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Liban : La quadrature du cercle

Abir Taleb avec agences, Mercredi, 09 décembre 2020

Une deuxième conférence internationale s’est tenue pour venir en aide au Liban qui souffre d’une grave crise économique doublée d’une crise politique. Mais toute aide reste tributaire de la mise en place de réformes et de la formation rapide d’un gouvernement.

Liban : La quadrature du cercle
Le mouvement de contestation déclenché en octobre 2019 s’est aujourd’hui mué en impasse politicoéconomique. (Photo : AFP)

Depuis lundi 7 décembre, un nouveau billet de 100 000 lires libanaises est émis par la Banque Du Liban (BDL). Un nouveau billet mis en circulation pour célébrer les 100 ans du Grand Liban, mais qui intervient surtout alors que le pays du Cèdre connaît une crise économique et financière sans précédent, doublée d’une crise politique, et au moment où la BDL est pointée du doigt. En effet, dans un rapport intitulé « La dépression délibérée » — un titre loin d’être anodin —, et publié le 1er décembre, la Banque Mondiale (BM) met en avant l’inertie de la classe politique avec le « processus d’ajustement » financier piloté par la BDL. Les auteurs du rapport appellent une fois de plus les dirigeants à mettre en oeuvre un « agenda de réformes globales » qui s’attaque aux racines de la crise et qui va ouvrir la voie à un redressement de l’économie « plus équitable et efficace ».

Hasard ou pas, ce rapport de la BM a été rendu public à la veille d’une visioconférence de soutien à la population libanaise organisée, mercredi 2 décembre, sous l’égide de l’Onu et de la France. Une visioconférence qui a elle aussi fait le constat de l’impasse dans laquelle se trouve le Liban. Le ton se voulait ferme. Le président français, Emmanuel Macron, a réitéré ses exigences de réformes envers le Liban en ouvrant cette deuxième conférence internationale d’aide d’urgence pour le pays, quatre mois après l’explosion du port de Beyrouth, qui a réuni des chefs d’Etat, des organisations internationales, des fonds multilatéraux, des ONG et des représentants de la société civile libanaise. En introduction, Emmanuel Macron a dressé le bilan de la première conférence d’aide du 9 août, mais aussi fustigé les dirigeants libanais qui, a-t-il déploré, n’ont pas tenu leur engagement de former un gouvernement et de lancer des réformes, condition pour déclencher des aides structurelles. Il a confirmé qu’il se rendrait de nouveau au Liban en décembre pour le leur rappeler.

2,5 milliards de dollars sur 18 mois

Lors de la visioconférence, les donateurs ont dévoilé un plan destiné à reconstruire Beyrouth et à aider sa population après l’explosion au port début août qui a fait plus de 200 morts, estimant à 2,5 milliards de dollars sur 18 mois les fonds néces­saires. Ce plan « de réforme, de relè­vement et de reconstruction » ou « cadre 3RF » a été conçu par l’Union européenne, les Nations-Unies et la BM. Mais « ce soutien ne saurait remplacer l’engagement des forces politiques libanaises à former le plus rapidement possible un gouverne­ment et mettre en oeuvre la feuille de route de réformes sans laquelle l’aide structurelle internationale ne pour­rait être déclenchée. Nous ne lâche­rons rien ni sur nos promesses, ni sur nos exigences, que ce soit sur les réformes ou sur l’enquête sur l’ex­plosion », a rappelé le président fran­çais. Les trois instances ont prévenu que le soutien international à la reconstruction de la capitale libanaise dépendrait « des avancées crédibles sur le plan des réformes que le gou­vernement pourra mettre en avant ». Ces efforts devront notamment porter sur « l’audit (…) de la Banque cen­trale, la réforme du secteur bancaire, le contrôle des capitaux et l’unifica­tion du taux de change », ou encore sur la définition d’une « trajectoire crédible et durable vers la viabilité budgétaire ». Des « avancées sur ces réformes seront fondamentales, afin de permettre la mobilisation des financements privés ou de prêts publics (…) importants pour la mise en oeuvre de grands projets de recons­truction », ont-elles relevé.

La question est désormais de savoir si les Libanais seront à même de rem­plir ces conditions, à commencer par la formation d’un cabinet. Or, malgré les appels insistants et les pressions de la communauté internationale, et en dépit de l’urgence de la situation, le Liban est toujours sans gouverne­ment depuis quatre mois. La crise économique qui frappe le pays depuis plus d’un an et qui a déclenché le mouvement de contestation populaire le 17 octobre 2019 s’est aujourd’hui muée en crise politique. Une crise complexe en raison du système confessionnel qui régit la vie poli­tique. Depuis la double explosion du 4 août, deux tentatives de former un gouvernement ont échoué. La pre­mière s’est achevée avec le désiste­ment du premier ministre désigné, Moustapha Adib, le 30 septembre. La seconde n’a toujours pas abouti bien que six semaines se soient écoulées depuis la nomination de Saad Hariri, le 22 octobre. Et dans les deux cas, les querelles entre les principales forces politiques sont à l’origine des blocages.

L’oeuf ou la poule ? Les réformes ou les aides ? Le gouvernement ou les réformes ? Le pays du Cèdre n’est décidément pas près de sortir de l’auberge … l

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