Al-Ahram Hebdo : Le président guinéen, Alpha Condé, a prôné à l’Onu l’urgence d’une riposte vigoureuse et immédiate contre le virus Ebola. Quelles sont les mesures que la Guinée attend concrètement de la part de la communauté internationale ?
Soriba Camara: Comme vous le savez tous, le virus Ebola constitue l’actualité en Guinée et en Afrique de l’Ouest. Mais il s’agit d’un problème qui concerne l’ensemble de la communauté internationale. Car tout ce qui affecte un pays, affecte l’ensemble des autres. Ainsi, nous demandons à la communauté internationale le maximum du soutien et sur tous les niveaux. D’ailleurs, il y a beaucoup de mesures qui ont déjà été prises au sein du Conseil de sécurité des Nations-Unies, de l’Union africaine, de l’organisation Médecins sans frontières et d’autres institutions qui sont venues à l’aide de la Guinée.
— Pensez-vous que la réponse internationale ait tardé ou que les aides internationales jusque-là offertes pour lutter contre l’épidémie aient été insuffisantes ?
— Les mesures ne sont pas insuffisantes, il faut le reconnaître, mais il y a peut-être eu un peu de retard au niveau de riposte vis-à-vis de l’Ebola. Le problème de ce virus prend des dimensions régionales mais aussi internationales. C’est ainsi qu’il existe une grande interconnexion entre la Guinée et les autres pays de la région. C’est un fléau qui doit être pris au sérieux par la communauté internationale, donc, la Guinée n’est pas seule dans sa lutte contre l’Ebola.
— La Guinée est malheureusement le foyer de l’épidémie. Quelles sont les mesures que vous avez prises et quelles sont les retombées économiques et politiques sur votre pays ?
— Sur le terrain, nous avons pris toutes les mesures nécessaires. D’ailleurs, la fête nationale (le 2 octobre) ne sera pas célébrée cette année avant le mois de décembre. Et ce, par crainte de regroupements qui favoriseraient la transmission du virus. Pour ce qui est des conséquences économiques, cela se passe de commentaire: le virus a des conséquences néfastes sur les pays qui sont affectés et surtout sur le plan économique. En Guinée, le taux de la croissance est passé de 3% à 1,5%. Dès lors le pays subit une quarantaine et les vols sont suspendus, beaucoup d’opérateurs économiques et d’investisseurs ne viennent plus. Il y a des projets qui sont ralentis, il y en a qui sont arrêtés. Personnellement, je pense que la fermeture des frontières n’est pas la bonne solution, d’autant plus que le gouvernement guinéen a pris toutes les mesures nécessaires, de même que les autres pays touchés. Nous avons pris des mesures draconiennes pour arrêter la propagation du virus, notamment des contrôles aux frontières pour empêcher tout suspect de voyager. Cela peut rassurer les autres pays étrangers et d’ailleurs plusieurs pays n’ont pas fermé leurs frontières devant les ressortissants guinéens, comme les Etats-Unis et la France. Je dois signaler aussi que l’Egypte est l'un des pays qui n’ont pas empêché l’entrée de nos ressortissants.
— Mais la fermeture des frontières avec certains pays africains semble avoir envenimé les relations diplomatiques avec ces pays...
— Non, il n’y a pas d’effets négatifs sur les relations diplomatiques et politiques. Nous tenons toujours des forums, des rencontres pour discuter nos problèmes et trouver des solutions. En fait, les effets sont plutôt commerciaux sur ces pays car il existe un mouvement de marchandises et d’importants échanges entre les pays voisins. Et avec la fermeture des frontières c’est l’étouffement, notamment pour les populations qui vivent dans les régions frontalières.
— La Guinée se prépare à des élections locales et présidentielles en 2015, mais les différends existent toujours avec l’opposition. Outre la propagation d’Ebola, le processus électoral ne risque-t-il pas d’être entravé ?
— Vous savez, la Guinée, depuis un certain moment, a traversé des périodes critiques et difficiles sur le plan politique. Mais avec la sagesse des politiciens et de nos dirigeants, nous sommes arrivés à surmonter les difficultés, donc il n’y a pas de raison de s’inquiéter et les difficultés seront surmontées. Pour ce qui est d’Ebola, je suis optimiste. Il nous reste presque un an avant la tenue des élections et j’espère que d’ici là, la propagation du virus sera endiguée.
— La Guinée commémorait ce 28 septembre un triste anniversaire: les 150 morts lors d’un meeting électoral dans un stade de Conakry en 2009. Où en est l’enquête ?
— L’enquête suit son cours, vous savez que ce sont des événements difficiles et très douloureux qu’on ne peut pas oublier. Le dossier n’est pas délaissé, les responsables en charge sont en train de travailler et les auteurs vont normalement répondre à leurs actes.
— Où en sont les relations bilatérales entre l’Egypte et la Guinée ?
— La Guinée a toujours eu de bonnes relations avec l’Egypte depuis l’ouverture de notre ambassade ici en 1961. A l’époque, Gamal Abdel-Nasser et le président Ahmad Sékou étaient de vrais amis. Pour preuve, la première et la plus grande université en Guinée qui se trouve à Conakry s’appelle Gamal Abdel-Nasser. Mais comme vous le savez, tous les Etats connaissent des évolutions, et ces dernières années, en raison de la situation interne, aussi bien en Guinée qu’en Egypte, il y a eu un certain ralentissement. Mais aujourd’hui, les choses changent, notamment avec la stabilité revenue en Egypte. Je peux assurer qu’aujourd’hui la volonté des Egyptiens et du gouvernement est de renouer les contacts sur tous les niveaux avec les pays africains, et nous sommes très heureux ainsi du retour de l’Egypte sur le continent. De notre côté, nous voulons que les investisseurs égyptiens viennent davantage en Guinée. Nous voulons promouvoir les échanges dans plusieurs domaines. Actuellement, je prépare des réunions avec différents responsables et différents hommes d’affaires pour accroître la coopération économique et commerciale.
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