Malgré la signature de l'accord plusieurs dossiers épineux restent en suspens.
(Photo:Reuters)
L’annonce a été faite cette semaine. Un gouvernement palestinien d’union nationale sera formé d’ici 5 semaines. Ceci en vertu d’un accord conclu entre une délégation de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et le mouvement Hamas, au pouvoir à Gaza. L’accord en question stipule l’application des anciens accords signés au Caire et à Doha respectivement en 2011 et 2012. L’accord de cette semaine prévoit outre la formation d’un gouvernement d’union nationale présidé par le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, la tenue des élections législatives et présidentielle d’ici 6 mois et enfin la réorganisation de l’OLP. « Les accords signés auparavant par les deux mouvements palestiniens étaient aussi basés sur ces 3 points, mais ces accords sont restés lettre morte. Cette fois, il y a une lueur d’espoir que ces accords soient appliqués selon une formule approuvée par les deux camps », explique Dr Mohamad Gomaa, spécialiste du dossier palestinien au Centre des études arabes au Caire. Il explique que la situation a changé pour le mouvement Hamas. Ce dernier avait l’espoir de gouverner seul et d’éloigner le Fatah du pouvoir après les révolutions dans les pays arabes et surtout avec la montée en puissance des Frères musulmans en Egypte et en Tunisie. « Le Hamas pensait que l’accession des Frères à la présidence en Egypte allait lui donner un grand soutien et que les Palestiniens le choisiront pour gouverner l’ensemble des territoires palestiniennes et qu’il sera ainsi le seul représentant légitime du peuple palestinien. En plus, les Frères musulmans ont donné des aides et des facilités au Hamas. Les dirigeants du Hamas ont même visité l’Egypte au début de la présidence de Morsi pour montrer que leur voisin égyptien les soutient. Bien sûr, il y a eu des accords secrets signés entre les deux parties qui ont donné une certaine puissance au Hamas. Mais la chute du régime de Morsi a détruit tous les espoirs du mouvement palestinien qui n’a trouvé d’autres solutions que de coexister avec son rival », analyse Dr Gomaa. Avis partagé par plusieurs analystes. Ayman Abdel-Wahed, analyste au CEPS d’Al-Ahram, pense que le Hamas a perdu son pari avec la chute du régime des Frères et leur échec tant en Egypte qu’en Tunisie, ou en Libye et même en Syrie. Le Hamas n’avait donc d’autres choix que de se réconcilier avec son rival le Fatah.
Quant au Fatah, il pense que l’union des Palestiniens est la meilleure solution pour contrôler l’ensemble des territoires palestiniens, et faire pression sur l’Etat hébreu. « Les deux mouvements savent bien que leur unification permettra aux organisations et aux pays arabes de les soutenir politiquement et économiquement », explique Ayman Abdel-Wahed. En effet, la réconciliation entre les Palestiniens va donner un certain pouvoir aux autorités palestiniennes devant les organisations internationales et la communauté internationale, surtout les Etats-Unis qui veulent à tout prix relancer la processus de paix. « Pour l’intérêt du peuple palestinien, il est nécessaire de préserver l’unité de la terre et du peuple palestiniens. Cela contribuera à renforcer l’établissement d’un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale », a affirmé le président palestinien. Et d’ajouter que « cette démarche, soutenue sur le plan arabe et international, renforcera la capacité des négociateurs palestiniens à réaliser la solution à deux Etats ».
L’accord de cette semaine va-t-il finir comme les précédents ? Selon les analystes, il faudra quelque temps pour le savoir. « Il y a plusieurs dossiers épineux en suspens qui exigent de longues négociations et des concessions. Par exemple, le dossier sécuritaire est compliqué : le Hamas ne cédera jamais la sécurité à Gaza sans participer à la sécurité de l’Autorité palestinienne. Une question que rejettent Israël ainsi que la communauté internationale », explique Mohamad Gomaa.
L’autre question importante est l’impact de cet accord sur la paix. Afin de rassurer la communauté internationale sur sa volonté de paix avec Israël, le président Abbas a promis dimanche devant les membres du Conseil Central Palestinien (CCP), une instance dirigeante de l’OLP, réunis à Ramallah en Cisjordanie en présence d’une délégation du Hamas, que le futur gouvernement d’union nationale palestinien, composé de personnalités indépendantes et technocrates, rejettera la violence et reconnaîtra l’Etat d’Israël et les accords passés avec ce pays. Il référait ainsi aux exigences du Quartette pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Russie, Union européenne et Onu) pour ouvrir le dialogue avec le Hamas : la reconnaissance d’Israël et des accords signés avec lui, et la renonciation à la lutte armée. Avant cette rencontre, le premier ministre palestinien, Rami Hamdallah, avait présenté sa démission, ouvrant ainsi la voie à la formation du nouveau gouvernement. Le premier ministre, dont le rôle se limite aux affaires intérieures, avait déjà remis sa démission, l’an dernier, en pleine controverse sur l’étendue de ses pouvoirs, avant de se raviser.
Les négociations de paix suspendues
Une fois l’accord entre le Fatah et le Hamas annoncé, Israël a suspendu les négociations de paix qui étaient déjà dans l’impasse. L’accord a provoqué la fureur de Tel-Aviv qui considère le Hamas comme une « organisation terroriste ». Le Hamas rejette les négociations de paix menées par l’Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas avec Israël et prône la résistance armée contre ce pays.
Israël estime, lui, qu’en entérinant l’accord de réconciliation avec le mouvement islamiste au pouvoir à Gaza, Abbas a donné « le coup de grâce » au processus de paix. Ainsi, le gouvernement de Benyamin Netanyahu a décidé non seulement de suspendre les pourparlers de paix avec l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas mais aussi de prendre de nouvelles sanctions contre cette instance. Netanyahu, dans une interview à la BBC, a donné le ton en affirmant que Abbas « peut avoir soit la paix avec Israël soit un pacte avec le Hamas (mais) il ne peut pas avoir les deux ». Et d’ajouter : « Tant que je suis premier ministre d’Israël, je ne négocierai jamais avec un gouvernement palestinien appuyé par les terroristes du Hamas qui appellent à notre liquidation ».
En première réaction à ces déclarations, Abbas a souligné que les négociations avec Israël et la réconciliation palestinienne n’étaient pas incompatibles, affirmant l’engagement des Palestiniens en faveur de la paix sur la base du droit international.
En plus, Abbas a souligné que, comme depuis le début du processus de paix, il y a plus de 20 ans, les négociations avec Israël seraient menées non pas par le nouveau gouvernement, mais par l’OLP qui représente l’ensemble du peuple palestinien. A ce sujet, il a réaffirmé son opposition à l’exigence par Netanyahu d’une reconnaissance d’Israël par les Palestiniens comme « Etat du peuple juif », rappelant qu’ils reconnaissaient déjà l’Etat d’Israël depuis 1993. « Le (nouveau) gouvernement, lui, sera en charge de ce qui se passe à l’intérieur des territoires palestiniens », a expliqué Abbas. L’OLP est reconnue internationalement comme l’unique représentant du peuple palestinien et, à ce titre, est seule habilitée à négocier en son nom. Ainsi, Israéliens et Palestiniens sont revenus à la case départ. Cet échec du processus de paix relancé en juillet 2013 sous l’égide de Washington, après 3 ans de suspension, était attendu en l’absence de tout progrès avant l’échéance du 29 avril, et ce, malgré le forcing du secrétaire d’Etat John Kerry.
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