Le Royaume fait face à des défis régionaux sans précédent, consécutifs aux crises aigües qu’ont connues des pays voisins. Ceux-ci ont été précipités dans les sables mouvants des guerres civiles et des conflits confessionnels », lançait le prince héritier Salmane bin Abdel-Aziz, le 6 janvier dernier lors de l’inauguration de la sixième session du Conseil de la Choura, au nom du roi Abdallah, hospitalisé à Riyad. Cette déclaration est intervenue le lendemain d’un attentat suicide commis par des combattants de Daech contre un poste-frontalier dans la région d’Arar, à la frontière saoudienne avec l’Iraq, causant la mort de trois gardes saoudiens, dont un haut gradé.
Depuis ce jour le Royaume a renforcé ses mesures sécuritaires le long de sa frontière avec l’Iraq (800 km) et placé des milliers de forces saoudiennes en état d’alerte maximal. Pour Sameh Rached, spécialiste des affaires régionales à Al-Ahram, les forces sécuritaires saoudiennes sont désormais dispersées entre le nord et le sud du Royaume. Si cette tentative d’infiltration de Daech à travers le nord du Royaume inquiète, la crainte d’une percée des Houthis, un puissant groupe armé soutenu par l’Iran, à travers le Yémen plane toujours. « Le Royaume fait face à des défis sécuritaires croissants, jamais connus dans son histoire, qui en cas d’instabilité politique lors de la passation du pouvoir pourraient éclater de tous bords », dit Rached.
Daech : La grande menace
« Allumer les volcans du djihad en Arabie saoudite », un message que le chef autoproclamé de l’Etat islamique, Abou-Bakr Al-Baghdadi, a adressé à ses sympathisants dans les enregistrements, qui se sont multipliés depuis l’adhésion de l’Arabie saoudite à la coalition internationale, conduite par les Etats-Unis, en septembre dernier. Riyad qui a contribué à l’essor de Daech, en finançant sans limite tous les groupes d’opposition syriens pour faire tomber le régime de Bachar, est aujourd’hui dans le viseur de ce groupe.
Selon Mohamad Ezz Al-Arab, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, outre l’expansion de ce groupe qui menace le Royaume de l’extérieur, Riyad affronte d’autres défis sur le plan intérieur à deux niveaux. Le premier est la crainte d’un retour des djihadistes saoudiens qui combattaient dans les rangs de l’EI en Syrie et en Iraq, vers leur pays natal, en conservant des « liens organisationnels » avec leurs dirigeants à l’étranger. Le deuxième risque interne, ajoute le chercheur, est ce qu’il appelle « les dawaechs saoudiens », répandus notamment parmi les jeunes Saoudiens sympathisants du discours de Daech, qui pourrait former des innombrables « cellules dormantes » de l’EI et passer à l’action à n’importe quel instant. Ezz Al-Arab va plus loin en craignant « une alliance djihadiste » entre les deux ennemis Al-Qaëda et Daech pour déstabiliser le Royaume.
Les autorités saoudiennes ont ainsi multiplié récemment les arrestations pour accusation de suivre des « pensées déviantes ». Le mufti saoudien a également proclamé des fatwas contre Daech le qualifiant de « l’ennemi numéro 1 de l’islam ». Pour Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamistes, la lutte idéologique contre la menace de Daech serait difficile puisqu’il y a une similitude entre l’idéologie des Al Saoud et de Daech qui prônent tous deux la pensée wahhabite. « Ainsi les autorités saoudiennes pourraient trouver des difficultés à différencier entre ceux affilés à Daech et ceux adoptant la doctrine wahhabite d’origine ».
L’expansion des Houthis au Yémen présente, selon Ezz Al-Arab, un « danger stratégique », à cause de ses liens avec l’Iran et « par crainte qu’il s’impose au Yémen comme le Hezbollah au Liban ». Des centaines de forces saoudiennes sont mobilisées, sur les frontières communes avec le Yémen, munies d’une grande quantité d’équipements militaires. Pour Rached, Riyad a des mauvais souvenirs concernant ce groupe, marginalisé pour de longues périodes par le régime déchu de Ali Abdallah Saleh, dans le nord-ouest du Yémen. Il rappelle qu’en 2010, Riyad se trouvait face à face avec des combattants houthis, qui se sont infiltrés dans les territoires saoudiens. Ce « risque inhérent » est devenu aujourd’hui « évident », croit Ezz Al-Arab, après l’expansion des Houthis dans les territoires yéménites, et qui pourrait aussi élargir leur zone d’influence dans le futur Etat fédéral qui doit compter six provinces.
Sur le plan intérieur, les défis sécuritaires ne manquent pas, dans les « zones chaudes ». La friction parmi la minorité chiite saoudienne se fait toujours entendre à l’est d’Arabie dans la province pétrolière d’Alqatif. « Celle-ci se dit discriminée et dépourvue de ses droits puisqu’elle ne peut pas accéder aux moindres postes-clés dans l’institution politique du Royaume. Les manifestations antigouvernementales sont récurrentes dans cette région », dit Rached, qui prévoit que « cette contestation pourrait s’étendre pour gagner d’autres tranches de la société saoudienne, à cause des contraintes budgétaires dont souffre aujourd’hui le Royaume et qui pourraient affaiblir la cohérence sociale ».
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