Des dissensions sont apparues au sommet de l'Etat israélien autour du scénario de l'après-guerre dans la bande de Gaza, au moment où le gouvernement affirme y mener la "bataille décisive" pour anéantir le mouvement palestinien Hamas.
En entrant dans le 8e mois de guerre, l'armée israélienne a lancé le 7 mai des opérations au sol à Rafah, localité adossée à la frontière égyptienne à la lisière sud de la bande de Gaza, où se cachent, selon elle, les derniers bataillons du Hamas.
Mais, la bataille à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que "la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique", s'opposant publiquement au Premier ministre qui peu avant avait écarté "toute discussion sur l'avenir de la bande de Gaza" avant que "le Hamas soit anéanti".
"Une alternative gouvernementale au Hamas va être préparée immédiatement", a martelé M. Gallant, indiquant clairement qu'il s'opposerait à ce que la bande de Gaza soit placée sous administration civile ou militaire israélienne et sommant M. Netanyahu de déclarer que ce ne sera pas le cas.
Ces propos ont suscité la colère de ministres du gouvernement, parmi lesquels les ministres des Finances Bezalel Smotrich et de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, chefs de deux petits partis d'extrême-droite, acteurs-clé de la coalition gouvernementale, qui ont appelé au départ de Gallant.
"Prix à payer"
"Avec les critiques de Gallant (...) des réelles fissures sont apparues au sein du cabinet de guerre israélien", estime sur X Colin P. Clarke, directeur de recherche au centre de réflexion Soufan Group.
Et, avertissent les experts, faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu.
"Sans alternative pour remplir le vide, le Hamas continuera de prospérer", indique à l'AFP Mairav Zonszein, analyste de l'International Crisis Group (ICG).
"Si le Hamas est laissé seul dans Gaza, bien sûr, il apparaîtra ici et là et l'armée israélienne sera contrainte de courir partout", abonde Emmanuel Navon, professeur à l'université de Tel-Aviv.
Les Etats-Unis, principal soutien militaire d'Israël, pressent aussi M. Netanyahu d'éviter d'être englué, après le conflit, dans une interminable campagne de contre-insurrection. Washington a estimé fin mars qu'une "Autorité palestinienne redynamisée" pouvait jouer un rôle pour "créer les conditions d'une stabilité à la fois en Cisjordanie et dans Gaza", territoires palestiniens toujours considérés comme occupés au regard du droit international.
Une idée balayée par M. Netanyahu, pour qui l'Autorité palestinienne (AP), chassée de Gaza en 2007 par le Hamas et qu'il accuse de "soutenir" et "financer le terrorisme", n'est "certainement pas" une option pour diriger la bande de Gaza.
Pour Yoav Gallant, "le +jour d'après le Hamas+ n'existera qu'avec des entités palestiniennes prenant le contrôle de Gaza, accompagnées par des acteurs internationaux".
"C'est, par dessus tout, dans l'intérêt de l'Etat d'Israël" car "l'administration militaire de Gaza deviendrait le principal effort militaire et sécuritaire" d'Israël ces prochaines années et "le prix à payer serait un bain de sang (...) ainsi qu'un lourd coût économique", a-t-il estimé.
Combats "acharnés"
La guerre a été déclenchée par l'attaque sanglante menée par le Hamas dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort, côté israélien, de plus de 1.170 personnes, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
En riposte, Israël a lancé une offensive tous azimuts sur la bande de Gaza, qui a déjà fait plus de 35.000 morts, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.
Et alors qu'Israël dit avoir entamé la "bataille décisive" de Rafah, les soldats israéliens affrontent à nouveau depuis le 12 mai des combattants du Hamas dans le nord du territoire.
L'armée avait pourtant proclamé en janvier avoir "achevé le démantèlement de la structure militaire" du Hamas dans le nord. Elle admet désormais mener, à Jabaliya, ses combats "peut-être les plus acharnées" dans cette zone depuis le début de son offensive terrestre le 27 octobre.
Un signe que "l'anéantissement" du Hamas, un des objectifs de la guerre, n'est peut-être pas si proche. Quant aux espoirs caressés d'une trêve négociée au Caire avec le Hamas, ils se sont évanouis avec le début des opérations dans Rafah.
L'accord de trêve "est dans une impasse totale" et "Israël fait semblant qu'il y a des progrès", explique Mme Zonszein. Les tiraillements au sommet de l'Etat, "plus les désaccords avec les Etats-Unis et le refus de l'Egypte de laisser passer de l'aide" depuis l'offensive israélienne à Rafah, "tout cela commence à faire beaucoup", ajoute-t-elle.
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