En raison de l’impuissance et l’incapacité de l’Etat, les rebelles chiites avancent d’un pas rapide. Ils sont sur le point d’étendre leur emprise territoriale pour contrôler le Yémen. Soutenu par l’Iran, aucun camp n’arrive à freiner leur avance et ils poursuivent leurs combats en se heurtant à la résistance armée sunnite d’Al-Qaëda et de tribus locales.
La rébellion chiite, dont le bastion se trouve à Saada dans le nord du pays, a profité de l’instabilité chronique du Yémen depuis le soulèvement de 2011, contre l’ancien homme fort Ali Abdallah Saleh, pour aller prendre, le 21 septembre, la capitale Sanaa et plusieurs établissements gouvernementaux.
Essayant d’entraver leur progression, l’Onu a exercé une forte pression sur tous les partis, en conflit, pour signer un accord de paix prévoyant le retrait des rebelles de Sanaa, leur désarmement et la relance du processus de transition politique. Cet accord avait permis de mettre fin aux violences entre les rebelles chiites et leurs adversaires du parti islamiste sunnite, Al-Islah, qui était soutenu par une partie de l’armée. Or, depuis cet accord, les rebelles chiites ont, notamment, saisi de grosses quantités d’armes appartenant à l’armée et ont lancé des patrouilles armées dans la ville. Ceux-ci tentent d’étendre leur influence vers l’est, où se trouvent les principaux gisements pétroliers du pays, et le sud-ouest, vers le détroit stratégique de Bab Al-Mandeb, qui contrôle l’entrée sud de la mer Rouge. La semaine dernière, ils se sont emparés du port stratégique de Hodeida sur la mer Rouge. Mais loin d’avoir levé leurs positions et évacué les bâtiments publics qu’ils occupaient, les Houthis ont au contraire étendu leur contrôle sur l’appareil d’Etat. Leur emprise sur la capitale paraît désormais totale. Ministères, casernes militaires, Banque Centrale, l’aéroport international, sièges de la télévision et de la radio. Des groupes en armes ont, brièvement, occupé plusieurs résidences de personnalités islamistes très actives lors du Printemps arabe de 2011. Dans une déclaration télévisée, Abd Al-Malik Al-Houthi, aprèsavoir qualifié la prise de Sanaa de « révolution victorieuse pour tous les citoyens », a assuré que ses combattants ne se retireraient pas de la capitale, « afin d’empêcher toute tentative de coup d’Etat contre le nouveau paysage politique. Certains pays s’opposent à notre révolution », a poursuivi le chef du groupe rebelle. Et d’ajouter: « Mais l’armée yéménite a fait la preuve de son allégeance au pays et au peuple en rejoignant et en soutenant la révolution houthie ». Depuis plusieurs mois, les rebelles dénoncent la « corruption » du gouvernement d’union nationale et son incompétence à redresser la situation économique du pays.
Fidèles à Ahmad Ali
Malgré les réformes de l’appareil sécuritaire et militaire, plusieurs unités sont, notoirement, restées fidèles à Ahmad Ali, longtemps désigné comme l’héritier naturel d’Ali Abdallah Saleh. Pour apaiser les rebelles, le président Abd Rabbo Hadi, fragilisé depuis plusieurs mois, avait déjà fait une tentative de nommer un premier ministre le 7 octobre. Mais les rebelles chiites avaient rejeté la nomination d’Ahmed Awad Ibn Mubarak, le contraignant à la démission, 24 heures plus tard, en arguant que cette désignation reflétait les vues des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite.
Répondant à leur revendication, le président Hadi a nommé un nouveau premier ministre, en début de semaine, mais il ne semble plus avoir aucune prise sur les événements. Le nouveau premier ministre, qui est un ancien ministre du Pétrole, a été désigné pour sortir ce pays d’une crise, sans précédent, qui le paralyse. La nomination de Khaled Bahah, personnalité perçue comme neutre et qui occupait jusqu’ici le poste d’ambassadeur du Yémen à l’Onu, semble avoir obtenu l’assentiment des chiites. « Nous avons approuvé la nomination de Khaled Bahah qui s’est fait par consensus entre les participants à la réunion présidée par M. Hadi », a déclaré, à l’AFP, Ali Al-Imad, membre du bureau politique de la formation des rebelles.
Cette influence croissante des Houthis est rejetée par une partie des forces en conflit au Yémen, en particulier le réseau extrémiste sunnite Al-Qaëda, actif dans le sud et le sud-est du pays. Al-Qaëda a promis de vaincre les Houthis et a juré de leur livrer une guerre sans merci. Profitant de ce chaos, les séparatistes du sud ont annoncé leur intention de relancer leur mouvement, dans l’espoir de rétablir l’Etat indépendant du Sud-Yémen qui existait avant 1990 .
Lien court: