
Les Tunisiens ont à nouveau manifesté cette semaine.
(Photo:AP)
Après une semaine de contestation sociale inédite depuis la révolution du Jasmin en 2011, la Tunisie est confrontée au spectre d’une déstabilisation. Le premier ministre tunisien, Habib Essid, a appelé à la patience. Mais aucune mesure n’a été décrétée pour calmer les protestataires, et seul un couvre-feu a été décrété. « La Tunisie est en danger malgré les choses positives que nous avons accomplies, surtout au niveau de la transition démocratique. Nous affrontons à nouveau un défi sécuritaire, économique et social. Les solutions existent, mais il faut un peu de patience et d’optimisme », a expliqué Habib Essid, à l’issue d’un conseil des ministres extraordinaire. Il a assuré que le gouvernement resterait mobilisé pour étudier la situation dans le pays qui ne parvient pas à s’extirper du marasme économique. Le ministre de la Société civile et des Droits de l’homme, Kamel Jendoubi, a, lui, affirmé que le gouvernement s’apprête à annoncer des mesures pour « la jeunesse, l’emploi et la prise en charge des situations difficiles ».
Protestant contre la hausse du chômage, des milliers de jeunes manifestent quotidiennement dans les rues. « La situation est toujours instable en Tunisie. Le pays est confronté à un problème difficile, car il ne peut pas développer son économie dans ces conditions. Les deux secteurs importants en Tunisie sont le tourisme et les investissements. Or, ils exigent sécurité et stabilité. La classe politique est immergée par les problèmes sécuritaire et politique. Ce climat favorise la corruption et la mauvaise gestion. Elle n’a ni le temps ni la capacité de régler les problèmes économiques. Et le gouvernement n’a pas de solutions actuellement, sinon, il les aurait présentées avant même que cette vague de colère et de protestation ne soit déclenchée », explique Dr Ayman Chaaban, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire.
Les troubles sociaux avaient débuté le 16 janvier à Kasserine, lorsqu’un chômeur de 28 ans, Ridha Yahyaoui, est mort électrocuté après être monté sur un poteau. Il protestait, avec d’autres, contre son retrait d’une liste d’embauches dans la fonction publique. La contestation s’est rapidement propagée, témoignant de la persistance de l’exclusion sociale dans ce pays.
Essayant de calmer les protestataires, le président Essebsi a reconnu que la contestation qui s’est ensuite propagée était naturelle, et a appelé le gouvernement à élaborer un plan contre le chômage. « Il n’y a pas de dignité sans emploi », a annoncé le président après une nuit de violence dans certaines villes durant laquelle des postes de police ont été incendiés et des saccages se sont produits dans plusieurs banlieues.
Après ces violences, les autorités ont décrété un couvre-feu, arguant du danger que représenterait la poursuite des atteintes contre les propriétés publiques et privées pour la sécurité de la patrie et des citoyens. Mais le chef de l’Etat a mis en garde contre la reprise de la contestation par le biais de « mains malveillantes », évoquant des partis politiques sans les nommer ainsi que le groupe djihadiste Etat Islamique (EI), qui a revendiqué les trois attentats meurtriers majeurs ayant frappé la Tunisie en 2015.
« Après le début de ces manifestations, des mains malveillantes sont intervenues et ont enflammé la situation. Et nous informons ces gens qu’ils sont tous connus, fichés, et que leurs appartenances partisanes sont connues, qu’il s’agisse de partis légaux ou interdits », a accusé le président tunisien.
Face à la dégradation de la situation, Habib Essid, qui participait au Forum de Davos (Suisse), s’est rendu en France pour y rencontrer le premier ministre français, Manuel Valls, pour chercher un soutien. « Le chômage est un problème essentiel et l’une des priorités du gouvernement. Mais nous n’avons pas de baguette magique pour en finir en peu de temps et pour donner de l’emploi à tout le monde en même temps », a expliqué Habib Essid, en ajoutant que la Tunisie doit trouver un nouveau modèle de développement qui s’appuie sur la justice sociale. La France, de son côté, a annoncé un plan de soutien à la Tunisie d’un milliard d’euros sur cinq ans, visant à aider les régions défavorisées et la jeunesse, en mettant l’accent sur l’emploi. Le chômage en Tunisie touche plus de 15 % de la population et 30 % des jeunes diplômés. Ces chiffres sont encore supérieurs dans les régions situées à l’intérieur du pays. Plusieurs organisations, dont la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) et Oxfam, ont appelé à l’adoption d’un modèle économique pour la réduction des disparités régionales et des inégalités sociales, se disant « déçues » face à l’inaction des gouvernements successifs. Le président Essebsi a défendu son gouvernement : « En moins d’un an, nous nous sommes retrouvés face à une situation très difficile et un chômage étouffant ». L’Etat tunisien n’est pas prêt à régler tous ses problèmes.
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