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Dr Khaled Hanafy : Un accord de paix a besoin d’une institution légitime et influente pour l’appliquer

Maha Salem, Mardi, 09 avril 2019

Dr Khaled Hanafy, politologue et analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, au Caire, explique la situation actuelle en Libye et revient sur les conditions nécessaires pour sortir de cette crise.

Al-Ahram Hebdo : Pourquoi le maréchal Khalifa Haftar a-t-il choisi de lancer cette offensive, quelques jours avant la conférence de paix, organisée mi-avril sous l’égide de l’Onu ?

Khaled Hanafy: Le maréchal Khalifa Haftar a lancé son offensive à ce moment-là pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il contrôle déjà 85% de la Libye et est donc devenu l’homme le plus puissant et le plus influent du pays. Alors c’est illogique de rester à la table des négociations sans montrer ses forces et sa supériorité. Il voulait attirer l’attention de la communauté internationale et faire savoir qu’il n’est pas au même niveau que son rival Fayez Al-Sarraj.

Un accord de paix, qui ne prend pas en considération l’équilibre des forces sur terre, ne sera jamais applicable. Autre raison: il a annoncé que cette offensive visait à libérer la capitale des groupes armés, des terroristes et des djihadistes, mais il soutient la conférence de paix. Ainsi, il veut faire la distinction entre opérations militaires et décisions politiques. Il veut accorder une certaine légitimité à son armée, et l’asseoir comme la seule force capable de protéger le pays, d’appliquer l’accord de paix et d’établir la stabilité. Troisième raison, le maréchal Haftar contrôle la majorité des ressources pétrolières libyennes, mais la communauté internationale l’oblige à partager les revenus des ressources avec ses rivaux. Il protège les puits sans en avoir ni les avantages ni les privilèges, alors il voulait ajouter ce point à la table de négociation.

— Pourquoi les analystes prévoient-ils que les combats seront difficiles et longs ?

— Le maréchal Haftar a contrôlé le sud du pays, grâce à des accords avec les tribus et les factions, ou bien après des combats rapides. Mais à Tripoli, la situation sera différente. Déjà, il existe plusieurs milices armées qui défendent Tripoli. De plus, les milices armées de Misrata ont annoncé leur soutien à Fayez Al-Sarraj, un soutien qui va influencer les combats. Les milices de Misrata sont les plus équipées, elles possèdent toutes les armes lourdes de l’ancien régime. Alors les combats seront acharnés et imprévisibles. On dit souvent qu’une guerre entre deux forces armées organisées, sous l’ordre de dirigeants connus, est plus facile qu’une guerre entre des milices armées. Dans ce cas, les forces armées de Haftar sont obligées d’affronter plusieurs commandants, chacun défendant ses intérêts et sa propre stratégie.

— A cet égard, la conférence de paix qui se tient mi-avril aboutira-t-elle à un accord ?

— La crise libyenne ne sera pas achevée par les guerres, mais par un règlement politique. Le vrai enjeu, ce n’est pas d’arriver à un accord de paix, mais de réussir à le faire appliquer. On a déjà signé plusieurs accords de paix, mais ils sont restés lettre morte. Avant de signer, il faut garantir son application. Un accord de paix a besoin d’une institution légitime et influente pour l’appliquer. Alors, l’important n’est pas d’arriver à un accord de paix, mais de savoir ce qui vient après.

— Alors, après la signature de l’accord de paix entre Libyens, quels sont les défis que le pays affrontera ?

— Il s’agit de quatre défis importants sans solution. Tout d’abord, le désarmement des milices armées. Leur nombre atteint plus de 40 000 combattants, qu’il faudrait intégrer avec les groupes armés à l’Armée nationale libyenne, car ils menacent la stabilité et la sécurité du pays. Autre question, on doit arriver à une réconciliation sociale. Ces dernières années, il y avait des combats et des affrontements dans plusieurs régions entre les tribus et les factions, alors aujourd’hui la question de la vengeance entre eux se présente. Troisième défi: le partage juste et égal des ressources pétrolières et des richesses entre les différentes régions libyennes. Enfin, dernier point: l’existence des djihadistes des groupes terroristes comme Daech et Al-Qaëda.

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