« L’élection présidentielle du 31 octobre 2020 doit contribuer à raffermir la paix et la stabilité ». C’est ce qu’a affirmé le président français, Emmanuel Macron, en recevant, vendredi 4 septembre, son homologue ivoirien Alassane Ouattara. Une rencontre qui intervient dans un contexte tendu en Côte d’Ivoire, suite à la volte-face du président Alassane Ouattara qui, après avoir annoncé en mars dernier sa décision de renoncer à briguer un troisième mandat, a changé d’avis en août après le décès soudain d’un infarctus de son premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, qu’il avait fait investir comme candidat de son parti. Une question à laquelle Paris n’a, semble-t-il, pas voulu se mêler.
Pourtant, en Côte d’Ivoire, la question fait débat. Depuis plusieurs semaines, des manifestations de l’opposition ont lieu, jugeant la candidature du président Ouattara, âgé de 78 ans, pour un troisième mandat, anticonstitutionnelle. Les opposants arguent que la Constitution de 2016 limite à deux les mandats présidentiels. En revanche, les partisans de M. Ouattara affirment que le dernier amendement a remis les compteurs à zéro.
Face au risque d’embrasement et à celui d’ouverture de poches de conflits communautaires, les autorités ivoiriennes ont décidé la suspension des manifestations sur la voie publique jusqu’au 15 septembre. Les manifestations ont occasionné des « affrontements intercommunautaires d’une grande ampleur à Daoukro et dans une moindre mesure à Gagnoa, ainsi que des atteintes aux symboles de l’Etat avec l’incendie d’un commissariat à Bonoua et des destructions de biens publics et privés », a dit Sidi Touré, porte-parole du gouvernement, en ajoutant que sont autorisés seulement les rassemblements dans les enceintes closes ou les espaces dédiés sécurisés. « Le bilan provisoire au plan national des récentes manifestations fait état de 6 décès, 173 blessés environ, 1 500 déplacés internes, 69 personnes interpellées ainsi que de nombreux dégâts matériels », a fait savoir M. Sidi Touré.
Malgré ce climat tendu, la course à la présidentielle prend sa voie. 44 dossiers de candidature sont transmis cette semaine par la Commission Electorale Indépendante (CEI) au Conseil constitutionnel, afin d’établir, d’ici 15 jours, la liste définitive des candidats à la présidentielle du 31 octobre, a fait savoir la CEI, jeudi 3 septembre. De source proche de la CEI, ont affirmé à TV5Monde, que moins d’une dizaine de candidats devraient être déclarés éligibles. Parmi les dossiers qui devraient être invalidés figurent un certain nombre de candidats d’une importance mineure, mais surtout ceux de deux poids lourds, qui sont de vrais rivaux au président Ouattara : l’ex-président Laurent Gbagbo et l’ancien chef rebelle et premier ministre Guillaume Soro. Tous les deux devraient être déclarés inéligibles en raison de condamnations qui ont déjà conduit à leur radiation des listes électorales en août dernier. Laurent Gbagbo, 75 ans, qui ne s’est encore jamais prononcé publiquement sur une possible candidature, est en liberté conditionnelle en Belgique, dans l’attente d’un éventuel procès en appel devant la Cour Pénale Internationale (CPI) qui l’a acquitté en première instance de l’accusation de crimes contre l’humanité. Mais il est sous le coup d’une condamnation en 2018 à 20 ans de prison par la justice ivoirienne pour l’affaire dite du « braquage de la BCEAO » (Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest), lors de la crise de 2010-2011. Cette crise, qui s’était ouverte après le refus de M. Gbagbo de reconnaître sa défaite face à l’actuel président, Alassane Ouattara, avait officiellement fait 3 000 morts. Guillaume Soro, 48 ans, qui vit en France, a été condamné en Côte d’Ivoire en avril 2020 à 20 ans de prison pour « recel de détournement de deniers publics ». Le Conseil constitutionnel devra aussi se prononcer sur la candidature d’Alassane Ouattara.
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