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Tchad: trois scénarios possibles après la mort du principal opposant à la junte

AFP , Samedi, 02 mars 2024

Tchad
Les partisans sont vus comme le président de transition du Tchad, le général Mahamat Idriss Deby (not sen) arrive au ministère tchadien des Affaires étrangères avant le début d’une réunion inaugurale d’une coalition de partis pour sa candidature à l’élection présidentielle du 6 mai, 2024 à N’Djamena le 2 mars 2024. Photo : AFP

La candidature à l'élection présidentielle de Mahamat Idriss Déby Itno samedi, président de la transition, trois jours après la mort de Yaya Dillo, son principal rival, tué dans l'assaut de son parti par l'armée, esquisse trois scénarios possibles pour la directrice pour l'Afrique centrale de Crisis Group (ICG) Enrica Picco.

Une marche forcée vers un scrutin dans un délai très court pour lequel le chef de la junte, n'aurait aucun adversaire de taille; un report peu probable de l'élection; une possible mutinerie voire un coup d'Etat par une frange de l'armée, détaille-t-elle dans un entretien avec l'AFP.

Une marche forcée vers la présidentielle et une victoire sans frais.

"Mahamat Déby n'a, aujourd'hui, d'opposants qui peuvent représenter une menace dans la course pour la présidence.

Il a utilisé des techniques qui ont été très efficaces pour réduire le nombre d'opposants. La première a sans doute été la répression du 20 octobre 2022 dont les effets ont été très forts pour des mois voire les années à venir". Ce jour-là, la police et l'armée ont réprimé dans un bain de sang une manifestation contre la prolongation de la transition par la junte.

"Plusieurs opposants ont dû quitter le pays ou ont été réduits au silence. Toute velléité de former des mouvements de la société civile, de manifester ou de s'exprimer contre le pouvoir en place a été éliminée.

L'autre technique, est l'intégration d'opposants au pouvoir.

Saleh Kebzabo, adversaire farouche de son père Idriss Déby Itno (président de 1990 à 2021) a rejoint le gouvernement de Déby fils en tant que Premier ministre. Puis, il y a peu, cela a été le tour de Succès Masra", explique Enrica Picco. M. Masra, l'adversaire le plus redoutable pour Déby, a remplacé M. Kebzabo à la tête du gouvernement le 1er janvier.

Un report du scrutin peu probable

L'hypothèse d'un report de la présidentielle en invoquant le risque sécuritaire et notamment celui qu'a invoqué le pouvoir pour lancer l'assaut sur le siège du parti de M. Dillo, circule mais Mme Picco n'y croit pas.

"Un report est très improbable", dit-elle. "Sans adversaire de taille, M. Déby a tout intérêt à aller aux urnes le plus rapidement possible car être président d'une transition ne plait à personne.

En considérant la pression qu'il a mis pour accélérer le calendrier électoral, il est très improbable qu'il fasse marche arrière".

Une tentative ou un coup d'Etat ?

"Ce scénario est celui qui inquiète le plus depuis deux ans", analyse la juriste internationale et chercheuse de ICG.

"Les rebelles armés n'ont pas la capacité de menacer le pouvoir pour l'instant, mais une révolution de palais par les membres du clan des zaghawas ou de la famille Déby n'a jamais été écarté.

Cela dit, la réponse au cas de Yaya Dillo ne laisse pas d'espace à l'interprétation. Mahamat Déby a démontré qu'il contrôlait l'appareil sécuritaire, capable de maîtriser rapidement et efficacement toute menace à son pouvoir" analyse la chercheuse.

M. Dillo était le cousin de Mahamat Déby et un membre influent de l'ethnie zaghawa, celle de Déby père, qui contrôle depuis 33 ans les appareils de l'Etat et de l'armée, aujourd'hui très divisée sur la légitimité de l'actuel chef de l'Etat.

"Mais le risque est toujours là", reconnait Mme Picco.

"Les récents évènements comme la mort de Yaya Dillo et l'arrestation de Saleh Déby pourraient alimenter des volontés de vengeances pour une partie du clan", ajoute-t-elle.

Sans parler des nombreux mouvements rebelles dans leurs bases arrières au Soudan, en Centrafrique et en Libye, dont certains dominés par les zaghawas, qui pourraient profiter de cette période de doute.

"Et puis la situation socio-économique est extrêmement inquiétante. Les Tchadiens ont déjà montré à plusieurs reprises un ras-le-bol d'une crise économique sans fin", conclut Enrica Picco.

Propos recueillis par Léa Nkamleun Fosso.

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