Dans le sud du Liban, plusieurs journalistes couvrant la guerre s'étaient repliés vers une petite ville hors des bastions du Hezbollah pour passer la nuit. Vendredi, une frappe israélienne a tué dans leur sommeil trois de leurs collègues.
Peu avant l'aube à Hasbaya, vers 03H30 (00H30 GMT), ces reporters de chaînes libanaises et arabes se sont levés dans la panique, leur hébergement envahi par des flammes, une épaisse fumée et des cris.
"J'ai été réveillée par le sifflement du missile" raconte à l'AFP Darine el-Helwe, grand reporter de la télévision émiratie Sky News Arabia.
Tué par le bombardement, le caméraman Ghassan Najjar et son technicien Mohammed Reda, employés par la chaîne d'information Al-Mayadeen, basée à Beyrouth. Ainsi que le journaliste Wissam Qassem, de la télévision Al-Manar.
Dans ce même complexe hôtelier composé de petits bungalows, d'autres journalistes affiliés notamment à la télévision égyptienne Al-Qahira News ou au média panarabe Al-Jazeera passaient la nuit.
"La porte du bungalow était grande ouverte, une épaisse fumée entrait depuis le jardin. J'ai pensé à un incendie", poursuit Mme el-Helwe.
Elle téléphone à un collègue également sur place pour comprendre ce qui se passe. "Il m'a dit qu'il était sous les décombres", ajoute-t-elle.
Dehors, elle voit "un véhicule SNG (pour liaison satellite) qui avait été projeté, et un bungalow où dormaient nos collègues complètement rasé".
Constatant l'étendue des destructions "chacun d'entre nous s'est assuré qu’on n’était pas blessées", dit-elle au téléphone à l'AFP.
Hasbaya, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Beyrouth, avait jusqu'alors été épargnée par les frappes israéliennes.
"Qu'avons nous fait ?"
Le Premier ministre Najib Mikati a fustigé une attaque "délibérée" contre des journalistes endormis, dénonçant comme son ministre de l'Information Ziad Makari un "crime de guerre".
"On dormait dans nos chambres, sans nos gilets pare-balles, ni nos casques", dit Mme el-Helwe.
Les journalistes présents à Hasbaya s'y étaient installés début octobre car elle était considérée comme sûre. Ils venaient de quitter la région voisine de Marjayoun, où ils se trouvaient depuis quasiment un an, en raison de l'intensification des frappes.
Depuis les premiers échanges de tirs à la frontière entre Israël et le Hezbollah en octobre 2023, "c'est la première fois que la localité de Hasbaya est prise pour cible", a déclaré à l'AFP le responsable local Naïm el-Lahham.
"L'ennemi israélien... traque à nouveau la presse, aujourd'hui dans une zone relativement éloignée", a déclaré Muhammad Farhat, correspondant de la chaîne libanaise Al-Jadeed, sur l'écran de sa télévision.
Le visage recouvert d'une couche de poussière grisâtre, il exhibe son lit enfoui sous les décombres de son bungalow.
"Nous dormions dans notre bungalow. Comme vous pouvez le voir, voici ma chambre et mon lit", montre-t-il.
De son côté, Fatima Ftouni, correspondante d'Al-Mayadeen sortie indemne, a effectué son direct en exhibant son gilet pare-balles partiellement déchiré avec l'inscription "Presse", devant une voiture détruite.
"Voici ce qui reste de mon gilet, de mon casque et de l'arme que nous portons", a-t-elle dit, en montrant son micro.
"Je ne sais pas pourquoi on porte ces vestes et ces casques si l'occupation n'y prête aucune attention", dit-elle en allusion à Israël. "Qu'avons-nous fait? Nous avons signalé les crimes de l'occupation dans le sud du Liban?"
"Pas de couverture médiatique"
Le 13 octobre 2023, une frappe israélienne près de la frontière avec Israël a tué le vidéaste de l'agence Reuters, Issam Abdallah, et blessé six autres reporters: deux de Reuters, deux de la chaîne qatarie Al Jazeera et deux de l'Agence France-Presse (AFP), Dylan Collins et la photographe Christina Assi, amputée de la jambe droite.
Des enquêtes indépendantes, dont l'un menée par l'AFP, ont conclu à l'utilisation d'un obus de char de 120 mm d'origine israélienne.
Le 21 novembre 2023, Al-Mayadeen avait accusé Israël d'avoir tué trois membres de son équipe, dont les journalistes Farah Omar et Rabih Maamari, dans le sud du Liban.
Des organisations de défense des droits des journalistes au Liban ont comptabilisé la mort de cinq photographes et personnel travaillant pour des plateformes médiatiques locales, dans des frappes israéliennes sur le sud du Liban et la banlieue sud de Beyrouth.
"Israël a déjà ciblé nos collègues quand ils étaient sur le terrain (...) mais là, on était en train de dormir", dit Mme el-Helwe. "Le message d'Israël, c'est qu'il ne veut pas de couverture médiatique dans le secteur."
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