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Au Liban, des ambulances tout juste offertes et aussitôt sous le feu

AFP , Jeudi, 17 octobre 2024

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Des véhicules de secours de la défense civile arrivent sur le site d’une frappe aérienne israélienne de nuit sur le village de Qana dans le sud du Liban. Photo : AFP

L'an dernier, Bachir Nakhal a lancé une cagnotte parce qu'il redoutait que la guerre entre Israël et Gaza ne déborde au Liban, son pays. Aujourd'hui, les ambulances qu'il a pu acheter se retrouvent sous les bombes israéliennes.

Pendant des mois, cet ingénieur informatique de 29 ans, lui-même secouriste bénévole, a recensé les besoins de ses collègues, sur le pont depuis que, le 8 octobre 2023, le Hezbollah libanais a ouvert un front dans le nord d'Israël en soutien au Hamas palestinien, en guerre à Gaza.

Depuis près d'un mois, la formation pro-iranienne et Israël sont en guerre ouverte et les besoins ont explosé: les trousses de secours et autres équipements d'urgence que Bachir Nakhal apportait grâce à des dons ont cédé la place à deux ambulances récemment acheminées dans le Sud.

"J'ai vu ce qui se passait à Gaza", où les bombardements israéliens ininterrompus ont fait plus de 42.000 morts en un an selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, "et je me suis dit qu'il valait mieux qu'on soit prêts ici", affirme le jeune Libanais à l'AFP.

- "Servir la collectivité" -

"C'est ma façon de faire face à la guerre et de faire ma part du travail en servant la collectivité", poursuit-il.

Mais il a essuyé des revers: à peine quatre jours après sa mise en service, sa première ambulance a été détruite par une frappe israélienne sur le village méridional de Derdghaiya qui a tué cinq secouristes dont le chef de la caserne locale de la Défense civile et son fils.

Une semaine plus tard, quand l'aviation israélienne a pilonné la ville de Nabatiyeh, également dans le Sud, emportant son maire et plusieurs médecins et secouristes, sa seconde ambulance a échappé de peu aux tirs venus du ciel.

"On ne pensait pas que nos ambulances seraient directement visées ou bombardées", lâche M. Nakhal.

"On voulait surtout combler un vide et assurer un nombre minimum d'ambulances", dans un pays à l'économie en chute libre depuis la grande faillite de 2019, où les secouristes disent payer eux-mêmes leurs équipements et devoir composer avec les moyens du bord face au danger, omniprésent dans le sud frontalier d'Israël.

Et avec les incursions terrestres israéliennes qui se multiplient et les raids aériens qui s'intensifient sur les bastions du Hezbollah --le Sud et l'Est ou la banlieue sud de Beyrouth-- mais aussi dans des villages éloignés ayant accueilli des déplacés, le danger ne fait que grandir.

"De plus en plus d'attaques contre des ambulances et des centres de secours sont rapportées", s'inquiétait ainsi récemment le bureau des Affaires humanitaires de l'ONU.

- "Sauver une vie suffit" -

Le ministre de la Santé, Firas Abiad, affirmait mardi avoir recensé "plus de 150 secouristes et soignants tués et 130 ambulances endommagées" en un an. Les violences ont également forcé 13 hôpitaux à interrompre complètement ou partiellement leurs opérations, ajoutait-il.

En face, l'armée israélienne accuse le Hezbollah d'utiliser des ambulances pour transporter armes et combattants, sans toutefois en apporter la preuve. Son porte-parole menace régulièrement de prendre "les mesures nécessaires" contre "tout véhicule transportant des hommes armés, quel que soit son type".

Pas de quoi abattre Bachir Nakhal et son équipe.

Ensemble, ils travaillent déjà à réunir des fonds pour une troisième ambulance pour l'envoyer cette fois-ci dans l'est du pays.

Omar Abboud a ainsi relancé ses contacts à New York où il vit désormais.

Pour la première ambulance, avec un post sur les réseaux sociaux, cet ingénieur avait recueilli 15.000 dollars en une journée. Pour la seconde, quelques jours plus tard, 10.000 dollars.

Et la destruction de l'ambulance de Derdghaiya n'a pas entamé sa motivation, elle est pour lui "un nouvel exemple du fait indéniable qu'Israël vise des hôpitaux et des ambulances en toute impunité".

Pour le troisième véhicule, il compte bien ramener autant d'argent que pour les précédents.

"Et que nos ambulances roulent cinq jours ou cinq ans ne change rien", assure-t-il à l'AFP.

"Quand on fait face à des souffrances et des destructions de cette ampleur, ne serait-ce que sauver une seule vie suffit".

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