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Arabie saoudite : guerre des nerfs

Mardi, 10 février 2015

Particulièrement inquiète des événements au Yémen, l'Arabie saoudite craint de plus en plus une extension de l'hégémonie iranienne dans la région.

Premier à réagir, le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) a dénoncé samedi ce qu’il a considéré comme un « coup d’Etat » des Houthis, qui « marque une grave escalade, inacceptable et irrecevable, (....) comme il expose au danger la sécurité, la stabilité, la souveraineté et l’intégrité territoriale du Yémen », selon les termes du communiqué du CCG. En effet, les pays du Golfe, avec à leur tête l’Arabie saoudite (laquelle partage une longue frontière avec le Yémen), sont particu­lièrement préoccupés par la situation au Yémen, et inquiets de l’arrivée au pouvoir des miliciens chiites.

Dans une région marquée par l’antagonisme sunnite/chiite, incarné par la lutte de pouvoir et la rivalité Arabie saoudite/Iran, l’enjeu est en effet de taille. Sans donner de précision, les six monarchies du CCG (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar) ont prévenu qu’elles « prendront toutes les mesures nécessaires pour défendre leurs intérêts ». Le communiqué appelle également le Conseil de sécurité de l’Onu à agir rapidement pour faire appliquer ses résolutions sur le Yémen et « mettre fin à ce coup d’Etat qui place le Yémen et son peuple dans une période sombre ».

Avant même la dissolution du Parlement par les Houthis et la mise en place d’un Conseil présidentiel en guise d’exécutif, vendredi der­nier, la guerre des déclarations faisaient rage dans la presse du Golfe. Le journal émirati Gulfnews écrivait ainsi: « Les pays du Golfe ne peuvent pas rester bras ballants alors qu’un groupe allié à l’Iran roule des mécaniques au Yémen. Nous considérons le Yémen comme un partenaire stratégique et devons agir pour y rétablir la souveraineté, préserver l’intégrité territoriale et restaurer la stabilité », alors que le quotidien saoudien Al-Riyad tirait la son­nette d’alarme: « Le Yémen va être livré à lui-même. La somalisation est le scénario le plus probable ». Côté iranien, on joue plutôt la provocation. La presse se félicite de cette « victoire chiite », et un député iranien a carré­ment déclaré que Téhéran régnait désormais sur quatre capitales arabes, à savoir Beyrouth, Bagdad, Damas et Sanaa.

Ainsi, entre les craintes d’éclatement du Yémen et celles d’une guerre par procuration entre l’Arabie saoudite et l’Iran, ces événe­ments alimentent l’impression des sunnites du Golfe d’être encerclés. Ils posent surtout la question de savoir comment il faut désormais se positionner vis-à-vis du Yémen. Les Saoudiens sont aujourd’hui conscients que personne n’a réussi à éradiquer les houthistes, même quand ils n’étaient qu’une poignée de combattants à Saada, dans le nord du Yémen. Ils n’ont pas oublié que leur ambitieuse cam­pagne militaire contre les Houthis s’était sol­dée par un échec en 2009.

Pour l’instant, les Saoudiens eux-mêmes ne semblent pas savoir quelle attitude adopter. Fin 2014, la presse saoudienne avait fait état du déploiement d’un grand nombre de militaires à la frontière poreuse avec le Yémen. Certains journaux saoudiens avaient même annoncé que l’objectif d’un tel nombre très élevé sur les fron­tières sud était de participer à une éventuelle guerre. Mais c’était plutôt une guerre des nerfs que Riyad menait. Car pour l’Arabie saoudite, le mieux était que le jeu politique reste ouvert et que Riyad puisse toujours trouver au Yémen des alliés qui aient besoin de son soutien, voire de sa protection dans la recherche d’un équilibre avec les Houthis.

Mais aujourd’hui, la donne a changé. L’Arabie saoudite a un nouveau roi, et les Houthis ont élargi leur emprise sur le pays. De quoi laisser la porte ouverte à tous les scéna­rios au Yémen, un baril de poudre prêt à explo­ser à tout instant .

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