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Dr Abdelkarim Taferguennit : C’est un point positif dans le contexte d’un début de changement

Abir Taleb, Dimanche, 15 décembre 2019

Dr Abdelkarim Taferguennit, académicien et analyste politique algérien, décrypte la situa­tion politique en Algérie suite à l’élection de Abdelmadjid Tebboune à la présidentielle du 12 décembre. Entretien.

Dr Abdelkarim Taferguennit

Al-Ahram Hebdo : Beaucoup de questions se posent après la prési­dentielle d’autant que les manifes­tations ont éclaté aussitôt après. Qu’en pensez-vous ?

Abdelkarim Taferguennit: Dix mois après le lancement du Hirak, des élections présiden­tielles ont été tenues dans des conditions excep­tionnelles. La rue connaît des manifestations contre et d’autres pour. Et le débat entre les deux pôles se poursuit, notamment sur les réseaux sociaux. Ces élections sont différentes par rapport aux précédentes, jamais il n’y a eu un tel débat autour d’un scrutin. En même temps, il n’y a pas de contestations des résul­tats. Aucun recours n’a été fait auprès de la Commission électorale indépendante et les quatre autres candidats ont remercié la commis­sion. Ces élections étaient transparentes et fiables et c’est un point positif dans le contexte d’un début de changement.

— Le Hirak va-t-il se poursuivre, et si oui, peut-il préserver sa nature pacifique ?

— Le président élu, Abdelmadjid Tebboune, a longuement répété, avant même son élection, l’expression « le Hirak béni », estimant que c’était une aubaine. Et dans sa première confé­rence de presse après l’annonce de sa victoire à la présidentielle, il a tendu la main au Hirak, proposant un dialogue dans la formule que choi­siront ceux qui descendent dans la rue. Il a fait savoir que le dialogue permettra de trouver un terrain d’entente. Selon certains indices, l’Algé­rie est prête à cette nouvelle étape. Le Hirak a constitué une forme de pression et il continuera à l’être, que ce soit à travers la rue ou à travers d’autres canaux comme les réseaux sociaux, les médias ou les organisations de la société civile.

— Elu dans de telles conditions, le nouveau président a-t-il une véritable légitimité ?

— Les élections ont été tenues dans des cir­constances exceptionnelles dans un contexte de crise politique aiguë. Dans ce contexte donc, un taux de participation de 40% est tout à fait cor­rect. Lors de la précédente présidentielle, ce taux avoisinait les 50%. Il n’y a donc pas de diffé­rence notable et l’abstention est un phénomène courant de par le monde. Quant à la légitimité du président, elle n’est pas uniquement basée sur le taux de participation. Les conditions dans les­quelles se tient le scrutin sont un indice impor­tant: dans cette élection, aucun recours n’a été déposé. La légitimité démocratique émane du choix de la majorité, et la majorité a choisi Tebboune.

— Selon vous, comment le nouveau prési­dent algérien va-t-il gérer la période à venir ?

Dr Abdelkarim Taferguennit
La gestion de la contestation sera la tâche majeure du nouveau président.

— Le président élu a parlé de 54 engagements. Sa priorité, il l’a dit, est d’amender la Constitution. A cet effet, des consultations seront tenues dans la période à venir avec les spécia­listes et la classe politique afin de rédiger une nouvelle Constitution qui dessine les contours de la nouvelle République, qui consolide la démocratie, qui « moralise » la vie politique et qui réglemente le rôle du « contre-pouvoir » afin de permettre à tous les points de vue de s’exprimer. La deuxième priorité du président est la loi électorale.

— Abdelmadjid Tebboune peut-il se défaire de l’étiquette de « candidat du sys­tème » ?

— Le président élu a servi l’Algérie pendant 50 ans. Il a été vice-wali, puis wali (gouverneur) à plusieurs reprises, puis ministre, également à plusieurs reprises. Il a notamment marqué de son empreinte le domaine de l’habitat, lorsqu’il était ministre de l’Habitat en construisant des logements destinés à la classe moyenne. Tebboune est le seul premier ministre à avoir occupé ce poste seulement 81 jours suite à la pression qu’il a subie de la part des hommes d’affaires après avoir lancé sa campagne contre la corruption. D’ailleurs, il a toujours plaidé pour la séparation entre l’argent et la politique.

— Comment analysez-vous les premières déclarations du président élu ?

— D’après les premières déclarations de Tebboune, ce dernier tend à vouloir calmer la situation à travers ses appels à unir les rangs, ses appels au dialogue avec le Hirak et avec tous ceux qui le désirent, et à travers la main tendue vers toutes les parties sans exception. Et ce, afin de trouver une issue aux problèmes que traverse l’Algérie. Ses premières déclarations vont dans le sens de l’apaisement.

— La tenue de la présidentielle était en soi problématique. Maintenant que le pays a un nouveau président élu, vers où va l’Algérie ?

— Il faut attendre les premières décisions et les premières mesures que le nouveau président va prendre. Et il faudra attendre la réaction de la classe politique et du Hirak. Tant que la jeu­nesse fait l’objet de l’attention du pouvoir, l’espoir de surmonter la situation actuelle existe.

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