La justice suisse a condamné mercredi à des peines de prison deux dirigeants de la société PetroSaudi, accusés d'avoir détourné 1,8 milliard de dollars du fonds souverain malaisien 1MDB.
Le Tribunal pénal fédéral a condamné Tarek Obaid, directeur de Petrosaudi, société saoudi-suisse établie à Genève, à sept ans de prison et son ancien bras droit, Patrick Mahony, à six ans, a rapporté l'agence de presse suisse Keystone-ATS.
Les deux hommes devront également restituer à 1MDB un montant d'environ 2 milliards de dollars et 5% d'intérêts accumulés à partir de différentes dates depuis 2009.
Ces condamnations ne sont pas définitives et peuvent être contestées devant la Cour d'appel du même tribunal.
Les deux hommes étaient arrivés séparément en début d'après-midi au tribunal dans la ville de Bellinzone, dans le sud du pays, accompagnés de leurs avocats, selon un photographe et un vidéaste de l'AFP.
Ils sont accusés d'avoir participé à une vaste opération de détournement de fonds orchestrée par Jho Low, un conseiller de l'ex-Premier ministre malaisien Najib Razak avec la complicité de ce dernier.
L'ampleur globale des détournements s'élèverait au final à plusieurs milliards de dollars, dont au moins 1,8 milliard à l'actif des deux hommes jugés en Suisse: Tarek Obaid, 48 ans et détenteur de la double nationalité suisse et saoudienne, et le suisso-britannique Patrick Mahony, 47 ans, contre lesquelles la procureure Alice de Chambrier avait requis 10 ans et 9 ans d'emprisonnement.
Les faits reprochés s'étendent sur une période de 2009 à 2015 à tout le moins, et les deux hommes étaient jugé pour "escroquerie, gestion déloyale aggravée et blanchiment d'argent aggravé".
La défense avait plaidé l'acquittement arguant qu'il n'y avait pas eu d'escroquerie.
"Train de vie dispendieux"
Le MPC les accuse d'avoir, "dans le but de s'enrichir et d'enrichir des tiers, détourné au moins 1,8 milliard de dollars versé par le fonds souverain malaisien 1Malaysia Development Berhad (1MDB) sur la base d'une joint-venture avec PetroSaudi, opération par la suite convertie en prêt islamique, puis d'avoir blanchi ces montants".
Selon le MPC, l'argent détourné de 1MDB, a permis aux deux hommes "d'acquérir, entre autres, des immeubles en Suisse et à Londres, des bijoux, du private equity, de développer les activités de PetroSaudi et d'entretenir un train de vie dispendieux".
La procureure Alice de Chambrier avait qualifié les accusés de "calculateurs, manipulateurs et obscènement cupides" et caractérisé le délit "d'arnaque du siècle", avait rapporté l'agence Keystone-ATS, tandis que la défense avait tenté de situer l'affaire dans le contexte des relations entre PetroSaudi et 1MDB.
En 2005, M. Obaid officiait comme conseiller privé de la couronne saoudienne et le prince Turki - le septième fils du roi Abdallah - était alors son meilleur ami, selon une longue enquête publiée en juin 2018 par le quotidien suisse Le Temps.
PetroSaudi, cofondée avec le prince Turki, était basée au sein même du palais royal et la caution implicite de la couronne lui a ouvert des portes dans le monde du pétrole, souligne Le Temps.
En 2009, M. Obaid s'était rapproché de Najib Razak, devenu Premier ministre en Malaisie et ce dernier lui a proposé alors de faire affaire. PetroSaudi et 1MDB créent alors une joint-venture, à Genève.
Le scandale entourant le fonds 1MDB, censé contribuer au développement économique de la Malaisie, a abouti à l'ouverture de procédures dans plusieurs pays notamment aux Etats-Unis.
Selon la justice américaine, plus de 4,5 milliards de dollars ont été détournés entre 2009 et 2015 du fonds, dans une fraude aux ramifications planétaires.
En Malaisie, il a coûté la victoire de l'ancien Premier ministre Najib Razak aux élections de 2018 et a entraîné sa condamnation à 12 ans de prison, réduite en février dernier à six ans.
Le scandale a déjà conduit à la condamnation en Suisse d'un ex-banquier de la BSI - six mois avec sursis - tout comme de la banque elle-même - 4,5 millions de francs - pour blanchiment, avait révélé en mars le site Gotham City.
La banque d'affaires Pictet a pour sa part écopé d'une amende de 40.000 francs pour n'avoir pas dénoncé un client impliqué, selon la même source.
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