Plus d'un million et demi de fidèles musulmans sont à La Mecque, dans l'ouest de l'Arabie saoudite, pour accomplir le grand pèlerinage annuel, qui se déroule dans l'ombre de la guerre à Gaza.
Les pèlerins se préparent dans la ville la plus sainte de l'islam pour le début vendredi des rituels du hajj, qui se dérouleront sur plusieurs jours, sous des températures moyennes avoisinant les 44 degrés, selon les prévisions officielles.
Au coeur de la Grande mosquée, de nombreux pèlerins vêtus de deux pièces d'étoffe blanche pour les hommes et de tenues couvrant entièrement le corps pour les femmes, ont déjà commencé à tourner autour de la Kaaba, structure cubique noire vers laquelle tous les musulmans se tournent pour prier.
"Cest magnifique", dit Mariam Comate, une Ivoirienne de 48 ans, venue d'Abidjan. "Lorsque j'ai vu la Kaaba pour la première fois, j'étais stupéfaite".
Jusqu'à lundi soir, 1.547.295 pèlerins étaient arrivés de l'étranger, la plupart par avion, a indiqué mercredi l'agence de presse officielle, sans compter les fidèles de l'intérieur du royaume.
Le hajj est l'un des cinq piliers de l'islam et doit être entrepris au moins une fois par les musulmans qui en ont les moyens.
Beaucoup de colère
Cette année, le hajj se déroule dans l'ombre de la guerre entre Israël et le mouvement palestinien Hamas, qui ravage la bande de Gaza depuis plus de huit mois.
La poursuite de cette guerre meurtrière "suscite beaucoup de colère dans le monde musulman", et pourrait donner lieu à des expressions de solidarité qui ne seraient pas au gout du pays hôte, souligne Umer Karim, expert en politique saoudienne de l'université de Birmingham, au Royaume-Uni.
La monarchie saoudienne a annoncé cette semaine l'accueil de 1.000 pèlerins parmi les familles des victimes de la bande de Gaza, portant à 2.000 le nombre total de Palestiniens à La Mecque.
Elle a toutefois prévenu, par la voix de son ministre du Hajj, Tawfiq al-Rabiah, qu'"aucune activité politique" ne sera tolérée, le pèlerinage devant être strictement consacré aux prières.
L'Arabie saoudite n'a jamais reconnu Israël, mais une éventuelle normalisation était sur la table avant la guerre déclenchée le 7 octobre. Depuis, les discussions se poursuivent avec les Etats-Unis, mais elles sont conditionnées à la création d'un Etat palestinien.
Les autorités vont chercher "à contrôler la diffusion de tout message ou manifestation politique", qui risquerait de devenir "incontrôlable" et viser les dirigeants du royaume, estime Umer Karim.
Le hajj est une source de légitimité pour les dirigeants saoudiens, le souverain portant le titre de "gardien des deux saintes mosquées" de La Mecque et Médine.
Mais il leur confère aussi un immense pouvoir, celui d'empêcher un musulman d'accomplir son devoir religieux, rappelle l'universitaire et opposante saoudienne basée à Londres, Madawi al-Rasheed.
Et "ils veulent que le hajj reste une plateforme pour faire valoir leur légitimité dans le monde musulman", ajoute-t-elle.
Défi logistique
Plus de 1,8 million de musulmans avaient pris part au hajj en 2023, dont environ 90% venus de l'étranger.
L'accueil d'un tel nombre de pèlerins dans des espaces restreints est une "prouesse logistique", souligne le professeur à l'Université de Princeton, Bernard Haykel.
Le grand pèlerinage a connu dans le passé plusieurs drames, notamment en 2015 lorsqu'une bousculade gigantesque a fait 2.300 morts. Mais les autorités ont procédé depuis à d'importants aménagements et mis en place des systèmes pour fluidifier les mouvements de foules.
Elles ont également mis en place des procédés pour gérer les risques sanitaires, La Mecque ayant été "historiquement un lieu de transmission des maladies entre personnes venant des différentes parties du monde", affirme M. Haykel.
En 2020 et 2021, la pandémie du Covid-19 avait contraint le royaume à restreindre le nombre de pèlerins à quelques milliers, contre 2,5 millions en 2019 et un record de plus de 3,1 millions en 2012.
Mais l'un des principaux risques pour les fidèles, qui doivent accomplir la plupart des rites en extérieur à La Mecque et dans ses environs, devrait être encore cette année le climat, dans l'une des régions les plus chaudes au monde.
Les dates du hajj étant déterminées selon le calendrier musulman, basé sur les cycles lunaires, les rituels devraient se dérouler sous des températures caniculaires.
D'après les autorités saoudiennes, plus de 2.000 pèlerins avaient souffert l'année dernières de troubles liés à la chaleur, pouvant aller de simples crampes à de sérieux problèmes cardiovasculaires.
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