1 800 personnes ont fui les combats d'Idleb depuis le début de l'offensive le 29 avril. (Photo : AFP)
Après deux semaines de combats acharnés, les forces armées syriennes ont pris, jeudi 9 mai, le contrôle d’un fief djihadiste dans la province de Hama. L’offensive a été lancée après que des dizaines de roquettes eurent été tirées sur une importante base militaire russe dans le nord-ouest de la Syrie. Des tirs exploités par le pouvoir de Bachar Al-Assad et son allié russe pour intensifier leurs bombardements contre le sud de la province d’Idleb et le nord de la région voisine de Hama, des territoires contrôlés par Hayat Tahrir Al-Cham (HTS, ex-branche syrienne d’Al-Qaëda) et d’autres groupes djihadistes. « Les forces du régime ont conquis la localité de Qalaat Al-Madiq après des bombardements intenses qui ont obligé les adversaires à s’en retirer. Qalaat Al-Madiq était le principal fief des djihadistes et rebelles islamistes dans le nord-ouest de Hama », a indiqué le directeur de l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH), Rami Abdel-Rahmane. Cette localité fait partie des secteurs d’où sont généralement tirées des roquettes sur l’aéroport militaire de Hmeimim, principale base russe en Syrie, située dans la province voisine de Lattaquié, selon l’OSDH.
Les frappes de ces derniers jours sont les plus intenses depuis que Moscou et Ankara ont annoncé, en septembre 2018, un accord sur une « zone démilitarisée », qui devait séparer les territoires insurgés des zones gouvernementales et garantir un arrêt des hostilités. Cet accord sur Idleb, où vivent quelque 3 millions de personnes, n’a jamais été véritablement respecté. Les djihadistes ont toujours refusé de se retirer de la « zone tampon » et ces dernières semaines, Damas et son allié russe ont abondamment bombardé le sud de la province et repris le contrôle de plusieurs villes. Une situation qui a poussé le chef de Hayat Tahrir Al-Cham à lancer un appel à « prendre les armes » pour défendre son bastion d’Idleb, dans le nord du pays.
« La situation s’aggrave et on s’attend à un affrontement féroce et définitif dans les semaines à venir. Un affrontement qui tranchera l’affaire. Dans cette offensive, la stratégie du régime syrien est de procéder par étapes, région par région, et ce, afin d’éviter les pertes civiles et les critiques de la communauté internationale qui s’ensuivent. Alors, il vise les positions des djihadistes d’un côté puis de l’autre, il prend contact avec les autres djihadistes qui n’appartiennent pas à l’HTS pour marchander leur départ contre le dépôt des armes », explique Dr Mona Soliman, professeure à la faculté d’économie et de sciences politiques à l’Université du Caire. Elle ajoute : « Idleb est la dernière région ou se trouvent encore des opposants syriens. C’est aussi la dernière région hors du contrôle du régime syrien. Si elle est reprise par les forces syriennes, ce sera la mort de l’opposition dans ce pays. Actuellement, l’opposition syrienne est soutenue par la Turquie seulement. Mais si Idleb est reprise par le régime, la Turquie va bien sûr chercher à protéger ses intérêts. Elle peut tout à fait lâcher ses alliés pour signer un accord avec le régime syrien ». Pour le moment, les Turcs ont appelé la Russie à faire cesser les attaques du régime syrien contre la province d’Idleb. « Le régime tente d’élargir sa zone de contrôle dans le sud d’Idleb en violation de l’accord d’Astana », a estimé le ministre turc de la Défense, Hulusi Aka, en ajoutant que cette province est contrôlée par les djihadistes, mais c'est aussi une zone de désescalade garantie en principe par la Russie depuis septembre.
Timide réaction internationale
Du côté de la communauté internationale, c’est presque l’indifférence. Soutenant toujours son allié, la Russie s’est opposée vendredi 10 mai à toute position commune du Conseil de sécurité, lors d’une réunion à huis clos sur la situation à Idleb en Syrie. Lors d’une déclaration solennelle aux médias à l’issue de la réunion, 11 pays du Conseil sur 15 ont exprimé leur « profonde préoccupation » face à l’aggravation de la situation dans la province d’Idleb.
En fait, cette offensive contre Idleb met fin au processus politique déjà bloqué depuis plusieurs années sans que l’Onu parvienne à déclencher un processus de révision constitutionnelle conduisant à des élections. « La communauté internationale ne s’intéresse plus trop à ce sujet en même temps, elle craint un affrontement direct entre la Turquie et la Syrie, car il aurait des conséquences fâcheuses. Elle attend donc de voir ce qui va se passer après la reprise de Idleb », estime Dr Mona Soliman. Et de conclure : « La situation est certes tendue et les deux pays vont faire pression pour augmenter leurs gains, mais ils vont certainement éviter d’entre en guerre. La Turquie contrôle déjà plusieurs villes syriennes. Un accord tacite peut la laisser faire dans ces villes à condition que le régime syrien éloigne les Kurdes de cette zone et garantit qu’ils n’attaqueront pas cette région. En tout cas, Assad doit reprendre Idleb avant de s’orienter vers les villes occupées par la Turquie », affirme Dr Soliman.
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