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Processus de paix  : des réunions, sans plus

Maha Salem avec agences, Mardi, 22 avril 2014

Les négociations de paix entre Palestiniens et Israéliens sont au point mort. Et la médiation américaine fait aussi preuve d’impuissance malgré la visite d’un émissaire.

Palestiniens et Israéliens

Essayant de relancer la roue des négociations de paix, l’émissaire américain Martin Indyk a rencontré séparément les négociateurs palestiniens et israéliens, après une réunion tripartite qui était révélée très difficile. Seul résultat: Une nouvelle réunion tripartite aura lieu dans quelques jours. Israéliens et Palestiniens multiplient les gestes d’hostilité depuis qu’Israël a refusé de libérer comme prévu le 29 mars un dernier contingent de prisonniers en réclamant une prolongation des négociations de paix au-delà de l’échéance prévue du 29 avril. Selon la porte-parole du département d’Etat américain, Jen Psaki, les deux parties travaillent à un accord qui leur permettrait de prolonger les négociations au-delà de cette date butoir. Pour confirmer cette demande, le président palestinien, Mahmoud Abbas, s’est dit disposé à prolonger les pourparlers jusqu’à la fin de l’année, comme le réclament Israël et la diplomatie américaine. Mais il a exigé pour cela que le gouvernement israélien relâche, comme il s’y était engagé, le dernier groupe de détenus, qu’il gèle la colonisation et qu’il accepte de consacrer les trois premiers mois des nouvelles négociations à une discussion sérieuse sur les frontières. Les Palestiniens veulent un Etat sur les lignes d’avant l’occupation israélienne de la bande de Gaza et de la Cisjordanie conquises durant la guerre des Six jours en juin 1967. Mais au lieu d’accepter les exigences palestiniennes, le gouvernement israélien insiste sur son refus de libérer comme prévu les prisonniers palestiniens.

Escalade

Réagissant à cette insistance, le président Abbas a signé le 1er avril les demandes d’adhésion de la Palestine à 15 conventions et traités internationaux. En première réaction à ces demandes et pour mettre à exécution sa menace de répondre par des « mesures unilatérales à toutes les mesures unilatérales » des Palestiniens, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a ordonné le gel du transfert des taxes collectées par Israël pour le compte de l’Autorité palestinienne. Les taxes concernées, dont le montant s’élève en moyenne à 80 millions d’euros par mois, représentent plus des deux tiers des recettes budgétaires propres de l’Autorité palestinienne et servent, notamment, à payer les salaires de ses quelque 150000 fonctionnaires. Israël a précisé que le produit de ces taxes servira à rembourser une partie de la dette palestinienne, en particulier à la Compagnie israélienne d’électricité. Et pour renforcer ses pressions, Israël a suspendu sa participation à un projet de développement d’un champ gazier palestinien au large de la bande de Gaza, et va plafonner les dépôts bancaires palestiniens dans ses établissements financiers. « Nous étions très près d’un accord concluant avec les Palestiniens, un accord complexe qui était déjà examiné par le gouvernement, mais à la dernière minute, les Palestiniens ont rompu leurs promesses et ont déposé leur candidature à 15 traités internationaux », a justifié dimanche le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman. Défendant son gouvernement, un dirigeant du mouvement nationaliste Fatah du président palestinien, Nabil Chaath, a déclaré lundi dernier dans un communiqué que les Palestiniens avaient plusieurs options, ajoutant que les sanctions israéliennes n’empêcheront pas la poursuite des démarches palestiniennes pour rejoindre tous les traités et organisations internationales. partageant le même avis, un haut responsable palestinien, Yasser Abd Rabbo, a condamné les mesures de rétorsion israéliennes: « Ces sanctions ne nous font pas peur. Elles montrent à la communauté internationale qu’Israël est un Etat d’occupation, raciste, qui recourt à l’arme de la punition collective, en plus d’autres pratiques comme l’expansion des colonies de peuplement et le refus de nos droits les plus fondamentaux ».

A cet égard, Washington a exprimé ses craintes si les sanctions israéliennes étaient confirmées. « Nous avons lu les articles de presse, mais n’avons entendu aucune annonce officielle du gouvernement israélien. Cela dit, de tels développements seraient malheureux. Nous pensons que le transfert régulier des taxes de l’Autorité palestinienne et la coopération économique entre Israël et l’Autorité palestinienne sont bénéfiques et importantes pour le bien-être de l’économie palestinienne », a déclaré Psaki. L’escalade politique et verbale entre Israéliens et Palestiniens, mais aussi entre Israéliens et Américains, réduit chaque jour davantage les chances de relancer le processus de paix entre les Palestiniens et les Israéliens. Cette arme économique a été utilisée à plusieurs reprises dans le passé, notamment en novembre 2012, lorsque la Palestine est devenue Etat observateur non membre des Nations-Unies, et en octobre 2011, lorsqu’elle a été admise à l’Unesco. En complément de ces mesures fiscales, les autorités israéliennes ont annoncé un plafonnement des dépôts palestiniens dans les banques israéliennes et une suspension de leur participation dans le projet de prospection gazière au large de Gaza, lequel, de toute façon, est en panne.

Depuis leur relance le 29 juillet 2013 sous l’égide du secrétaire d’Etat américain John Kerry, les pourparlers de paix piétinent sur l’ensemble des questions au coeur du conflit: les frontières, les colonies, la sécurité, le statut de Jérusalem et les réfugiés palestiniens. Pour nombre de commentateurs, M. Kerry a d’ores et déjà échoué dans ses efforts acharnés pour faire avancer, au milieu du scepticisme général, le processus de paix.

Le blocage menace l’Autorité elle-même

Outre les problemes avec les Israéliens, l’Autorité palestinienne est menacée par une crise interne. Les négociateurs palestiniens ont fait savoir au médiateur américain Martin Indyk que les Palestiniens pourraient décider de démanteler l’Autorité dirigée par le président Mahmoud Abbas afin de faire porter à Israël la responsabilité de la gestion de leur territoire en tant que puissance occupante, a précisé ce responsable. Les Palestiniens ont déjà évoqué la possibilité de dissoudre l’Autorité, créée à la suite des Accords d’Oslo (1993) pour administrer les zones autonomes des Territoires, mais c’est la première fois que la menace est brandie depuis la reprise des pourparlers de paix israélo-palestiniens sous l’égide du secrétaire d’Etat américain John Kerry en juillet dernier. Ces négociations sont complètement bloquées et l’initiative de M. Kerry apparaît de plus en plus compromise. « Les Palestiniens ont informé Indyk que si l’intransigeance israélienne continuait, ils auraient plusieurs options », a expliqué à l’AFP le responsable palestinien sous couvert de l’anonymat, en faisant référence à la dernière rencontre entre l’envoyé spécial américain et les négociateurs palestiniens vendredi.« D’abord, il y a l’option de rendre les clés de l’Autorité aux Nations-Unies afin qu’elles prennent en charge le peuple palestinien et l’Etat de Palestine, qui est sous occupation, ou bien qu’Israël assume à nouveau l’entière responsabilité de son occupation », a-t-il souligné.L’Autorité du président Abbas, soutenue par la communauté internationale, est confrontée en permanence à d’importantes difficultés financières et dépend, pour survivre, de l’aide étrangère. « Si les Palestiniens concrétisent leur menace, les résultats seront désastreux. L’Autorité sera démantelée et tout son appareil sécuritaire dispersé. Ce qui obligera Israël à remplir le vide à un coût financier considérable », s’est inquiété l’influent éditorialiste israélien Nahum Barnéa. « L’armée (israélienne) devra trouver un moyen de prendre la place de l’Autorité: établir une force de police, s’occuper de l’éducation, des services de santé, de l’eau, des égouts», a souligné le commentateur. Une importante réunion du Conseil central de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) est prévue la semaine prochaine à Ramallah afin de débattre de l’avenir du processus de paix et des diverses options sur la table en cas d’échec de l’initiative de Kerry.

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