Deux nouveaux Etats membres manqueront à l'appel de la réunion annuelle des chefs d'Etat et de gouvernement dans la capitale éthiopienne Addis Abeba: le Gabon et le Niger, suspendus après des coups d'Etat, tout comme le Mali, la Guinée, le Soudan et le Burkina Faso depuis 2021 et 2022.
"Ces nouveaux coups (...) ainsi que la situation au Sénégal", en crise depuis que le président Macky Sall a annulé le 3 février la présidentielle trois semaines avant le scrutin, devraient figurer au menu du sommet, affirme Nina Wilén, directrice du programme Afrique de l'Institut Egmont pour les relations internationales, basé à Bruxelles.
Alors qu'en 2024, 19 élections présidentielle ou générales sont prévues sur le continent, l'Union africaine ira-t-elle au-delà de son habituel rappel au respect des règles démocratiques ?
"Je doute qu'il y ait des décisions fortes", estime Mme Wilén, car "la résistance de pays membres qui ne veulent pas voir des précédents pouvant heurter leurs propres intérêts" empêche l'UA de "faire entendre sa voix".
L'organisation n'a eu jusqu'ici "que très peu d'influence sur les pays qui ont subi des coups d'Etat récemment", note-t-elle.
Vers une présidence mauritanienne
L'UA a réussi à s'éviter une crise en désamorçant en amont du sommet les tensions sur la succession du chef d'Etat comorien Azali Assoumani à la présidence tournante de l'organisation.
Cette désignation a longtemps été bloquée par l'antagonisme irréductible entre Maroc et Algérie, les deux poids-lourds de la région Afrique du Nord à qui échoit cette année le poste.
Après des mois d'intenses tractations, le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani devrait être élu par ses pairs dimanche.
Mais l'épisode a illustré les divisions qui affaiblissent l'organisation panafricaine, qui ambitionne de faire entendre l'Afrique au sein du G20 qu'elle a intégré en septembre.
En rejoignant le G20, "l'UA va devenir un acteur de politique internationale. Mais quel acteur ?", s'interroge Paul-Simon Handy, directeur régional Afrique de l'Est à l'Institut des études de sécurité (ISS).
Qui va représenter l'UA au sein du G20 ? Comment seront déterminées les positions de l'Afrique ? Ces questions devraient également être abordées lors de deux jours de discussions, la plupart à huis clos.
L'UA va devoir "être en mesure d'élaborer une position africaine (...). Mais comment ? Il va falloir trouver des méthodes de travail rapidement", note Paul-Simon Handy.
Elaborer un consensus entre 55 Etats membres (dont six suspendus) aux intérêts divergents "ne sera pas facile du tout", remarque Solomon Dersso, directeur du centre de réflexion Amani Africa, basé à Addis Abeba.
"Ce n'est pas impossible", ajoute-t-il: "Comme dans l'UE, cela nécessite de faire de la négociation permanente et du compromis des impératifs".
"Repli"
Mais les marges de manoeuvre de l'organisation pourraient être limitées face aux enjeux de sécurité sur le continent, miné par une multitude de conflits armés aux facettes multiples (Soudan, Sahel, Somalie, République démocratique du Congo...), certains vieux de nombreuses années.
"Les Etats membres se replient sur eux-mêmes, protégeant étroitement leurs prérogatives souveraines au lieu d'investir dans la sécurité collective et d'aller contre les tensions géopolitiques qui sapent les efforts de coopération", déplore l'International Crisis Group (ICG).
La question se posera par exemple après une résolution votée fin décembre par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui a accepté que ses contributions obligatoires financent les opérations de paix menées par l'UA.
Mais la résolution limite ce financement à 75%. A charge pour l'UA - et ses partenaires, notamment l'UE - de trouver les 25% restants.
Lors de ce sommet, les chefs d'Etat "vont devoir réfléchir aux implications" de cette résolution, estime Paul-Simon Handy, et notamment décider si elle remet l'UA "sur orbite (...) au détriment des communautés économiques régionales", dont certaines ont déployé des missions militaires ces dernières années, hors du cadre de l'organisation.
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