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La présidence à vie, un mal africain

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 20 juillet 2015

Les autorités congolaises tentent de reformer la Constitution afin de permettre au président de se représenter aux élections de 2016. Une procédure contestée par l’opposition qui risque de provoquer une autre crise africaine.

Congo
Photo: Reuters

Après le Rwanda, la RDC et le Burundi, c’est le tour du Congo-Brazzaville de vivre le même scénario : accomplir une réforme constitutionnelle permettant au président actuel de se représenter aux prochaines élec­tions présidentielles. A l’issue de cinq jours de discussions, le « dialogue national » sur l’ave­nir des institutions en République du Congo, voulu par le président Denis Sassou Nguesso, a ouvert la voie vendredi dernier à la tenue d’un référendum sur une nouvelle Constitution qui permettrait au chef de l’Etat de se représen­ter en 2016.

A moins d’un an de la prochaine présiden­tielle, à laquelle M. Sassou, 72 ans, ne peut en l’état être candidat, les quelques centaines de délégués ayant participé au « dialogue natio­nal » à Sibiti (250 km à l’ouest de Brazzaville) se sont prononcés pour une nouvelle Constitution sans limite d’âge maximal pour les candidats à la présidentielle, ni restriction du nombre de mandats autorisés à un chef de l’Etat. « Une forte majorité s’est dégagée en faveur d’un (changement de Constitution) qui concilierait les valeurs universelles de la démocratie et les réalités politiques, sociales et culturelles de notre pays », a indiqué le com­muniqué final du dialogue national.

Adoptée en 2002, la Constitution congolaise stipule que nul ne peut être candidat à la fonc­tion suprême s’il a plus de 70 ans et limite à deux le nombre de mandats que peut assurer le président du pays. Par ailleurs, la Constitution stipule que l’initiative de sa révision appartient concurremment au chef de l’Etat ou au parle­ment, mais que dans le cas où le président en est à l’origine, celle-ci doit être adoptée par référendum. A la tête du pays pour plus de trente ans, Denis Sassou Nguesso a dirigé le Congo à l’époque du parti unique, de 1979 jusqu’aux élections pluralistes de 1992, qu’il a perdues. Revenu au pouvoir en 1997 à l’issue d’une violente guerre civile, il a été élu prési­dent en 2002 et réélu en 2009.

Outre au Congo, ce scénario se pose ou s’est posé en République démocratique du Congo voisine, au Rwanda, où le parlement vient de donner son feu vert à une révision constitution­nelle qui permettrait au président, Paul Kagame, de se représenter en 2017. Censé quitter le pouvoir fin 2016, le président de la RDC, Joseph Kabila, réfléchit lui aussi à l’op­portunité qu’il y aurait à convoquer un « dialo­gue national » en vue d’élections apaisées. Dernièrement, le Burundi est en proie à la vio­lence depuis que le président sortant, Pierre Nkurunziza, a décidé de concourir à la prési­dentielle, reportée au 21 juillet, malgré une vaste contestation de la part de l’opposition.

Participer au dialogue

Au Congo, l’opposition a dénoncé cette ten­tative et la trouve comme un « coup d’Etat constitutionnel ». « Ce qui vient de se pas­ser [...], c’est la concrétisation du coup d’Etat constitutionnel décidé par le président Sassou Nguesso », a déclaré à l’AFP Clément Miérassa, dirigeant d’un parti politique membre du Front Républicain pour le respect de l’Ordre Constitutionnel et l’Alternance Démocratique (Frocad), au nom de cette coali­tion d’opposition. Représentant d’une « oppo­sition républicaine » ayant fait le choix de participer au dialogue, Anguios Nganguia Engambé, candidat malheureux à la présiden­tielle de 2009, a déclaré pour sa part qu’il ne s’était « dégagé aucun consensus ». « J’ai rejeté le rapport sur la réforme des institu­tions. Je n’étais pas seul à le faire », a-t-il ajouté. « OEuvrer par des voies pacifiques et démocratiques pour arrêter ce coup d’Etat » est la responsabilité de l’opposition, selon Miérassa, président du Parti Social Démocrate Congolais (PSDC). « Nous sommes préoccu­pés parce que le président Sassou Nguesso a choisi de mettre le pays dans une situation de chaos. C’est une situation inacceptable », a-t-il conclu.

La France, ancienne puissance coloniale du Congo, où le groupe pétrolier français Total est fortement implanté, avait affirmé le 7 juillet « son attachement à la préservation et à la consolidation des institutions » en Afrique, par la voix du président François Hollande, à l’is­sue d’une rencontre avec Sassou à l’Elysée.

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