Israël a mené une frappe aérienne vendredi en Cisjordanie occupée, au troisième jour d'une vaste opération militaire lancée en marge de la guerre qu'elle mène à Gaza, où la souffrance des habitants va "au-delà de ce que tout être humain devrait endurer", selon l'ONU.
Au moins 23 Palestiniens ont été tués depuis mercredi par l'armée israélienne en Cisjordanie occupée, dont des enfants et des femmes, d'après l'agence de presse de Wafa, citant des sources médicales locales.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, appelle sur le réseau social X à la "fin immédiate" de cette opération, condamnant "fermement les pertes de vies humaines, notamment de mineurs".
A Washington, la vice-présidente américaine, Kamala Harris, a réitéré son soutien au droit d'Israël "à se défendre", et répondu "non" à la question de savoir si, élue présidente à l'élection de novembre, elle suspendrait les livraisons américaines d'armes à Israël, alors que la guerre dans la bande de Gaza, assiégée et séparée de la Cisjordanie occupée par Israël, a fait plus de 40.600 morts en près de onze mois.
Dans le cadre d'une opération qu'elle a qualifiée "d'antiterroriste", l'armée israélienne a envoyé mercredi des colonnes de blindés sur Jénine, Tulkarem, Toubas et leurs camps de réfugiés, dans le nord de la Cisjordanie, où des groupes armés sont particulièrement actifs contre l'occupation israélienne du territoire palestinien.
Le bureau des affaires humanitaires de l'ONU, Ocha, a alerté sur la poursuite "d'opérations militaires à proximité des hôpitaux" et les "graves dommages" infligés aux infrastructures, coupant par endroits électricité et télécommunications.
L'armée a dit avoir tué 19 combattants mercredi et jeudi. Le ministère palestinien de la Santé a également recensé 19 morts, parmi lesquels deux adolescents de 13 et 17 ans, selon le Croissant-Rouge palestinien.
"Deuxième Gaza"
Vendredi, les forces israéliennes n'opéraient qu'à Jénine, après leur retrait de Toubas et Tulkarem au cours des deux derniers jours, ont indiqué des habitants à l'AFP.
Des témoins ont rapporté une frappe israélienne sur une voiture à Zababdeh, au sud-est de Jénine. Un journaliste de l'AFP sur place a vu des restes humains sortis de la voiture par des ambulanciers.
L'armée israélienne a indiqué de son côté qu'un avion avait frappé une "cellule terroriste" dans la région de Jénine et dit avoir tué trois "terroristes du Hamas".
A Jénine, un photographe de l'AFP rapporte que la route menant à l'hôpital reste bloquée par une jeep blindée de l'armée israélienne. Seules les ambulances peuvent y accéder sous le contrôle de l'armée. Tout est fermé, il n'y a ni voitures ni piétons dans les rues.
Dans le camp de Nour Chams, à Tulkarem, des habitants observaient vendredi les dégâts après le retrait israélien.
"Il n'y a pas de différence entre nous et Gaza, nous sommes le deuxième Gaza", affirme Nayef Alajma.
Les incursions israéliennes dans des zones autonomes palestiniennes sont quotidiennes en Cisjordanie occupée, mais elles sont rarement d'une telle ampleur.
"Qu'est-il advenu de notre humanité?"
Depuis le début de la guerre à Gaza, les violences en Cisjordanie ont flambé.
L'ONU a chiffré mercredi à au moins 637 les Palestiniens tués par l'armée israélienne ou des colons depuis le 7 octobre. Au moins 19 Israéliens parmi lesquels des soldats y ont péri dans des attaques palestiniennes ou des opérations de l'armée, selon les données officielles israéliennes.
Dans la bande de Gaza, les secours gazaouis font état vendredi de nouvelles frappes israéliennes, recensent au moins trois morts dans un raid aérien sur l'est de Khan Younès (sud), et deux autres, dont un enfant, dans une frappe sur le camp de réfugiés de Jabaliya (nord).
L'armée dit avoir frappé un lanceur de projectiles d'où des tirs avaient été effectués vers le territoire israélien. Elle affirme en outre avoir tué des "dizaines" de combattants dans le sud et le centre de la bande de Gaza au cours des dernières 24 heures.
Sur 251 personnes enlevées le 7 octobre par les militants palestiniens, 103 sont toujours retenues à Gaza, dont 33 déclarées mortes par l'armée.
Les représailles israéliennes à Gaza ont fait au moins 40.602 morts, selon le ministère de la Santé à Gaza, et provoqué un désastre humanitaire et sanitaire dans le territoire assiégé.
La plupart des 2,4 millions d'habitants du territoire palestinien ont été déplacés en près de 11 mois de guerre.
Seule lueur d'espoir: un responsable de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé jeudi qu'Israël avait accepté des "pauses humanitaires" de trois journées chacune, à raison de plusieurs heures par jour, pour lancer dimanche la vaccination des enfants contre la polio, après l'annonce d'un premier cas confirmé.
L'ambassadeur américain adjoint à l'ONU Robert Wood a appelé Israël à "assurer des périodes de calme et à s'abstenir d'opérations militaires" pendant ces périodes, et à "éviter de nouveaux ordres d'évacuation".
Des ordres d'évacuation que la cheffe par intérim du bureau humanitaire de l'ONU (Ocha), Joyce Msuya, a dénoncé devant le Conseil de sécurité de l'ONU -- 16 depuis début août --, forçant la population à se déplacer sans cesse, vivant "dans l'incertitude, sans savoir quand le prochain ordre arrivera".
"Les civils ont faim. Ils ont soif. Ils sont malades. Ils sont sans abri. Ils ont été poussés au-delà des limites de leur résistance, au-delà de ce que tout être humain devrait endurer", a-t-elle dit.
"Ce dont nous avons été témoins ces 11 derniers mois (...) remet en question l'engagement du monde envers le droit international créé pour empêcher ces tragédies", a-t-elle déploré.
"Cela nous force à demander: qu'est-il advenu de notre humanité élémentaire?".
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