«Moi, Goodluck Ebele Azikiwe Jonathan, j’ai accepté de me présenter au nom du PDP, le Parti démocratique populaire », a déclaré celui qui dirige le Nigeria depuis 2010, lors d’un meeting à Abuja cette semaine. C’est le 14 février prochain que les Nigérians sont appelés aux urnes, selon la décision de la commission électorale nationale indépendante. A la mort de Umaru Yar’Adua, en mai 2010, Jonathan avait pris les rênes du pays. Il avait par la suite été élu président en 2011.
En fait, il a hérité une situation explosive avec l’insurrection du groupe extrémiste Boko Haram, dans le nord-est du pays, un groupe qui a causé la mort de 10 000 personnes depuis 2009, et au cours des dernières semaines il a fait empirer la situation avec des tueries quasi quotidiennes dans le nord-est du pays, et une vingtaine de localités désormais sous son contrôle. En fait, l’impuissance de Jonathan face à cette rébellion a suscité de vives critiques.
La première erreur de Jonathan a été de sous-estimer la menace du groupe d’Abubakar Shekau. Après des premiers affrontements sanglants contre les forces nigérianes durant l’été 2009, Boko Haram s’est discrètement réorganisé à partir de 2010. Cette montée en puissance a été, partiellement, ignorée par les plus hautes autorités de l’Etat, président en tête, en raison d’un manque de renseignement réaliste sur la menace terroriste. « Le Nigeria est un pays fédéral, avec de nombreux niveaux hiérarchiques », analyse un expert militaire. Il explique que pendant des années, chaque échelon, du plus bas au plus élevé, a eu tendance à rendre des rapports optimistes pour satisfaire le niveau supérieur. « Au bout du compte, le compte rendu de la situation sur le terrain présenté au président n’avait plus rien à voir avec la réalité », a-t-il ajouté.
Face aux exactions, toujours plus nombreuses, de Boko Haram, Jonathan décrète, le 14 mai 2013, l’état d’urgence dans les Etats de Yobe, Borno et Adamawa. L’armée nigériane déclenche, alors, une vaste offensive contre les insurgés islamistes. 2 000 soldats sont notamment déployés dans la forêt de Sambisa. Un an après l’entrée en action des militaires, et alors que Goodluck Jonathan vient de solliciter une prolongation de six mois de l’état d’urgence, les critiques se font de plus en plus nombreuses à l’égard de cette stratégie qui n’a pas vraiment changé la scène. « Il est difficile de dire quels ont été les aspects positifs de cet état d’urgence. C’est plus un acte politique, pour montrer que des actions sont engagées, sans réelle valeur militaire », estime Nnamadi Obasi, spécialiste du Nigeria à l’International Crisis Group. Et d’ajouter : « Il est régulièrement reproché au chef d’Etat d’avoir un manque de vision globale sur le nord-est. Sous pression des militaires, on l’accuse d’avoir une approche purement sécuritaire et de délaisser les volets liés au développement économique et humain ». Autre reproche adressé au président nigérian : ne pas avoir stoppé le recours à des milices civiles, dans la lutte contre Boko Haram. Ces groupes d’habitants armés, souvent encouragés par les responsables politiques locaux, se sont multipliés dans le nord-est du Nigeria, au début des années 2000 pour pallier au manque d’efficacité des services de police. Les forces de sécurité, mal équipées et peu formées, continuent aujourd’hui à s’appuyer sur ces milices privées. Pour certains, l’engagement de ces civils aux côtés de l’armée régulière explique en partie les massacres de masse commis par les combattants de Boko Haram contre des villages entiers. Certains accusent le président aussi d’avoir tardé à réagir après l’enlèvement en avril de près de 300 lycéennes à Chibok.
En outre, et malgré toutes ses défaites, le parti au pouvoir (PDP), dont les cadres ont choisi Goodluck Jonathan comme prochain candidat, assure qu’il devrait remporter le scrutin, même s’il est très critiqué, au Nigeria et par la communauté internationale .
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