Le port de Berbera à Somaliland.
Photo AFP
« La signature d’un accord entre l’Ethiopie et Somaliland aux termes duquel l’Ethiopie obtient un port maritime de 20 kilomètres au Somaliland en échange de la reconnaissance de la république constitue une menace pour la sécurité africaine dans la région » a averti Nermine Tawfiq, professeur de sciences politiques à la faculté des études africaines à l’université du Caire en avertissant qu'une confrontation est probable entre l’Ethiopie et la Somalie, surtout que le texte signé lundi permettra à l'Ethiopie de disposer d'une base militaire et d'une zone maritime commerciale.
« La Somalie défendrait son territoire par tous les moyens légaux possibles », a annoncé le Premier ministre somalien Hamza Abdi Barre lors d’une réunion d'urgence au lendemain de l'annonce de cet accord surprise signé alors que la Somalie et le Somaliland avaient accepté la semaine dernière de reprendre leurs négociations pour résoudre les questions en suspens, après des années de tensions politiques et de blocage. Les autorités de la Somalie ont annoncé mardi le rappel de leur ambassadeur en Ethiopie pour consultation.
Le gouvernement somalien a vivement réagi dans un communiqué que « le Somaliland fait partie de la Somalie en vertu de la constitution somalienne (...) la Somalie considère cette mesure comme une violation flagrante de sa souveraineté et de son unité ».
Il a également demandé à l'ONU et l'Union africaine de se réunir face à cette « agression de l'Éthiopie et ingérence contre la souveraineté somalienne ».
Ancien territoire britannique, le Somaliland a unilatéralement déclaré en 1991 son indépendance de la Somalie, alors que ce pays plongeait dans un chaos dont il n'est toujours pas sorti. S'il dispose de ses propres institutions et bat monnaie, le Somaliland, qui compte 4,5 millions d'habitants, n'a jamais vu son indépendance reconnue par la communauté internationale.
« Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a déjà suscité la crainte et le mécontentement de ses voisins par ses déclarations en octobre concernant son droit d’avoir d’accès sur la mer, alors que l’Ethiopie est un pays enclavé », a ajouté Nermine.
Abiy Ahmed avait annoncé le 13 octobre que « l'existence de l'Ethiopie en tant que nation (était) liée à la mer rouge », et que son pays avait besoin d'un port et que la « paix » dans la région dépendait d'un « partage mutuel équilibré » entre l'Ethiopie, enclavée, et ses voisins ayant accès à la mer Rouge, citant Djibouti, Erythrée et Somalie.
Face aux craintes suscitées par ces déclarations, il avait toutefois assuré qu'il « ne ferait jamais valoir ses intérêts par la guerre ».
L'Ethiopie n'a plus d'accès maritime propre depuis l'indépendance de l'Erythrée en 1993.
Elle a bénéficié d'un accès au port érythréen d'Assab, qu'elle a perdu lors du conflit entre les deux pays entre 1998 et 2000. L'Ethiopie dépend désormais du port de Djibouti pour ses exportations et importations.
Cet accord pourra toucher indirectement également l’Egypte « l’accord permet à l'Ethiopie d'acquérir une part non précisée du port de Berbera, au bord de la mer Rouge, et du détroit Bab El Mandab ce qui pourra influencer le Canal du suez en cas de déclenchement de tensions » craint Mohamed Abdel Wahed expert sécuritaire tout en ajoutant que le fait de promulguer un accord avec une région qui n’est pas reconnue par la communauté internationale « pourra encourager les mouvements de désintégration des États et la sécession de leurs régions », ajoute Abdel Wahed.
L'Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, s'est retrouvée sans accès propre à la mer à partir de l'indépendance de l'Erythrée en 1993, à l'issue d'un long conflit. Elle a bénéficié d'un accès à un port érythréen jusqu'à ce que les deux pays se livrent une guerre en 1998-2000 et, depuis, l'Ethiopie fait passer la plupart de ses échanges commerciaux par Djibouti.
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