Depuis plusieurs mois
, la tenue de la conférence de paix sur la Syrie est devenue un défi en soi. Comme si réunir les protagonistes, et non trouver une solution à la crise syrienne, était le but ultime.
Aller ou non à la conférence de paix prévue par l’Onu à Genève le 22 janvier. Une décision qui va être prise la semaine prochaine par la coalition de l’opposition syrienne lors d’une réunion en Turquie. « La décision finale sera prise lors d’une réunion de la coalition mi-décembre à Istanbul », a affirmé George Sabra, chef du Conseil national syrien, la principale composante de la coalition. Cette dernière avait pourtant donné le 12 novembre son accord de principe pour participer à la conférence. Mais elle a exigé que la conférence se tienne sur la base d’un transfert intégral du pouvoir et que le président syrien Bachar Al-Assad et ceux qui ont du sang syrien sur les mains ne jouent aucun rôle dans la phase transitoire et dans l’avenir de la Syrie.
Pour les embarrasser, le régime syrien a affirmé le 4 décembre que M. Assad devait mener la période de transition dans le pays. Une déclaration qui ne donne aucune lueur d’espoir pour une solution politique à la crise syrienne et qui annonce l’échec de la conférence de paix avant même sa tenue. « J’ai un doute quant à la tenue de la conférence elle-même », a déclaré Sabra. « Personne n’osera aller à Genève sans consultation avec les forces de l’intérieur qui détiennent la force réelle », a ajouté l’opposant syrien en référence aux rebelles combattant les forces du régime sur le terrain et qui refusent tout compromis et accusent l’opposition d’être déconnectée des réalités.
Soutenant l’avis de l’opposition syrienne, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a affirmé que le président syrien Bachar Al-Assad devait quitter le pouvoir pour permettre un accord de paix en Syrie, un pays ravagé par 33 mois de conflit. « Nous avons toujours été très clairs sur le fait qu’une solution pacifique en Syrie nécessitait le départ du président Assad », a déclaré Hague. « Il est impossible d’imaginer qu’après tant de morts, tant de destructions, un régime opprimant et assassinant son propre peuple à une telle échelle reste au pouvoir », a déclaré le chef de la diplomatie britannique. Ce dernier a par ailleurs affirmé que le maintien de Bachar Al-Assad aux affaires était un obstacle à la paix et que ni la Grande-Bretagne, ni aucun autre Etat occidental ne l’accepterait. « Nous pensons qu’il est impératif pour lui de partir », a exigé M. Hague, rappelant que son gouvernement reconnaissait la coalition de l’opposition syrienne comme représentante du peuple syrien.
Mais selon les analystes, le départ de Bachar Al-Assad n’est pas la seule question qui préoccupe la communauté internationale. « Ce n’est pas vrai que la communauté internationale est impuissante face à la crise syrienne. En fait, elle n’exerce aucune pression sur Bachar Al-Assad pour qu’il quitte le pouvoir et ainsi résoudre la crise. Car pour l’Occident, la question la plus importante est l’après-Assad : l’avenir de la Syrie mais aussi de toute la région après son départ », explique Mohamed Sami, politologue et spécialiste du dossier syrien. Ce dernier estime, en effet, que le risque de voir la Syrie devenir un nouvel Iraq n’est pas à exclure, d’autant plus que l’opposition demeure toujours divisée et faible. « Ce qui représente une menace pour la stabilité de la région, c’est-à-dire pour les intérêts de la communauté internationale aussi », explique Mohamed Sami.
Essayant d’assurer l’Occident, le premier ministre du gouvernement provisoire de l’opposition syrienne, Ahmed Toumeh, a annoncé que l’objectif principal de la révolution syrienne est que le peuple obtienne sa liberté et sa dignité pour sortir de l’oppression et de l’esclavage imposés par le régime durant les cinquante dernières années. « Ce point de départ constitue l’essentiel de nos faits et gestes. A partir de là, nous avons décidé de participer à la conférence de paix Genève-2, afin de mettre un terme au conflit syrien et de parvenir à une période transitoire durant laquelle nous obtiendrons toutes les prérogatives sécuritaires, militaires, les renseignements, les finances du pays et toutes les institutions vitales de l’Etat », explique Toumeh. Selon lui, le régime est le principal fautif. « Il a obligé le peuple à prendre les armes contre lui. Ce qui s’est passé en Syrie, c’est qu’après le début de la révolution et à cause de la forte pression qu’a exercée le régime qui a tué son peuple et l’a transformé en un peuple de réfugiés et de déplacés, à cause des emprisonnements abusifs, la révolution syrienne qui était pacifique s’est transformée en un conflit armé », ajoute Ahmed Toumeh.
Une opposition hétérogène et divisée
Or, la réelle menace aujourd’hui demeure que l’opposition est hétérogène et divisée. Selon les analystes, cette division est due au manque de confiance entre les différents groupes. Pour Moatez Salama, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire, « chaque faction craint que l’autre groupe ne le trahisse ou ne s’allie avec le régime contre lui. Chacun cherche son propre intérêt et veut être le seul gagnant » .
Bachar sera bientôt jugé
Pour la première fois depuis le début du conflit en Syrie, la haute commissaire aux droits de l’homme de l’Onu, Navi Pillay, a déclaré que des preuves indiquent une responsabilité du président syrien Bachar Al-Assad dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. « La Commission d’enquête sur la Syrie du Conseil des droits de l’homme a produit d’énormes quantités de preuves sur des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité. Les preuves indiquent une responsabilité au plus haut niveau du gouvernement, y compris du chef de l’Etat », a déclaré Navi Pillay, lors d’une conférence de presse.
La Commission d’enquête a été établie le 22 août 2011 par une résolution du Conseil des droits de l’homme, et a pour mission d’enquêter sur toute violation des droits de l’homme depuis mars 2011. Et le cas échéant, d’identifier les coupables afin de s’assurer qu’ils soient jugés. Dans son dernier rapport, publié le 11 septembre, la Commission, dont fait partie l’ex-procureur international Carla del Ponte, accuse le régime de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, et la rébellion de crimes de guerre. A plusieurs reprises, les membres de la Commission ont accusé de crimes de hauts responsables du régime syrien, sans jamais les nommer, ni mentionner directement le chef de l’Etat.
Mais cette fois, Pillay a expliqué qu’elle souhaitait la mise sur pied d’une enquête judiciaire nationale ou internationale crédible, qui permette de juger les responsables des crimes. Et la haute commissaire d’avertir : C’est seulement dans ce cadre, qui permet de respecter la présomption d’innocence, que la liste pourra être publiée.
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