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Ethiopie : Abiy Ahmad poursuit son projet de réforme envers et contre tout

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 22 octobre 2018

Les pressions sur le premier ministre éthiopien ne baissent pas. Des militaires ont tenté, selon lui, de « faire échouer » le processus de réformes en cours.

Ethiopie : Abiy Ahmad poursuit son projet de réforme envers et contre tout
Depuis sa nomination en avril, Abiy Ahmad a engagé des réformes majeures.

C’est la deuxième fois depuis sa nomination en avril dernier que le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmad, est sujet à un vrai danger. Après la tentative d’attentat du 23 juin, Abiy Ahmad a parlé cette semaine d’une tentative d’arrêter son projet de réformes. Jeudi 18 octobre, le nouveau premier ministre éthiopien a déclaré que des soldats d’élite avaient fait irruption dans son bureau le 11 octobre avec l’intention de « faire échouer » le processus de réformes en cours. Dans un premier temps, le gouvernement avait assuré que ces dizaines de soldats d’élite s’étaient rendus le 11 octobre au palais abritant les bureaux du premier ministre, à Addis- Abeba, pour réclamer une augmentation de leur solde. Mais jeudi 18 octobre, devant le parlement, Abiy Ahmad a donné une tout autre version de l’incident qui avait conduit les autorités à couper l’Internet pendant plusieurs heures.

« Ils étaient venus au palais national pour faire échouer les réformes dans le pays. Mais il est difficile de dire s’ils étaient tous venus avec cette idée en tête. Ils avaient été convaincus d’agir ainsi par des comploteurs », a déclaré le premier ministre, selon des propos rapportés par la chaîne Fana BC. « Si le gouvernement n’avait pas géré la situation avec précaution, cela aurait pu plonger le pays dans le chaos », a ajouté le premier ministre, âgé de 42 ans. Peu après l’irruption des soldats, une vidéo avait circulé sur les réseaux sociaux montrant M. Abiy affublé d’un béret rouge, faisant des pompes au milieu de soldats pour la plupart souriants. Selon Fana BC, M. Abiy s’était prêté à l’exercice pour faire tomber la tension au sein des militaires. Plus tard, les soldats avaient présenté leurs excuses, et « des officiers ainsi que des individus » qui les avaient encouragés avaient été arrêtés, avait rapporté Fana BC la semaine dernière, sans préciser leur nombre.

Volonté réformatrice

Abiy avait été investi à la suite de la démission, en février, de son prédécesseur, Hailemariam Desalegn, emporté par un vaste mouvement de manifestations antigouvernementales au sein notamment des deux principales communautés du pays, les Oromo et les Amhara. Depuis sa nomination en avril, Abiy a possédé une volonté réformatrice et a multiplié des réformes majeures, libérant des milliers de dissidents et de journalistes, faisant la paix avec son voisin érythréen et annonçant la privatisation partielle de grandes entreprises publiques. Ces réformes constituent un changement radical par rapport à la politique menée par la coalition au pouvoir depuis 1991 et dont Abiy est issu. Plusieurs hauts responsables politiques ont exprimé publiquement leurs réticences face aux nouvelles mesures.

Une nouvelle preuve de sa volonté réformatrice, Abiy a nommé, mardi 16 octobre, un nouveau gouvernement dans lequel, pour la première fois, la parité est strictement respectée et le portefeuille de la défense confié à une femme. L’Ethiopie n’est que le deuxième pays africain après le Rwanda à établir la parité au gouvernement, ce que très peu de pays dans le monde ont réussi à imposer. Les femmes ont occupé certains postes-clés de ce gouvernement réduit de 28 à 20 postes, dont celui nouvellement créé de ministre de la Paix, chargé de chapeauter la police fédérale et les services de renseignement.

Mais Abiy Ahmad pourra-t-il réussir à poursuivre son projet de reforme ? Selon Amani Al-Taweel, chef du département des études africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Abiy affronte de grands défis. En premier lieu, sa tentative d’écarter les élites appartenant à l’ethnie du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF, ancien socle de l’EPRDF) au pouvoir, et d’éliminer leur domination et leur hégémonie. « C’est un grand défi vu que l’armée et le parlement appartiennent en majorité au Tigré », explique Amani. « Le projet d’Abiy Ahmad est basé en premier lieu sur la fusion des ethnies sous le principe de la citoyenneté comme première étape, et par la suite restaurer la paix, une affaire qui n’est pas du tout facile ».

Peu après la nomination de Abiy, de violents combats entre les Oromo et la minorité ethnique des Gedeo dans le Sud avaient éclaté, et près d’un million de personnes ont été forcées de fuir leur foyer. Or, la multiplication des affrontements intercommunautaires dans la capitale et des régions plus reculées a terni l’action d’Abiy et fait craindre que le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique ne sombre dans la violence. Mais malgré tous ses défis et ses difficultés, Abiy tente de toutes ses forces de faire réussir son projet. « Il a une vision complète, il est soutenu régionalement et internationalement. Mais ce soutien ne peut pas le protéger complètement », conclut Amani Al-Taweel .

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