
L'armée nigériane intensifie ses frappes contre Boko Haram.
(Photos : AP)
C’est la première fois, depuis le 31 janvier dernier, date du lancement d’une vaste offensive africaine contre Boko Haram — menée conjointement par le Nigeria et ses alliés, le Tchad, le Cameroun et le Niger — que l’armée nigériane parle d’avancée contre le groupe extrémiste. Un groupe qui avait multiplié les conquêtes territoriales dans le nord-est du Nigeria depuis la mi-2014 et qui menaçait de plus en plus les pays voisins.
Après la percée depuis le territoire camerounais d’un premier contingent tchadien sur les territoires conquis par Boko Haram, les armées nigérienne et tchadienne ont ouvert un nouveau front la semaine dernière, cette fois depuis le Niger, initiant un vaste mouvement en tenaille des zones sous contrôle de Boko Haram. Les alliés africains ont réussi jeudi dernier à chasser les combattants de Boko Haram de l’Etat d’Adamawa, l’un des trois Etats du nord-est du pays les plus durement frappés par les insurgés islamistes, avec Borno et Yobe, les plus durement frappés par l’insurrection extrémiste. C’est ainsi que 36 localités des trois Etats du nord-est du pays avaient été reprises depuis le début de l’offensive régionale, selon le gouvernement. Ces affirmations n’ont pas pu être vérifiées de source indépendante, les zones concernées étant quasi inaccessibles. Mais selon Thomas Hansen, de l’entreprise de conseil en sécurité Control Risks, elles sont « assez crédibles ».
L’armée, qui se réfugiait encore récemment dans un silence embarrassé ou des communiqués de propagande, se réjouit aujourd’hui sur les réseaux sociaux de ces supposées « victoires ». Elle se garde bien à ce jour de commenter les informations de presse sur la présence de centaines de mercenaires sud-africains qui combattraient au côté des militaires nigérians, et joueraient un rôle-clé dans les opérations de reconquête en cours.
En fait, les frappes des troupes africaines contre Boko Haram se sont durcies dernièrement après la récente allégeance du groupe extrémiste au « califat » de Daech, allégeance acceptée jeudi dernier par l’organisation djihadiste basée en Syrie et en Iraq. « Elle serait un acte de désespoir des islamistes nigérians au moment où ceux-ci enregistrent de lourdes pertes », a affirmé avec toute confiance le porte-parole du gouvernement chargé des questions de sécurité, Mike Omeri.
La présidentielle en ligne de mire
Ces développements sur le terrain interviennent à quelques jours de l’élection présidentielle, qui s’annonce très serrée. Ces avancées sur le terrain revendiquées par le gouvernement tombent à point pour le président Goodluck Jonathan, très critiqué pour n’avoir pas su juguler l’insurrection islamiste. « Alors qu’on était jusqu’ici dans une narration très négative, le chef de l’Etat et son camp peuvent désormais afficher des succès », estime Imad Mesdoua, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest pour la société de conseil Africa Matters à Londres, cité par l’AFP.
Délaissant son célèbre chapeau noir et ses élégants costumes, le chef de l’Etat s’affiche désormais sur toutes les chaînes de télévision en tenue militaire, félicitant ses soldats sur le terrain. Initialement prévue à la mi-février, l’élection présidentielle avait été repoussée au 28 mars, les autorités mettant en avant la situation sécuritaire dans le nord-est.
Très controversé, ce report était intervenu opportunément, alors que le président Jonathan était au coude-à-coude dans les sondages avec son principal rival Muhamadu Buhari, du Congrès progressiste (APC), qui paraissait même en position de l’emporter. M. Buhari, qui a dirigé le Nigeria d’une main de fer à la tête d’une junte militaire au milieu des années 1980, promet d’user de sa poigne pour lutter efficacement contre Boko Haram, et en a fait l’un de ses principaux messages de campagne. Depuis lors, le Parti Démocratique Populaire (PDP) de M. Jonathan a repris l’initiative, bénéficiant d’une meilleure visibilité, et surtout de très importants moyens financiers pour faire campagne.
Mais pour profiter pleinement des retombées politiques des avancées militaires dans le nord-est, les autorités nigérianes vont devoir prouver que celles-ci ne sont pas toutes dues à l’intervention tchadienne. L’armée nigériane, qui s’est surtout illustrée ces derniers mois par ses défaites à répétition et sa faible combativité, assure jouer toute sa part dans ces vastes opérations militaires impliquant des milliers d’hommes et des centaines de véhicules, sur un théâtre grand comme la Belgique.
En outre et sur le plan sécuritaire, la recrudescence d’attentats dans les gares routières et les marchés très fréquentés de nombreuses grandes villes du nord, au moment où Boko Haram est chassé de ses fiefs du nord-est, laisse à craindre des violences d’un autre type, plus difficiles à prévenir, surtout avec les menaces de leur chef, Abubakar Shekau, qui a promis d’empêcher la tenue du scrutin par la violence.
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