Des milliers de Kényans, jeunes pour la plupart, manifestaient jeudi à travers le pays pour demander le retrait du projet de budget du gouvernement actuellement débattu au Parlement et qui prévoit l'instauration de nouvelles taxes.
Dans la capitale Nairobi, où le cortège a rassemblé au moins plusieurs centaines de personnes selon un journaliste de l'AFP, la manifestation a donné lieu à quelques échauffourées avec des manifestants lançant des pierres sur les forces de police, qui ont riposté avec des gaz lacrymogène.
Face au mécontentement croissant au sein de la population, le gouvernement du président William Ruto retiré mardi du projet de budget 2024-25 la plupart des mesures fiscales prévues, notamment une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers.
Mais les manifestants demandent le retrait du texte dans son intégralité.
Depuis la présentation du budget au parlement jeudi dernier, un mouvement de contestation inédit baptisé "Occupy Parliament" ("Occuper le Parlement") a été lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre politique.
Mardi une première manifestation pacifique avait réuni des centaines de personnes, dont de nombreux jeunes, dans la capitale Nairobi, où la police a arrêté plus de 300 personnes, selon l'organe officiel de défense des droits humains, la Kenya National Human Rights Commission (KNHRC).
De nouvelles manifestations étaient prévues dans la journée à Nairobi et dans plusieurs autres villes, comme les bastions de l'opposition de Mombasa (est) et Kisumu (ouest) mais aussi à Eldoret (ouest), dans la vallée du Rift, région d'origine du président.
A Nairobi, la police a tiré en fin de matinée des gaz lacrymogène pour disperser les premières centaines de personnes réunies dans le centre d'affaires (CBD), a constaté un journaliste de l'AFP.
Malgré l'important déploiement policier, les manifestants veulent se diriger vers le parlement, où les débats sur le budget se poursuivent en session extraordinaire.
Couleurs
Le texte doit être voté d'ici le 30 juin. Une source parlementaire a indiqué à l'AFP que ce vote était pour l'instant prévu le 27 juin.
"Nous avons dit qu'ils (le gouvernement) devaient changer pour retirer le projet de loi, pas l'amender", explique à l'AFP Sarah Njoroge, 21 ans, qui participe pour la deuxième fois aux manifestations dans la capitale.
"On dirait qu'ils pensent qu'on se fait entendre sur les réseaux sociaux et que nous allons nous fatiguer", lance-t-elle.
Les manifestants ont été invités à troquer les vêtements noirs - "dress code" de la manifestation de mardi - pour arborer cette fois des couleurs.
"Nous avons changé de tactique. Aujourd'hui (jeudi), nous porterons des vêtements colorés et provocants pour éviter qu'ils n'arrêtent à nouveau tous ceux habillés en noir", a expliqué un organisateur de la marche, sous couvert d'anonymat.
La manifestation pacifique de mardi avait été marquée par une forte répression policière avec gaz lacrymogène et canons à eau et 335 "arrestations arbitraires", selon la KHNRC qui avait dénoncé un usage de la force "non nécessaire et disproportionné".
Un policier a perdu ses deux avant-bras après qu'une grenade de gaz lacrymogène qu'il voulait lancer a explosé entre ses mains, a précisé la police.
"Génération Z"
Parmi les jeunes manifestants de Nairobi, Ivy dit être venue car, comme beaucoup de jeunes Kényans, elle a "peur pour (son) avenir".
"J'ai peur de ce qui m'attend dans les années à venir. Je ne peux pas trouver de travail, je ne suis pas en mesure de payer certaines factures, je ne peux pas ouvrir une entreprise qui va me permettre de vivre longtemps", explique cette jeune femme sans emploi.
"En tant que Génération Z, nous allons bouger et ils vont être choqués. Ce n'est que le début", lance-t-elle.
Bella, une étudiante de 22 ans, affiche sa méfiance envers le gouvernement. "Ils essaient de nous mentir, les taxes qu'ils ont supprimées sur le pain, ils les ont ajoutées ailleurs", estime celle qui dit manifester pour la première fois.
Pour compenser le retrait des taxes annoncé mardi, le gouvernement envisage désormais d'augmenter les taxes sur les carburants et les produits exportés.
Selon les opposants, cela risque de renchérir le coût de la vie, déjà grevé par les hausses l'an dernier de l'impôt sur le revenu et des cotisations santé et le doublement de la TVA sur l'essence.
Les manifestants scandaient "Ruto doit partir", comparant également le chef de l'Etat - fervent évangéliste qui s'est fait élire en août 2022 en promettant de défendre les plus modestes - à Zakayo, nom en langue swahili de Zachée, figure biblique du collecteur d'impôts.
Hausse du prix de l'essence
Pour le gouvernement, de douloureuses mesures fiscales sont nécessaires pour redonner des marges de manoeuvre au pays, lourdement endetté.
Le projet de budget prévoit 4.000 milliards de shillings (29 milliards d'euros) de dépenses, un chiffre record dans l'histoire du pays.
Pour compenser le retrait des taxes initialement prévues, le gouvernement envisage désormais d'augmenter le prix des carburants et les taxes sur les produits exportés.
Selon les opposants, cela risque de renchérir encore le coût de la vie, déjà grevé par les hausses l'an dernier de l'impôt sur le revenu et des cotisations santé et le doublement de la TVA sur l'essence.
Le Kenya, l'une des économies les plus dynamiques d'Afrique de l'Est, a enregistré en mai une inflation de 5,1% sur un an, avec une hausse des prix des produits alimentaires et des carburants respectivement de 6,2% et 7,8%, selon la Banque centrale.
La croissance du PIB devrait décélérer à 5% cette année, après avoir atteint 5,6% en 2023 (4,9% en 2022), selon la Banque mondiale.
La dette publique du pays s'élève à environ 10.000 milliards de shillings (71 milliards d'euros), soit environ 70% du PIB.
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