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Contre l’impunité israélienne

Maha Salem, Mardi, 04 août 2015

Après la mort d’un bébé palestinien de 18 mois, brûlé vif, les autorités palestiniennes annoncent porter plainte devant la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Contre l’impunité israélienne
Les manifestations ont éclaté suite à l'incident du bébé brûlé vif. (Photo:AP)
La tension a repris de plus belle dans les territoires occupés. Les violences aussi. Et ce, après l’incident criminel qui a coûté vendredi 31 juillet la vie à un bébé palestinien, alors que le père, la mère et le frère du bébé, gravement brûlés, sont toujours entre la vie et la mort. Suite à cet incident, les Palestiniens sont descendus dans les rues pour exprimer leur colère, et des heurts ont opposé Palestiniens et policiers israéliens sur l’esplanade des Mosquées, après deux jours de protestations en Cisjordanie occupée et à Jérusalem qui avaient dégénéré en affrontements avec l’armée israélienne.
L’attaque commise par un colon a été vivement condamnée dans le monde entier. Elle a surtout suscité la colère des Palestiniens, au moment où les espoirs de paix sont au plus bas, et que les Palestiniens ont pris conscience qu’ils ne peuvent plus rien attendre des Israéliens. Ainsi, le président palestinien, Mahmoud Abbas, a prévenu qu’il entendait s’adresser à la Cour Pénale Internationale (CPI). « Nous préparons immédiatement le dossier qui sera soumis à la CPI et rien ne nous arrêtera dans notre volonté de porter plainte », a affirmé M. Abbas en dénonçant « les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis chaque jour par des Israéliens contre le peuple palestinien ». Abbas a également accusé les autorités israéliennes de cacher la vérité et a dénoncé leur « faiblesse face à ce genre de crimes contre un peuple sans armes ». « L’armée a dénoncé le terrorisme, mais si elle voulait le faire cesser, elle le ferait. Nous demandons au gouvernement israélien, même si l’expérience nous a appris que c’était vain, de prendre des mesures et de les appliquer », a poursuivi Abbas, déplorant le fait que quand le gouvernement israélien soutient la colonisation, il soutient ces extrémistes. « Nous demandons au monde de condamner ces actes et aux Etats-Unis de se prononcer », a déclaré le président palestinien, alors que les négociations de paix sous l’égide de Washington ont de nouveau échoué il y a plus d’un an. Ces attaques sont selon lui le « résultat direct » de la « politique de colonisation menée par Israël », qui a abouti à l’installation d’environ 400 000 colons en Cisjordanie et 200 000 autres à Jérusalem-Est, occupée et annexée.
En effet, les Palestiniens placent peu d’espoir dans le gouvernement israélien sur lequel les partisans de la colonisation et de la droite nationaliste et religieuse ont la haute main. De leur côté, les Israéliens tentent de calmer le jeu sans pour autant prendre de réelles mesures. Ainsi, à cause de la forte pression exercée sur les autorités israéliennes, le ministre israélien de la Défense, Moshé Yaalon, a autorisé dimanche la détention administrative, c’est-à-dire sans charge et pour une durée illimitée, contre des extrémistes juifs. Mesure habituellement réservée aux Palestiniens. « Le terrorisme juif doit être traité avec les mêmes moyens que le terrorisme arabe, y compris en utilisant les méthodes d’interrogatoire appropriées et des détentions administratives », a déclaré M. Yaalon, selon le porte-parole de la Défense.
Mais aucun suspect n’a jusqu’à présent été arrêté pour cette attaque qui s’est produite dans le nord de la Cisjordanie occupée. « Et aucun suspect ne sera arrêté », pronostique Dr Sameh Rached, analyste au Centre des études arabes et africaines au Caire. Selon lui, « cette mesure a été prise sous forte pression, juste pour apaiser les tensions. Mais les Israéliens n’ont jamais eu et n’auront jamais l’intention de condamner un colon. C’est une manoeuvre qui vise à gagner du temps. D’ailleurs, ce n’est pas le premier crime commis par un colon. Et presque tous les précédents sont restés impunis. C’est d’ailleurs là l’une des raisons pour laquelle ils se poursuivent », explique Dr Sameh Rached.
En effet, l’ONG israélienne Yesh Din a annoncé que 15 maisons palestiniennes ont été incendiées depuis 2008 en Cisjordanie sans qu’aucun auteur ait été arrêté. Depuis des années, des activistes d’extrême droite ou des colons se livrent, sous le label du « prix à payer », à des agressions et des actes de vandalisme contre des Palestiniens, des Arabes israéliens, des lieux de culte musulmans et chrétiens ou même l’armée israélienne. Et toujours ces actes sont attribués à des personnes inconnues et leurs auteurs demeurent libres. En même temps, appliquée aux Palestiniens seulement, cette mesure a permis d’emprisonner sans inculpation ni jugement, pour des périodes de six mois renouvelables indéfiniment, 379 des 5 686 prisonniers palestiniens.
Débat israélo-israélien
Au sein d’Israël, l’opposition tente de profiter de cet incident pour pointer du doigt les défauts du gouvernement actuel. Une délégation du Meretz, le parti de la gauche israélienne, s’est rendu à Ramallah pour calmer les Palestiniens. Alors que l’ex-président Shimon Pérès a dénoncé indirectement la responsabilité de M. Netanyahu. « Celui qui incite à la haine contre les Arabes d’Israël, qu’il ne s’étonne pas lorsqu’on incendie des églises, des mosquées et qu’à la fin on brûle un bébé dans la nuit », a-t-il dit, alors que des déclarations de campagne de M. Netanyahu sur les Arabes israéliens avaient provoqué un tollé en mars dernier lors des élections anticipées.
Quant au président israélien, Reuven Rivlin, il a dit « avoir honte » dans un texte publié en hébreu et en arabe dimanche dans la presse.
Autant de déclarations qui semblent plutôt alimenter le débat politique interne en Israël qu’être destinées à trouver les moyens de mettre un terme à de tels agissements, du moins à calmer les Palestiniens .
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