Comme prévu, la junte a annoncé samedi 29 août que son chef, le colonel Assimi Goïta, était devenu président du pays. Elle a aussi reporté la première concertation sur le transfert des pouvoirs. Pour justifier la nomination d’Assimi comme président, le porte-parole de la junte, le colonel Ismaël Wagué, a invoqué l’actuel vide institutionnel en l’absence de gouvernement et d’Assemblée nationale. « Pour assurer la continuité de l’Etat, il faut qu’il y ait un chef d’Etat. Cet acte permet de prendre le président du Conseil national comme le chef d’Etat, (ce) qui lui permet d’assurer la continuité de l’Etat et préparer la transition », a déclaré Ismaël Wagué en faisant référence au Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), que les militaires ont institué et dont l’acte fondamental est censé fonder juridiquement la création. Cette déclaration affirme en outre que le président du CNSP assure les fonctions de chef de l’Etat. Il incarne l’unité nationale et est garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des accords internationaux. Il nomme les responsables civils et militaires de haut rang, signe les ordonnances et décrets adoptés du CNSP et accrédite les ambassadeurs étrangers. Il peut être investi de « pouvoirs exceptionnels » quand les institutions, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux « sont menacés d’une manière grave et immédiate ».
Ainsi, la transition promise par la junte qui a pris le pouvoir au Mali a tourné court avant même d’être lancée. La junte avait invité les partis, des groupes rebelles signataires d’un accord de paix et des organisations de la société civile à des « échanges sur l’organisation de la transition » samedi 29 août à Bamako. Le Mouvement du 5 Juin/Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) avait vivement protesté contre le fait de ne pas figurer parmi les invités. Or, c’est cette coalition de chefs religieux et de membres de l’opposition et de la société civile qui a mené pendant des mois la contestation contre M. Keïta. La mise à l’écart du M5 a provoqué la colère de ses leaders, qui ont accusé la junte de chercher à confisquer le changement. « Nous constatons avec amertume que cette junte qui a suscité l’espoir de tous les Maliens un certain 18 août 2020 est en train de dériver et de s’éloigner petit à petit du peuple malien », a déclaré Tahirou Bah, au nom d’Espoir Malikoura, association parmi les fondatrices du mouvement. Partageant le même avis, l’imam Mahmoud Dicko, éminente personnalité publique et figure tutélaire du mouvement, avait accusé les militaires de se couper de ceux qui devraient être impliqués dans la transition, et les avait prévenus qu’ils n’auraient pas « carte blanche ».
Pour les satisfaire, cette réunion a été reportée et la junte a invoqué « des raisons d’ordre organisationnel ». Les militaires ont bénéficié après leur putsch d’un accueil plutôt favorable des Maliens, las de la grave crise sécuritaire, économique et politique dans laquelle s’enfonce leur pays depuis des années. Mais la transition qu’ils ont promise se fait attendre. Ils se retrouvent à présent sous la double pression du mouvement M5 qui revendique le fait d’avoir préparé la chute d’un gouvernement accusé d’inaptitude et de corruption, et des pays ouest-africains voisins.
Sanctions africaines
Face à cette situation, la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), réunie en sommet sur le Mali, a réclamé à la junte, vendredi 28 août, un retour rapide des civils au pouvoir, demandant le lancement immédiat d’une « transition civile » et des élections d’ici 12 mois, en échange d’une levée progressive des sanctions. La Cédéao a demandé à la junte « d’engager une transition civile immédiatement » et la « mise en place rapide d’un gouvernement pour préparer les élections législatives et présidentielle dans un délai de 12 mois », a déclaré dans son discours de clôture le chef de l’Etat nigérien, Mahamadou Issoufou, tout en ajoutant que la Cédéao souhaitait la nomination pour présider la transition, d’une personnalité civile, reconnue pour sa probité intellectuelle et morale, ainsi que d’un premier ministre civil. Elle souligne qu’aucune structure militaire ne devrait être au-dessus du président de la transition.
Aussi, les voisins du Mali ont maintenu, vendredi 28 août, la fermeture des frontières et l’embargo sur les échanges financiers et commerciaux. Ils lèveront ces sanctions progressivement en fonction des avancées accomplies vers le retour à l’ordre civil sous 12 mois.
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