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France-islam, au-delà de la polémique

Abir Taleb avec agences, Mercredi, 04 novembre 2020

La tension est à son comble en France sur fond de polé­mique sur l’islam, l’islamisme et l’isla­mophobie. Des ten­tatives sont entre­prises pour apaiser les crispations entre la France et le monde musulman.

France-islam, au-delà de la polémique
Macron a dit « comprendre qu’on puisse être choqué par ces caricatures », tout en dénonçant « les manifestations » et en regrettant les « malentendus ». (Photo : AFP)

La France est-elle en guerre contre l’islam ? Les pays musulmans sont-ils en guerre contre la France ? La réponse est certainement non. Et pourtant … Depuis plusieurs semaines, la ten­sion est à son comble, les malentendus extrêmes, le malaise pesant, le climat lourd de rancoeurs, surtout depuis l’attaque de Nice et la multiplica­tion des manifestations contre la France dans différents pays musulmans. L’attaque au cou­teau, survenue jeudi 29 octobre dans une église, a fait trois morts et a été perpétrée par un migrant tunisien en situation irrégulière de 21 ans. Le même jour, un prêtre orthodoxe a été attaqué à Lyon et un garde du consulat français à Djedda en Arabie saoudite.

L’attaque de Nice est intervenue près de deux semaines après l’assassinat d’un enseignant français ayant montré à ses élèves les carica­tures du prophète Mohamad et surtout après les déclarations du président français, Emmanuel Macron, défendant ces caricatures dans le cadre de la liberté d’expression. Immédiatement après l’incident de Nice, Macron a dénoncé « une attaque terroriste islamiste ». Le lendemain, des manifestations ont été tenues dans plusieurs pays musulmans : Bangladesh, Pakistan, Mali, Liban, Territoires palestiniens … La raison de la colère ne change pas : les manifestants protes­tent contre la position de la France au sujet des caricatures du prophète Mohamad, en même temps, les appels au boycott des produits fran­çais se multiplient.

Macron s’explique

Et la réplique de la France ne s’est pas fait attendre. C’est à la chaîne qatarie Al-Jazeera – un choix loin d’être anodin – que le président fran­çais a accordé samedi 31 octobre une interview vraisemblablement adressée aux musulmans du monde entier. Une tentative d’éteindre l’incen­die contre la France. Objectif : corriger les « contre-vérités » et rappeler les « fondements de nos principes républicains », selon l’Elysée. Une interview de près d’une heure au cours de laquelle Emmanuel Macron a tenté de rectifier le tir, sans pour autant revenir sur ses principes. Il s’est employé à rappeler et à défendre les piliers républicains de la France, tout en affir­mant « comprendre qu’on puisse être choqué par ces caricatures ». « Mais je n’accepterai jamais qu’on puisse justifier la violence », a dit le président français tout en dénonçant les « manipulations » et en regrettant les « malen­tendus », « parfois de dirigeants politiques et religieux », qui sont, selon lui, à l’origine des appels à manifester et à boycotter les produits français. « Contrairement à ce que j’ai beau­coup entendu ces derniers jours, notre pays n’a de problème avec aucune religion », et notam­ment l’islam, a-t-il également affirmé.

Avant lui, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’exprimant à l’Assemblée nationale à la suite de l’attentat terroriste de Nice, s’est adressé aux pays musul­mans avec un message de paix. « Je voudrais transmettre un message pour la paix au monde musulman et dire que la France n’est pas un pays de tolérance, pas de mépris et de rejet. N’écoutez pas ceux qui essaient d’imposer la méfiance », a déclaré Le Drian. « La religion et la culture musulmanes font partie de notre his­toire française et européenne, nous la respec­tons. Les musulmans appartiennent de plein droit à notre communauté nationale. Nous ne saurions accepter ces campagnes de désinfor­mation et de manipulation parce qu’elles visent à dénaturer et à travestir ces réalités », a ajouté le ministre français, en allusion aux accusations selon lesquelles les musulmans seraient discri­minés en France.

Instrumentalisation

Or, la polémique est bel et bien là. Tout comme le malentendu, voire le dialogue de sourds. D’un côté, des néoconservateurs qui attaquent l’islam au nom des « nobles valeurs occidentales ». De l’autre, des islamistes réac­tionnaires qui prétendent vouloir se venger de « ces nouveaux croisés ». Pour de nombreux Français, l’affaire des caricatures est le symbole de leurs principes, de leurs valeurs et de leur identité. Pour de nombreux musulmans, elle est la négation de leur identité et symbolise surtout un affront qu’ils ne peuvent pas accepter. Et surtout, au-delà des sentiments des uns et des autres, l’affaire a été hautement politisée et instrumentalisée. A l’intérieur de la France, face à une extrême droite qui monte en puissance et avec l’élection présidentielle de 2022 en ligne de mire, Emmanuel Macron se doit de séduire l’électorat qui risque de basculer vers l’extrême droite. Une occasion en or pour les islamistes radicaux qui exploitent les sentiments des mil­lions de musulmans qui se sentent choqués, voire offensés.

Et parmi les premiers à venir pêcher en eaux troubles figure la Turquie. Au moment où les relations entre la Turquie et la France sont au plus bas, Ankara profite de ce climat d’incom­préhension et de crispation pour se placer en défenseur de l’islam, galvaniser les foules de musulmans qui se sentent victimes de l’islamo­phobie, et se poser comme le fer de lance de l’appel au boycott des produits français.

Or, le jeu turc, tout le monde en est conscient, y compris les pays musulmans. Dans une inter­view parue lundi 2 novembre dans le quotidien allemand Die Welt, le ministre émirati des Affaires étrangères, Anwar Gargash, a rejeté l’idée selon laquelle Emmanuel Macron aurait exprimé un message d’exclusion des musul­mans. « Il faut écouter ce que Macron dans son discours a vraiment dit, il ne veut pas de ghet­toïsation des musulmans en Occident et il a tout à fait raison », a-t-il déclaré. Pour le chef de la diplomatie émirati, la controverse est surtout le résultat d’une récupération politique par le chef de l’Etat turc, Recep Tayyip Erdogan.

Une récupération politique par Erdogan, certes, mais aussi par bien d’autres parties ….

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