La crainte du coronavirus et les doutes qui planent sur les fichiers électoraux ont eu un impact sur la participation au double scrutin.
(Photo:AFP)
Coronavirus, contestation de l’opposition, de la société civile, et scepticisme de la communauté internationale : autant de facteurs qui n’ont pas pu arrêter le président guinéen, Alpha Condé, de tenir le double scrutin du dimanche 22 mars, des législatives et un référendum constitutionnel. Cinq millions de Guinéens étaient donc appelés à se prononcer sur la réforme constitutionnelle, fixant désormais le mandat du président de la République à 6 ans renouvelable une seule fois, et à élire leurs 114 députés. Deux scrutins marqués par une faible participation, des attaques contre des bureaux de vote, incendies de matériel électoral et des heurts entre forces de l’ordre et opposants. Les doutes sérieux qui pèsent sur la composition des listes électorales et la crainte du coronavirus ont eu certainement leur effet sur le taux de participation. L’opposition avait promis de boycotter le vote et d’en empêcher la tenue, mais la persistance des troubles n’a pas dissuadé le gouvernement d’organiser les scrutins. Le 1er mars, le référendum constitutionnel et les législatives avaient été reportés à la dernière minute dans un climat de vives tensions. L’actuelle Constitution de 2010 n’autorise pas Alpha Condé à briguer un troisième mandat à la prochaine élection présidentielle, tandis que la nouvelle Constitution, proposée par Condé, limite à deux le nombre de mandats présidentiels, mais ses opposants l’accusent de vouloir remettre son compteur à zéro.
Malgré la fermeture par l’autorité de réseaux sociaux, des heurts ont éclaté dans plusieurs villes du pays, où manifestants anti-nouvelle Constitution et forces de l’ordre se sont affrontés. A Conakry, les quartiers chauds de la capitale, favorables à l’opposition, ont été le théâtre d’incendies, de pillages et d’actes de vandalisme.
Inquiétude internationale
Face à cette situation, l’Union Européenne (UE) et l’Onu ont fait part de leur inquiétude, surtout que le processus électoral s’est déroulé sans les observateurs internationaux de la Communauté Economique des Etats d’Afrique De l’Ouest (CEDEAO), l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), ni ceux de l’Union Africaine (UA). Les observateurs se sont retirés du processus alors que le report du double scrutin n’ayant pas été mis à profit pour réintégrer l’opposition. Cette dernière a aussi dénoncé un fichier électoral truqué. A l’appui de cette accusation, l’étude de l’Organisation internationale de la francophonie. Selon elle, sur les 11,9 millions de personnes inscrites, 2,49 millions étaient « problématiques ». Du côté du pouvoir, on justifie cette réforme en expliquant qu’il s’agit de « doter la Guinée d’une Constitution qui réponde aux besoins actuels », sur les droits des femmes, la lutte contre les mutilations génitales féminines, la gratuité de la scolarité, l’écologie et la répartition des revenus de l’Etat. Pour sa part, le président guinéen, Alpha Condé, a cherché à répondre aux inquiétudes de la communauté internationale et lui transmettre un message de tranquillité. « La Cédéao, l’UA et l’OIF ont fait des recommandations à travers les experts, qui ont été intégralement prises en compte, Guinéennes, Guinéens, très chers compatriotes, les prochaines élections vont se dérouler dans la transparence, dans le respect absolu des règles démocratiques et des usages républicains », a annoncé Condé qui a pris la parole la veille des élections. Les organisateurs ont exprimé de fortes réserves sur la fiabilité du processus électoral.
Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine, a fait part la veille du scrutin de sa préoccupation « face aux tensions et aux divergences qui prévalent entre les acteurs politiques guinéens et leurs conséquences potentielles sur la stabilité à long terme du pays ». Il a invité toutes les parties concernées à s’abstenir de toute action susceptible de compliquer davantage la situation actuelle.
Dès octobre dernier, opposition et société civile se regroupent autour du Front commun pour la défense de la Constitution (FNDC) pour s’opposer à cet éventuel troisième mandat du président sortant. Les journées de mobilisation du FNDC se soldent ponctuellement par des violences et des dégâts matériels: le FNDC déplore plus d’une trentaine de morts, de nombreux blessés et la multiplication d’« arrestations préventives » par les forces de sécurité. Dans les coulisses, chefs d’Etat ouest-africains et anciens compagnons de route du président Alpha Condé ont tenté de le convaincre de renoncer au référendum, qui cristallise toutes ces tensions. En vain .
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