La candidature d'Alassane Ouattara, le président sortant, est très contestée.
(Photos : Reuters)
Après une période de stabilisation, la violence a regagné les rues ivoiriennes. Dénonçant la candidature d’Alassane Ouattara, le président sortant à l’élection présidentielle du 25 octobre, l’opposition a appelé à des manifestations massives, qui se sont transformées en affrontements sanglants.
Tout a commencé le jeudi 10 septembre, au lendemain de la publication de la liste des candidats pour l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Des troubles se sont poursuivis vendredi et samedi derniers dans les villes de Bonoua (sud) et Gagnoa (ouest). Des affrontements à coups de machette, d’armes blanches et de gourdins ont eu pour effet de faire au moins un mort et une dizaine de blessés. La population craint des représailles, fuit les lieux où se sont déroulés les affrontements et où plusieurs bâtiments ont été incendiés.
A Gagnoa (230 km d’Abidjan), la ville natale de l’ancien président, Laurent Gbagbo, les affrontements se sont déroulés entre manifestants majoritairement Bétés (ethnie principalement chrétienne en faveur de Gbagbo) et Dioulas (ethnie principalement musulmane dont est issu Ouattara). A Bonoua (60 km d’Abidjan), ville d’origine de Simone Gbagbo, l’épouse de l’ex-président qui purge une peine de 20 ans de prison, des heurts ont également eu lieu entre des jeunes Abourés (ethnie locale) et Dioulas. « C’est chaud ici ... Des (gaz) lacrymogènes ont pénétré dans la mosquée », a déploré l’imam de la ville, Issouf Ably. « Nous appelons au calme, il ne faut pas réveiller les vieux démons de la division ».
Par ailleurs, et avant même l’annonce officielle de la liste, les opposants les plus virulents au président Ouattara avaient déjà contesté sa candidature. Ils brandissent l’article 35 de la loi fondamentale, qui stipule qu’un candidat à la présidentielle « doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine ». Les « frondeurs » du FPI (Front Populaire Ivoirien) qui ont décidé de boycotter le scrutin, estiment que « M. Ouattara n’est pas éligible au regard de la Constitution ».
Nationalité mise en doute
La jeunesse de la Coalition Nationale pour le Changement (CNC), un groupement de personnalités politiques opposées au chef de l’Etat qui abrite également les frondeurs du FPI et qui avait aussi appelé à des marches sur toute l’étendue du territoire, voit que les conditions d’une élection apaisée ne sont pas réunies. « Nous marchons pour éviter une nouvelle crise postélectorale », a expliqué à l’AFP Samba David, un des leaders de la CNC.
En 2010, lors de l’élection de M. Ouattara, dont la nationalité a souvent été mise en doute par le passé, le Conseil constitutionnel n’avait pas eu à se prononcer. Laurent Gbagbo avait usé de l’article 48 de la Constitution, dans un contexte de crise politico-militaire, pour permettre à tous les candidats de se présenter. Grand absent de la prochaine présidentielle, Gbagbo attend dans une cellule de la Cour Pénale Internationale (CPI) l’ouverture de son procès le 10 novembre pour crimes contre l’humanité en raison de son rôle présumé dans la crise de fin 2010-début 2011.
Outre Ouattara, 9 candidats seront au premier tour du scrutin du 25 octobre, selon la liste définitive du Conseil constitutionnel ivoirien. Trois candidats sont les principaux adversaires de Ouattara : l’ancien premier ministre (2005-2007), Charles Konan Banny, Pascal Affi N’Guessan, candidat du FPI de l’ex-président Gbagbo, et l’ancien président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly. Ces derniers voudront pousser Alassane Ouattara à un second tour pour ensuite tenter de fédérer derrière eux.
Pourtant, et selon un bon nombre d’observateurs, le président sortant remportera une victoire dès le premier tour, ceci face à une opposition morcelée. Ouattara, 73 ans, qui peut se targuer d’un bon bilan économique, est le favori de ce scrutin crucial, pour la stabilisation de la Côte d’Ivoire. Une stabilisation établie après la crise postélectorale qui a suivi sa victoire en 2010, sur son prédécesseur Laurent Gbagbo. Plus de 3 000 Ivoiriens étaient morts en cinq mois de violence, causée par le refus de Gbagbo de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara, épilogue d’une décennie de crise politico-militaire en Côte d’Ivoire. En outre, l’annonce de la liste électorale devrait, de facto, donner le coup d’envoi de la campagne, même si celle-ci n’est censée commencer que le 9 octobre.
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