes à court terme— un an—, estimées à 18 milliards de dollars, ainsi que le déficit des transactions courantes, ce qui est très sain », explique Négm.

Les réserves nettes avaient connu un déclin considérable après la révo­lution de 2011 pour se situer autour de 15,3 milliards, 16,8 milliards et 17,4 milliards en 2012, 2013, 2014 et 2015 respectivement, contre 36 milliards de dollars avant la révolu­tion, et ce, en conséquence de la baisse des investissements étrangers directs, du tourisme et des transferts des Egyptiens à l’étranger, trois des quatre sources principales de devises étrangères .

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