Absence d'un pouvoir puissant, d'une armée régulière, d'une police forte, la Libye vit dans un chaos sans précédent. En dépit de l'existence du Parlement, l'Assemblée libyenne, appelée Conseil Général National (CGN), dominée par les islamistes, a décidé de reprendre le pouvoir et de poursuivre ses activités.
« Le Conseil général national va se réunir en urgence à Tripoli pour sauvegarder la souveraineté du pays », a déclaré le porte-parole Omar Ahmidane. Une déclaration qui a étonné les Libyens qui observent depuis quelque 3 ans un vide politique. Mais cette annonce intervient après que les islamistes du groupe de Fajr Libya eurent retiré leur confiance au Parlement et au gouvernement leur reprochant un « acte de trahison » pour avoir appelé à une intervention étrangère en Libye. Ils ont demandé dans ce contexte, au Conseil général national, de reprendre ses activités pour « défendre la souveraineté » du pays.
Justifiant cette décision du CNG, le porte-parole a expliqué que le Parlement élu n’a pas respecté la Constitution provisoire. Pour des raisons de sécurité, il a choisi de siéger, comme le gouvernement provisoire, à Tripoli. « Le Conseil général national a décidé de reprendre ses activités en réponse à l’appel du peuple pour éviter au pays un vide politique », a affirmé le porte-parole. Mais ce n’est qu’un prétexte pour reprendre le pouvoir et dominer le pays. Le Parlement, élu le 25 juin et où les islamistes n’ont pas la majorité, n’a jamais été réellement accepté par les islamistes. Son récent appel à une intervention étrangère pour protéger les civils a donné l’occasion aux islamistes de descendre dans la rue pour lui contester toute légitimité.
Refusant cette décision du CGN, le Parlement libyen a qualifié de terroristes les islamistes et les djihadistes qui contestent sa légitimité et affirmé son intention de les combattre en soutenant les forces armées régulières. « Les groupes qui agissent sous les noms de Fajr Libya et d’Ansar Al-Charia sont des groupes terroristes et hors-la-loi qui se dressent contre le pouvoir légitime », a affirmé dans un communiqué le Parlement. Ce dernier s’est dit déterminé à venir à bout de ces deux groupes. Fajr Libya est une coalition de milices islamistes venant essentiellement de Misrata, à l’est de Tripoli.
Ansar Al-Charia, classé comme terroriste par les Etats-Unis, prône le djihad et contrôle quelque 80% de la ville de Benghazi. « Ces deux groupes sont une cible légitime pour l’armée nationale, que nous soutenons avec force pour qu’elle continue sa guerre jusqu’à les contraindre à cesser les tueries et à remettre leurs armes », a ajouté le Parlement.
Pas d’armée forte
Ainsi, la bataille pour dominer le pays a révélé la profondeur des divisions entre les autorités se prévalant d’une légitimité électorale, et les islamistes affirmant vouloir défendre les « acquis de la révolution ». Et les appels du Parlement, depuis le 25 juin, à démanteler les milices armées sont restés sans réponse dans le pays où règnent différentes milices qui puisent leurs armes dans l’arsenal gigantesque laissé par le pouvoir de Muammar Kadhafi. Aucune date n’a été donnée sur la réunion à Tripoli du CGN qui, s’il se réorganise, ferait de la Libye un pays avec deux assemblées se disputant le pouvoir législatif.
Les islamistes entendent capitaliser sur leurs succès militaires en revenant sur la scène politique après leur revers électoral du 25 juin. Succès revendiqué mais, jusqu’à maintenant, non confirmé: leur reprise de l’aéroport de Tripoli. La bataille pour cette installation a donné lieu à 10 jours d’intenses combats entre les islamistes, venus essentiellement de Misrata, et ceux de Zenten, les plus violents dans la ville depuis la chute de Kadhafi en 2011. Mais en face, le Parlement et le gouvernement semblent plus que jamais déterminés à les éradiquer en formant l’armée légitime qui manque toujours à la Libye de l’après-Kadhafi.
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