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Partenariats publics-privés: Le privé se garde de soutenir l’Etat

Gilane Magdi, Lundi, 06 mai 2013

Le gouvernement peine à convaincre les entreprises pri­vées d’investir dans ses projets. L’instabilité, les risques de déva­luation et l’inef­ficacité des organes éta­tiques freinent tout potentiel de développe­ment

Eco

Le gouvernement Qandil risque de perdre l’espoir d’attirer des investis­seurs pour ses projets de Partenariat Public-Privé (PPP). Les investisseurs sont, en effet, inquiets de participer à ce type de projets compte tenu de la période transitoire très difficile que traverse l’Egypte.

Les risques sont multiples. Ils vont des risques financiers liés à la fluctuation des cours de la livre à la hausse des taux d’intérêt en passant par les risques politiques et le manque de sécurité. Les investisseurs demandent donc au gouvernement égyptien de leur accorder plus de privilèges et de garanties, mais aussi de réviser les contrats PPP.

« Nous ne sommes pas responsables comme investisseurs des conditions exceptionnelles que traverse l’Egypte après la révolution. Il est nécessaire de nous garantir certains droits si le gouvernement souhaite exécuter son plan », confie à l’Hebdo William Girgis, directeur du développement au sein du groupe saoudien Brimco.

Ce groupe est en Egypte depuis un mois pour explorer le potentiel d’investissement dans le secteur de l’électricité. Cet homme d’affaires exprime ouvertement son inquiétude à l’égard du climat d’investissement dans le pays et sa méfiance quant au gouvernement actuel.

8 à 10 projets en 2013

Le plan gouvernemental vise à lancer de 8 à 10 projets en 2013 (la date de lancement de ces projets a été reportée de plusieurs mois car les études préliminaires ne sont pas terminées). La liste comprend le projet de la route industrielle de Safaga, le premier projet de recyclage des déchets industriels, ainsi que le projet de construction d’un centre d’appels à Maadi, qui accueillera 27 établissements.

Le risque d’instabilité du taux de change de la livre face au dollar est en tête des préoccu­pations. Selon les termes des contrats PPP, le consortium vainqueur assume toutes les charges nécessaires à l’installation du projet en monnaie nationale en plus d’une partie en dol­lar pour l’importation des biens d’équipement.

Cette partie diffère d’un projet à l’autre et varie entre 5 et 40 % du total selon les secteurs. « Si je prends le risque d’investir et que les banques me demandent de fournir cette somme en dollar en vue d’ouvrir les certificats néces­saires à l’importation des biens d’équipement, qui peut me garantir de trouver le billet vert à un prix convenable ? », confie Khaled Al-Degwi, conseiller à Orascom Construction Industry (OCI).

Il ajoute que si ce risque a toujours été pré­sent, il était dans le passé possible de calculer la marge de fluctuation de la livre en vue de l’inclure dans l’évaluation du coût du projet.

Risques de dévaluation

Le manque de dollar n’est pas le seul obs­tacle. Le fait que le gouvernement rembourse aux investisseurs les coûts du projet en mon­naie nationale sur une durée de 20 ans signifie pour eux un possible effondrement de leurs revenus suite à la dévaluation continuelle de la livre.

« Nous réclamons du gouvernement qu’il diversifie nos prises de risques. Il est le seul capable d’agir sur les risques de fluctuations de la livre à travers sa politique monétaire », poursuit Khaled Al-Degwi.

Pour calmer les investisseurs, le président de l’Unité de partenariat public-privé au sein du ministère des Finances, Atter Hannoura, étudie actuellement avec le gouvernement la possibilité de payer une partie des projets en devises étrangères. « Les investisseurs ont le droit de demander ce type de garantie. Mais je pense qu’ils auront une période suffisante pour qu’ils puissent calculer leurs prix. Par exemple, nous avons lancé le projet d’Abou-Rawach en janvier dernier mais les candidats présenteront leurs offres au début de l’année prochaine », assure-t-il.

Mais il semble difficile au gouvernement de supporter une partie des risques liés aux devises. Lui-même souffre de la baisse de ses réserves en dollars, plus de la moitié en deux ans. Hannoura n’écarte pas la possibilité de reporter la réalisation de ces partenariats en cas de poursuite des mauvaises conditions politiques et économiques.

Les risques s’étendent par ailleurs au pro­blème de la hausse des coûts d’emprunt des investisseurs. La hausse du taux d’intérêt sur les dépôts et la dégradation de la note de l’Egypte par les agences de notation interna­tionales en sont les principaux facteurs. Selon le système de PPP, l’investisseur finance 70 % des coûts des projets à travers les banques. Pour résoudre ce problème, le Parlement a approuvé la loi sur les soukouk considérés comme étant un moyen de financement com­plémentaire.

La crédibilité du gouvernement en question

Même si les risques financiers représentent les problèmes majeurs, la bureaucratie et le manque de crédibilité du gouvernement contribuent à dissuader les plus optimistes. Jusqu’à présent, et depuis la création de l’unité de PPP au sein du ministère des Finances en 2006, seuls trois projets ont été exécutés selon ce système : la station de drai­nage sanitaire du Nouveau Caire et deux hôpitaux à Alexandrie.

L’expérience a révélé l’inefficacité des organismes gouvernementaux. C’est le cas du premier projet terminé depuis un an mais tou­jours non opérationnel. « Le gouvernement n’a pas créé les réseaux de drainage néces­saires pour acheminer l’eau vers la station. Ajoutons aussi la différence des points de vue techniques entre OCI et le gouvernement », regrette Al-Degwi, conseiller chez Orsacom.

Autant de problèmes qui laissent planer le doute sur une réelle poursuite des PPP en Egypte. En l’état actuel des choses, les inves­tisseurs potentiels préfèrent patienter. Avec toutes les conséquences que ces reports entraî­nent sur l’économie du pays.

Les PPP en détail

Les projets de PPP sont des contrats à long terme sur 20 à 25 ans. Selon la loi sur les PPP, le consortium qui remporte un contrat doit créer une société chargée de la mise en place du projet, une phase qui dure en moyenne 2 ans.

La part de l’Etat, celle des fonds publics, ne peut excéder 20 % du total.

La société gestionnaire doit fournir sur son propre capital au moins 30 % du finan­cement du projet et peut emprunter le reste auprès des banques.

Une fois la phase opérationnelle lancée, le gouvernement rachète les infrastructures mises en service.

Le gouvernement opte pour ce type de projets pour compenser le manque de res­sources de l’Etat, qui ne permettraient de couvrir que 65 % des investissements pré­vus.

Les soukouk, un nouveau moyen de financement

La semaine dernière, le Conseil consultatif (Chambre haute du Parlement) a promulgué la loi des soukouk, considérés comme une nouvelle forme de financement respectant les principes de la charia islamique. Selon la loi, la société gestionnaire du projet devra lancer des soukouk auprès des institutions financières et des particuliers afin de collecter les financements nécessaires. Ce nouvel outil a un double objectif. Tout d’abord, il s’agit de fournir aux investisseurs des moyens de financement à long terme. Ensuite, il s’agit de remédier à l’absence des banques qui préfèrent investir dans les bons du Trésor plutôt que de financer ces projets. Malgré ces avantages, Hani Guéneina, président du département des recherches au sein de la maison de courtage Pharos Securities avertit de son impact négatif sur l’économie, car les conditions actuelles ne sont pas convenables. « L’expérience a prouvé l’échec de cet outil qui ressemble aux actions en Bourse, alors qu’en effet, elle représente une dette sur le gouvernement », assure-t-il à l’Hebdo en donnant l’exemple du groupe pétrolier émirati DanaGaz qui a échoué à rembourser ses créditeurs du montant des soukouk évalué à un milliard de dollars émis en 2007 en vue de financer ses opérations d’exploration en Egypte et au Kurdistan. « L’Organisme du pétrole égyptien n’a pas remboursé ses dettes auprès de DanaGaz qui, à son tour, était impliqué dans la même impasse auprès des investisseurs étrangers », explique Guéneina qui assure que le même problème pourrait se répéter avec les contrats PPP (Partenariat Public-Privé). Ainsi, cet exemple est le plus mauvais pour rassurer les investisseurs à l’égard de la capacité du gouvernement à rembourser ses dettes.
Mais Atter Hannoura, président de l’unité de PPP au sein du ministère des Finances, a clarifié à l’Hebdo que les contrats PPP ont remédié au problème de l’absence de garantie gouvernementale. « Selon le contrat, c’est le ministère des Finances qui garantit les organismes gouvernementaux tels que l’Organisme du pétrole. Cela signifie que le ministère remboursera à l’investisseur son argent pour l’escompter ensuite sur l’organisme gouvernemental », dit-il. Pour sa part, Ahmad Al-Naggar, responsable du dossier des soukouk, a noté que le remboursement de la dette contractée — les détenteurs de soukouk étant identiques à des actionnaires — pourra se faire de deux façons. L’utilisateur de l’infrastructure réalisée pourra soit payer un loyer additionné d’un remboursement venant compenser les profits réalisés pendant toute la période d’utilisation de l’infrastructure, soit payer un loyer menant à terme au rachat de l’infrastructure par son utilisateur.
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