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La Banque Centrale opte pour la stabilité

Amani Gamal El Din , Mercredi, 08 février 2023

A l’opposé de la majorité des Banques Centrales mondiales qui ont relevé leurs taux d’intérêt directeurs, la Banque Centrale d’Egypte les a maintenus en l’état. Cette mesure reflète la baisse des pressions inflationnistes et la stabilité relative du marché de change.

La Banque Centrale opte pour la stabilité
La hausse de l’inflation était une répercussion de la forte dépréciation de la livre égyptienne.

Contre toute attente, le comité des politiques monétaires de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) a décidé le 2 février, dans sa première réunion en 2023, de maintenir les taux d’intérêt directeurs à 16,25 % sur les dépôts et 17,25 % sur les crédits. Durant sa précédente réunion, le comité avait relevé les taux d’intérêt de 300 points d’un seul coup, soit 3 %. Cette stabilisation intervient à l’heure où la plupart des analystes et des banques d’investissement prévoyaient une hausse de 100 à 150 points. En 2022, la BCE avait augmenté les taux d’intérêt d’un total de 800 points, soit 8 %, afin de contrer une inflation galopante. Les premiers jours de février ont vu les principales Banques Centrales du monde relever leurs taux d’intérêt directeurs. La Réserve fédérale américaine a décidé une augmentation de 0,25 %, suivie par les Banques Centrales européenne, saoudienne, émiratie, koweïtienne, jordanienne et bahreïnie. La Banque d’Angleterre a, pour sa part, relevé les taux de 0,50 %. Justifiant sa décision, Jerome Powell, président du comité des politiques monétaires de la Réserve fédérale, a déclaré qu’il fallait mieux rester prudent bien que l’inflation, tout en étant haute, se trouve sur une pente descendante. « Les indices récents prouvent une croissance modérée dans les dépenses et la production. Il faut qu’on maintienne les politiques monétaires restrictives pour quelque temps pour avoir plus de témoignages de la décélération de l’inflation », a-t-il expliqué.

A l’opposé des Banques Centrales mondiales majeures, la BCE a opté pour une approche plus conservatrice, donnant plus d’espace pour voir l’impact sur le marché des 800 points décidés en 2022. Et ce, malgré les hauts taux d’inflation. Dans son communiqué, la BCE a justifié sa décision en disant que le maintien des taux d’intérêt lui permet d’évaluer l’impact des politiques restrictives, surtout que les données de la prochaine période sont disponibles. « Sur le plan local, l’activité économique a connu un rétablissement au troisième trimestre de 2022, pour enregistrer une croissance réelle du PIB de 4,4 % contre 3,3 % à la même période en 2022. Ce progrès a été motivé par la bonne performance des secteurs du tourisme, de l’agriculture, du commerce en gros et de détail. Il est prévisible que la croissance du PIB sera modérée en 2022-2023 en comparaison avec l’année qui l’a précédée, avant de se tourner à la hausse », lit-on dans le communiqué.

Selon Hussein Soliman, analyste macro-économique au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, la BCE a préféré une approche prudente afin de faire un équilibre entre la décélération de l’inflation et la réalisation d’une croissance économique. Il explique que la BCE a augmenté les taux d’intérêt à partir d’une base déjà élevée. « La Banque Centrale a augmenté de 800 points dans la seule année 2022, dont 500 au 4e trimestre. Raison pour laquelle il y a une grande prudence de la part de la BCE en comparaison avec les Banques Centrales clés. Une autre hausse paralysera totalement le marché et portera atteinte au secteur privé déjà mal en point. L’indicateur des directeurs d’achats, qui mesure la performance du secteur non pétrolier, connaît un recul persistant depuis 24 mois », explique-t-il.

Contenir l’inflation

D’autres facteurs positifs ont entraîné la décision de la BCE. Selon Mohamed Shadi, macro-analyste au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques, la BCE se trouve dans une zone confortable en raison du chiffre satisfaisant des réserves nettes en devises étrangères enregistrées en janvier 2023, soit 34,224 milliards de dollars. « Raison pour laquelle la BCE ne s’est pas trouvée obligée d’attirer plus de dollars dans les outils de la dette souveraine. Elle veut essentiellement préserver l’activité économique afin de sauvegarder les taux de croissance et les taux de consommation, et créer des opportunités d’emploi », analyse l’expert. Le plus important, d’après lui, est que l’institution monétaire est certaine qu’elle contrôle le marché de change après la pénurie et le chaos du marché noir.

L’approche conservatrice de la BCE ne veut cependant pas dire que l’inflation a été contenue. Selon le même communiqué, elle a enregistré 21,3 % en 2022 et est loin encore d’atteindre la fourchette cible de 7+2 % ou 7-2 %. Cette hausse tient essentiellement à la guerre en Ukraine et à la perturbation des chaînes mondiales d’approvisionnement qui a entraîné la hausse des prix mondiaux des denrées essentielles. A ces facteurs s’ajoute le recul du pouvoir d’achat et de la demande, explique Hussein Soliman. « Les institutions financières égyptiennes ont fait une bonne manoeuvre lorsqu’elles ont émis des certificats de dépôt au rendement très élevé de 25 %. Ces émissions étaient une tentative d’absorber les liquidités en livre égyptienne. Par conséquent, la BCE ne s’est pas trouvée contrainte de relever les taux d’intérêt », note-t-il.

Pour ce qui est des prévisions inflationnistes, Soliman s’attend à ce qu’elles empruntent une courbe descendante. Premièrement, il y aura une décélération de l’inflation globale, à cause du recul ou de la stabilisation des prix mondiaux des matériaux et des produits essentiels. Le deuxième facteur qui fera régresser l’inflation est la stabilité du taux de change. « La hausse de l’inflation était une répercussion de la dépréciation forte de la livre égyptienne. La livre égyptienne est à sa valeur réelle à l’heure actuelle », examine l’analyste. Et de poursuivre que si le taux de change se stabilise à son niveau actuel, aux alentours de 30 L.E. le billet vert, il n’y aura pas de hausse de l’inflation. « D’autant que les chocs inflationnistes ont été absorbés par les flottements consécutifs jusqu’au dernier en date, celui du 4 janvier », ajoute-t-il. Partant, les prévisions de la banque d’investissement Prime pour 2023 situent l’inflation à deux chiffres, mais sur une courbe descendante. La banque estime que l’inflation sera de 22 % en cette année avant de descendre à 12,5 % en 2024.

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