Pour nourrir ses cinq enfants, Shadi Jenina s'est résolu à moudre des céréales destinées aux animaux. Dans le nord de la bande de Gaza, les Palestiniens font comme ils peuvent pour éviter la famine après plus de quatre mois de guerre.
"Nous cherchons de la nourriture pour les oiseaux, les animaux et le bétail, comme l'orge, le maïs, le blé concassé et le fourrage, et nous les broyons pour en faire de la farine", explique-t-il à l'AFP.
Le pain qu'il en tire "est sec et n'est pas fait pour les humains", mais "nous sommes obligés de le manger", ajoute-t-il, disant ne pas pouvoir "répondre aux besoins" alimentaires de ses enfants: "C'est comme les ténèbres dans nos estomacs".
Micro-territoire palestinien sous blocus israélien, Gaza est l'un des territoires les plus pauvres du Moyen-Orient. Mais avant le déclenchement de la guerre le 7 octobre, la population locale parvenait à manger à sa faim grâce entre autres à l'aide.
Or aujourd'hui, après plus de quatre mois de guerre, la population de Gaza se rapproche un peu plus chaque jour de "la famine" selon le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU.
Et la situation est particulièrement critique dans le nord du territoire, où peinent à accéder les organisations d'aides internationales.
"Misère à l'état pur"
Depuis le début de l'année, l'ONU n'a reçu le feu vert israélien que pour 12 des 77 missions d'évaluation et d'assistance des besoins dans le nord dont elle a demandé l'autorisation, selon son bureau de coordination de l'aide humanitaire (Ocha) qui dénonce les restrictions israéliennes.
"Il y a 300.000 personnes dans le nord et je n'ai aucune idée de comment elles survivent. Ce que nous parvenons à acheminer dans le nord n'est absolument pas suffisant. C'est la misère à l'état pur", déclare à l'AFP Andrea De Dominico, chef de l'Ocha pour les Territoires palestiniens.
"Chaque fois que nous franchissons le checkpoint de Wadi Gaza (passage vers le nord) avec de l'aide, des milliers de personnes surgissent, bloquent les camions et les vident", dit-il.
Ces derniers jours, l'ONG World Central Kitchen, qui offrait des milliers de repas chauds par jour, a dit avoir été "forcée" de quitter la ville de Gaza (nord) pour Rafah.
Rafah, située tout au sud, près de la frontière égyptienne, s'est transformée ces dernières semaines en un vaste camp où vivent désormais 1,4 million de personnes, la grande majorité déplacées par les raids et les combats.
Or après des opérations terrestres dans la ville de Gaza, puis à Khan Younès, Israël se prépare à entrer à Rafah, faisant craindre un bain de sang à la population et à la communauté internationale.
Avant la guerre, environ 500 camions par jour entraient avec des denrées diverses dans la bande de Gaza. Mais depuis, ce nombre dépasse rarement les 200, malgré les énormes besoins.
Israël resserre les contrôles sur les camions entrant dans le territoire ce qui limite de facto l'acheminement de l'aide.
Sans compter les manifestations de groupes de l'extrême droite israélienne qui veulent bloquer les camions devant le point d'entrée à Gaza, ou la nécessité pour l'ONU d'avoir des démineurs à bord, en raison des nombreuses munitions non explosées dans le nord.
"Nous n'allons pas mourir à cause des bombes, mais de la faim", tonne Mohammed Nassar, 50 ans, de Jabaliya, dans le nord de Gaza. "Notre plus gros problème, c'est que ce qu'il reste de nourriture est très cher, et que nous n'avons pas les moyens de nous la payer".
Depuis le début de la guerre, le prix du kilo de tomates, lorsque disponible sur les marchés, a ainsi été multiplié par 20 pour passer à 50 shekels (près de 13 euros), celui de la farine par 35 à 70 shekels (près de 18 euros)...
"Nous avons besoin de farine, de nourriture en urgence (...). Ce qui se passe ici, ça ne devrait pas arriver", ajoute Mohammed Nassar: "En quoi cela est-il de notre faute, ou de nos enfants?"
* article modifié par Ahraminfo
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