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Khaled Emara : Nous oeuvrons en premier lieu à approfondir l’intégration africaine

Samar Al-Gamal, Mardi, 09 avril 2019

Khaled Emara, ministre adjoint des Affaires étrangères pour les organisations et les rassemblements africains, revient sur l’agenda de l’Egypte durant sa présidence de l’Union Africaine (UA).

Khaled Emara

Al-Ahram Hebdo : L’Egypte assure cette année la présidence tournante de l’UA et se dit confiante d’avoir surmonté la crise après avoir été suspendue en 2013. Des défis persistent-ils encore quant aux relations avec l’Afrique ?

Khaled Emara : Le retour de l’Egypte au sein de l’UA était une question de temps et quand nous avons expliqué à nos confrères africains la situation par laquelle nous sommes passés et notre engagement en faveur de la feuille de route pour une transition politique, le retour au sein de l’organisation s’est déroulé naturellement, et je crois que nous avons aujourd’hui dépassé cet incident. Nous assurons aujourd’hui la présidence de l’UA avec l’accord de tous les dirigeants du continent. Je crois pourtant que les défis seront toujours présents.

— Une année de présidence de l’UA, quels dossiers figurent sur votre agenda ?

— Nous oeuvrons en premier lieu à approfondir l’intégration africaine à travers l’accord de la Zone de Libre-Echange Continentale africaine (ZLEC) qui doit bientôt entrer en vigueur. Nous avons presque atteint le nombre requis des 22 pays ratifiants.

Mais l’infrastructure manque à cet accord pour faciliter le libre-échange commercial à travers les frontières de façon à rendre plus fluide l’acheminement des produis et des services. Le but est d’augmenter les échanges commerciaux entre les pays africains.

Il y a aussi une volonté de diversifier les économies africaines et d’y intégrer des industries pour que les Africains puissent vraiment échanger des produits entre eux. Nous allons également oeuvrer en vue d’encourager les ressortissants africains en dehors du continent qui ont déjà réalisé un succès en venant investir dans les pays africains. Ceci devrait faciliter l’intégration africaine.

— Les priorités de l’Egypte pour sa présidence de l’UA sont-elles donc d’ordre économique et commercial ?

— Ce que je dis, c’est que l’intégration africaine peut passer par l’accord de libre-échange, mais il y a certainement d’autres questions qui figurent sur l’agenda de l’Egypte, notamment celles liées à la paix, à la sécurité et à l’alternance pacifique du pouvoir. La reconstruction après la fin des conflits armés est aussi une priorité pour nous. Le Centre de l’UA pour la reconstruction après les conflits armés est en phase de construction et doit siéger en Egypte.

La diplomatie préventive est un autre sujet de grand intérêt et nous allons également travailler en faveur de la tenue de manière périodique à Assouan d’un forum sur la paix et le développement durable.

— Parlons justement de la diplomatie préventive, où en est l’Egypte aujourd’hui dans sa crise avec l’Ethiopie autour du barrage de la Renaissance ?

— Tout ce que je peux dire en ce moment, c’est que le dialogue se poursuit. La question de l’eau est une question de vie pour l’Egypte, et l’eau finira par arriver, car la géographie dit que l’eau du Nil doit monter jusqu’à la Méditerranée.

— Dans un rapport publié le mois dernier, le centre américain de recherche sécuritaire et géopolitique Stratfor estime que le champ de lutte contre le terrorisme se déplacera du Moyen-Orient vers l’Afrique, qu’en pensez-vous ?

— Le déplacement des groupes djihadistes en Afrique n’est pas tout à fait nouveau. La crise en Libye est l’indice le plus évident de la présence de groupes étrangers. Et bien avant la Libye, le phénomène était présent dans la région du Sahel avec le groupe Al-Shebab. Mais ce que nous avons repéré récemment, c’est une sophistication de ces groupes. Il est clair qu’ils bénéficient d’un soutien de certains pays qui leur accordent tous les moyens. Malheureusement, c’est le destin de l’Afrique. Nous cherchons pourtant à renforcer notre travail commun au Sahara, au Sahel et dans les zones de troubles de manière générale. La coopération est le seul moyen, nous sommes tous dans le même bateau.

— Le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov, était cette semaine au Caire et une des questions sur son agenda était le sommet Russie-Afrique qui se tiendra pour la première fois cette année. Comment interprétez-vous cet intérêt soudain de Moscou pour l’Afrique ?

— La Russie est un acteur parmi d’autres qui accordent un intérêt à l’Afrique. Moscou est soucieux d’élever le niveau et la qualité de sa coopération avec l’UA. Sans aucun doute, l’Afrique est le continent de l’avenir. Des pays plus petits que la Russie cherchent à renforcer leur présence en Afrique et à y prendre pied pour la première fois.

— Selon des diplomates russes, le sommet se tiendra en octobre 2019 dans la ville russe de Sotchi. Pouvez-vous confirmer cette information ?

— Nous attendons la décision russe. Les discussions se poursuivent et des réunions préliminaires vont avoir lieu au cours des prochaines semaines. Dans tous les cas, plusieurs événements vont se tenir dans le cadre de ce format Russie-Afrique.

— Vous avez assisté aux réunions du Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP), pourquoi ce genre de mécanisme est-il important pour l’Egypte ?

— Les problèmes liés à la bonne gouvernance font partie du développement global dans n’importe quel pays pour achever des taux de développement élevés. Il est impossible d’accélérer le processus de développement durable et de parvenir à une répartition équitable des richesses sans des mesures en faveur de la bonne gouvernance. C’est une question essentielle pour l’Egypte et pour les pays en voie de développement en particulier. C’est aussi l’un des objectifs africains de l’agenda 2063 des Nations-Unies.

— Mais à quel point cet outil est-il efficace ?

C’est un outil efficace d’autant plus que l’Egypte mène une révision en matière de gouvernance dans les domaines où opère ce mécanisme panafricain. Le président de la République accorde un intérêt particulier à ce sujet et il a reçu en personne les experts en charge de l’évaluation égyptienne au sein du MAEP. Et c’était l’occasion pour lui de réitérer l’engagement du Caire en faveur de ce processus et l’élaboration de rapports par différents centres de recherches égyptiens.

— Une auto-évaluation peut-elle dévoiler les lacunes du système ?

— L’auto-évaluation est une invention africaine et dès le début, l’idée était de rester fidèle à ce système, exactement comme l’être humain qui procède à sa propre remise en question de façon continue, et l’on a élargi cette idée pour passer de l’individu à l’Etat. Cette auto-évaluation reflète la volonté réelle de l’Etat de trouver à la fois les points forts ou faibles pour déterminer la direction de l’avenir, car en fin de compte, ce sont des systèmes faits par des êtres humains.

— Pouvez-vous citer les principaux points où l’Egypte a procédé à cette autorévision ?

— Indépendamment de ce système, le gouvernement a commencé à réviser la nouvelle loi sur les investissements qui vient d’être achevée. La 3e stratégie de lutte contre la corruption fait partie de ce genre de révision. A ce moment, nous sommes également en train de réviser la Constitution, puisque c’est aussi une oeuvre humaine qui a été élaborée à un moment particulier.

— Dans votre discours, vous avez parlé d’un processus afro-africain « en dehors des ingérences étrangères », cette question semble-t-elle vous préoccuper ?

— Nous voulons réitérer le caractère africain de ce processus. Ce ne sont pas des idées qui nous sont imposées de l’étranger, mais elles reflètent la nature africaine elle-même. Il y a un sentiment aussi d’une réalisation africaine, avec toute cette idée de solidarité qui est derrière la fondation de l’UA. Des pays qui étaient soumis à une colonisation militaire et qui, après un mouvement de libération, cherchent aujourd’hui à se libérer économiquement, à rejoindre le train du développement et du modernisme mondial et à rallier les pays qui ont fait un saut dans ce sens.

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